1867 |
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Le Capital - Livre premier
Le développement de la production capitaliste
IV° section : la production de la plus-value relative
La manufacture présente deux formes fondamentales qui, malgré leur entrelacement accidentel, constituent deux espèces essentiellement distinctes, jouant des rôles très différents lors de la transformation ultérieure de la manufacture en grande industrie. Ce double caractère provient de la nature du produit qui doit sa forme définitive ou à un simple ajustement mécanique de produits partiels indépendants, ou bien à une série de procédés et de manipulations connexes.
Une locomotive, par exemple, contient plus de cinq mille pièces complètement distinctes. Néanmoins elle ne peut pas servir de produit échantillon de la première espèce de manufacture proprement dite, parce qu'elle provient de la grande industrie. Il en est autrement de la montre que déjà William Petty a choisie pour décrire la division manufacturière du travail. Primitivement uvre individuelle d'un artisan de Nuremberg, la montre est devenue le produit social d'un nombre immense de travailleurs tels que faiseurs de ressorts, de cadrans, de pitons de spirale, de trous et leviers à rubis, d'aiguilles, de boîtes, de vis, doreurs, etc. Les sous divisions foisonnent. Il y a, par exemple, le fabricant de roues (roues de laiton et roues d'acier séparément), les faiseurs de pignons, de mouvements, l'acheveur de pignon (qui assujettit les roues et polit les facettes), le faiseur de pivots, le planteur de finissage, le finisseur de barillet (qui dente les roues, donne aux trous la grandeur voulue, affermit l'arrêt), les faiseurs d'échappement, de roues de rencontre, de balancier, le planteur d'échappement, le repasseur de barillet (qui achève l'étui du ressort) , le polisseur d'acier, le polisseur de roues, le polisseur de vis, le peintre de chiffres, le fondeur d'émail sur cuivre, le fabricant de pendants, le finisseur de charnière, le faiseur de secret, le graveur, le ciliceur, le polisseur de boîte, etc., enfin le repasseur qui assemble la montre entière et la livre toute prête au marché. Un petit nombre seulement des parties de la montre passe par diverses mains et tous ces membres disjoints, membra disjecta, se rassemblent pour la première fois dans la main qui en fera définitivement un tout mécanique. Ce rapport purement extérieur du produit achevé avec ses divers éléments rend ici, comme dans tout ouvrage semblable, la combinaison des ouvriers parcellaires dans un même atelier tout à fait accidentelle. Les travaux partiels peuvent même être exécutés comme métiers indépendants les uns des autres; il en est ainsi dans les cantons de Waadt et de Neufchâtel, tandis qu'à Genève, par exemple, il y a pour la fabrication des montres de grandes manufactures, c'est à dire coopération immédiate d'ouvriers parcellaires sous le commandement d'un seul capital. Même dans ce cas, le cadran le ressort et la boîte sont rarement fabriqués dans la manufacture. L'exploitation manufacturière ne donne ici de bénéfices que dans des circonstances exceptionnelles, parce que les ouvriers en chambre se font la plus terrible concurrence, parce que le démembrement de la production en une foule de procès hétérogènes n'admet guère de moyens de travail d'un emploi commun, et parce que le capitaliste économise les frais d'atelier, quand la fabrication est disséminée [1]. Il faut remarquer que la condition de ces ouvriers de détail qui travaillent chez eux, mais pour un capitaliste (fabricant, établisseur), diffère du tout au tout de celle de l'artisan indépendant qui travaille pour ses propres pratiques [2].
La seconde espèce de manufacture, c'est à dire sa forme parfaite, fournit des produits qui parcourent des phases de développement connexes, toute une série de procès gradués, comme, par exemple, dans la manufacture d'épingles, le fil de laiton passe par les mains de soixante douze et même de quatre-vingt douze ouvriers dont pas deux n'exécutent la même opération.
Une manufacture de ce genre, en tant qu'elle combine des métiers primitivement indépendants, diminue l'espace entre les phases diverses de la production. Le temps exigé pour la transition du produit d'un stade à l'autre est ainsi raccourci, de même que le travail de transport [3]. Comparativement au métier, il y a donc gain de force productive, et ce gain provient du caractère coopératif de la manufacture. D'autre part, la division du travail qui lui est propre réclame l'isolement des différentes opérations, et leur indépendance les unes vis-à-vis des autres. L'établissement et le maintien du rapport d'ensemble entre les fonctions isolées nécessite des transports incessants de l'objet de travail d'un ouvrier à l'autre, et d'un procès à l'autre. Cette source de faux frais constitue un des côtés inférieurs de la manufacture comparée à l'industrie mécanique [4].
Avant de parvenir à sa forme définitive, l'objet de travail, des chiffons, par exemple, dans la manufacture de papier, ou du laiton dans celle d'épingles, parcourt toute une série d'opérations successives. Mais, comme mécanisme d'ensemble, l'atelier offre à lil l'objet de travail dans toutes ses phases d'évolution à la fois. Le travailleur collectif, Briarée, dont les mille mains sont armées d'outils divers, exécute en même temps la coupe des fils de laiton, la façon des têtes d'épingles, l'aiguisement de leurs pointes, leur attache, etc. Les diverses opérations connexes, successives dans le temps, deviennent simultanées dans l'espace, combinaison qui permet d'augmenter considérablement la masse de marchandises fournies dans un temps donné [5].
Cette simultanéité provient de la forme coopérative du travail; mais la manufacture ne s'arrête pas aux conditions préexistantes de la coopération : elle en crée de nouvelles par la décomposition qu'elle opère dans les métiers. Elle n'atteint son but qu'en rivant pour toujours l'ouvrier à une opération de détail.
Comme le produit partiel de chaque travailleur parcellaire n'est en même temps qu'un degré particulier de développement de l'ouvrage achevé, chaque ouvrier ou chaque groupe d'ouvriers fournit à l'autre sa matière première. Le résultat du travail de l'un forme le point de départ du travail de l'autre. Le temps de travail nécessaire pour obtenir dans chaque procès partiel l'effet utile voulu est établi expérimentalement, et le mécanisme total de la manufacture ne fonctionne qu'à cette condition, que dans un temps donné un résultat donné est obtenu. Ce n'est que de cette manière que les travaux divers et complémentaires les uns des autres peuvent marcher côte à côte, simultanément et sans interruption. Il est clair que cette dépendance immédiate des travaux et des travailleurs force chacun à n'employer que le temps nécessaire à sa fonction, et que l'on obtient ainsi une continuité, une régularité, une uniformité et surtout une intensité du travail qui ne se rencontrent ni dans le métier indépendant ni même dans la coopération simple [6]. Qu'une marchandise ne doive coûter que le temps du travail socialement nécessaire à sa fabrication, cela apparaît dans la production marchande en général l'effet de la concurrence, parce que, à parler superficiellement, chaque producteur particulier est forcé de vendre la marchandise à son prix de marché. Dans la manufacture, au contraire, la livraison d'un quantum de produit donné dans un temps de travail donné devient une loi technique du procès de production lui-même [7].
Des opérations différentes exigent cependant des longueurs de temps inégales et fournissent, par conséquent, dans des espaces de temps égaux, des quantités inégales de produits partiels. Si donc le même ouvrier doit, jour par jour, exécuter toujours une seule et même opération, il faut, pour des opérations diverses, employer des ouvriers en proportion diverse : quatre fondeurs, par exemple, pour deux casseurs et un frotteur dans une manufacture de caractères d'imprimerie; le fondeur fond par heure deux mille caractères, tandis que le casseur en détache quatre mille et que le frotteur en polit huit mille. Le principe de la coopération dans sa forme la plus simple reparaît : occupation simultanée d'un certain nombre d'ouvriers à des opérations de même espèce; mais il est maintenant l'expression d'un rapport organique. La division manufacturière du travail simplifie donc et multiplie en même temps non seulement les organes qualitativement différents du travailleur collectif; elle crée, de plus, un rapport mathématique fixe qui règle leur quantité, c'est à dire le nombre relatif d'ouvriers ou la grandeur relative du groupe d'ouvriers dans chaque fonction particulière.
Le nombre proportionnel le plus convenable des différents groupes de travailleurs parcellaires est il une fois établi expérimentalement pour une échelle donnée de la production, on ne peut étendre cette échelle qu'en employant un multiple de chaque groupe spécial [8]. Ajoutons à cela que le même individu accomplit certains travaux tout aussi bien en grand qu'en petit, le travail de surveillance, par exemple, le transport des produits partiels dune phase de la production dans une autre, etc. Il ne devient donc avantageux d'isoler ces fonctions ou de les confier à des ouvriers spéciaux, qu'après avoir augmenté le personnel de latelier; mais alors cette augmentation affecte proportionnellement tous les groupes.
Quand le groupe isolé se compose d'éléments hétérogènes, d'ouvriers employés à la même fonction parcellaire, il forme un organe particulier du mécanisme total. Dans diverses manufactures, cependant, le groupe est un travailleur collectif parfaitement organisé, tandis que le mécanisme total n'est formé que par la répétition ou la multiplication de ces organismes producteurs élémentaires. Prenons, par exemple, la manufacture de bouteilles. Elle se décompose en trois phases essentiellement différentes : premièrement, la phase préparatoire où se fait la composition du verre, le mélange de chaux, de sable, etc., et la fusion de cette composition en une masse fluide [9]. Dans cette première phase, des ouvriers parcellaires de divers genres sont occupés ainsi que dans la phase définitive, qui consiste dans lenlèvement des bouteilles hors des fours à sécher, dans leur triage, leur mise en paquets, etc. Entre les deux phases a lieu la fabrication du verre proprement dite, ou la manipulation de la masse fluide. A l'embouchure d'un même fourneau travaille un groupe qui porte, en Angleterre, le nom de hole (trou), et qui se compose d'un bottle maker, faiseur de bouteilles ou finisseur, d'un blower, souffleur, d'un gatherer, d'un putter up ou whetter of et d'un taker in. Ces cinq ouvriers forment autant d'organes différents d'une force collective de travail, qui ne fonctionne que comme unité, c'est à dire par coopération immédiate des cinq. Cet organisme se trouve paralysé dès qu'il lui manque un seul de ses membres. Le même fourneau a diverses ouvertures, en Angleterre de quatre à six, dont chacune donne accès à un creuset d'argile rempli de verre fondu, et occupe son groupe propre de cinq ouvriers. L'organisme de chaque groupe repose ici sur la division du travail, tandis que le lien entre les divers groupes analogues consiste en une simple coopération qui permet d'économiser un des moyens de production, le fourneau, en le faisant servir en commun. Un fourneau de ce genre, avec ses quatre à six groupes, forme un petit atelier, et une manufacture de verre comprend un certain nombre de ces ateliers avec les ouvriers et les matériaux dont ils ont besoin pour les phases de production préparatoires et définitives.
Enfin la manufacture, de même qu'elle provient en partie d'une combinaison de différents métiers, peut à son tour se développer en combinant ensemble des manufactures différentes. C'est ainsi que les verreries anglaises d'une certaine importance fabriquent elles mêmes leurs creusets d'argile, parce que la réussite du produit dépend en grande partie de leur qualité. La manufacture d'un moyen de production est ici unie à la manufacture du produit. Inversement, la manufacture du produit peut être unie à des manufactures où il entre comme matière première, ou au produit desquelles il se joint plus tard. C'est ainsi qu'on trouve des manufactures de flintglass combinées avec le polissage des glaces et la fonte du cuivre, cette dernière opération ayant pour but l'enchâssure ou la monture d'articles de verres variés. Les diverses manufactures combinées forment alors des départements plus ou moins séparés de la manufacture totale, et en même temps des procès de production indépendants, chacun avec sa division propre du travail. Malgré les avantages que présente la manufacture combinée, elle n'acquiert néanmoins une véritable unité technique, tant qu'elle repose sur sa propre base. Cette unité ne surgit qu'après la transformation de l'industrie manufacturière en industrie mécanique.
Dans la période manufacturière on ne tarda guère à reconnaître que son principe n'était que la diminution du temps de travail nécessaire à la production des marchandises, et on s'exprima sur ce point très clairement [10]. Avec la manufacture se développa aussi çà et là l'usage des machines, surtout pour certains travaux préliminaires simples qui ne peuvent être exécutés qu'en grand et avec une dépense de force considérable. Ainsi, par exemple, dans la manufacture de papier, la trituration des chiffons se fit bientôt au moyen de moulins ad hoc, de même que dans les établissements métallurgiques l'écrasement du minerai au moyen de moulins dits brocards [11]. L'empire romain avait transmis avec le moulin à eau la forme élémentaire de toute espèce de machine productive [12]. La période des métiers avait légué les grandes inventions de la boussole, de la poudre à canon, de l'imprimerie et de l'horloge automatique. En général, cependant, les machines ne jouèrent dans la période manufacturière que ce rôle secondaire qu'Adam Smith leur assigne à côté de la division du travail [13]. Leur emploi sporadique devint très important au XVII° siècle, parce qu'il fournit aux grands mathématiciens de cette époque un point d'appui et un stimulant pour la création de la mécanique moderne.
C'est le travailleur collectif formé par la combinaison d'un grand nombre d'ouvriers parcellaires qui constitue le mécanisme spécifique de la période manufacturière. Les diverses opérations que le producteur d'une marchandise exécute tour à tour et qui se confondent dans l'ensemble de son travail, exigent, pour ainsi dire, qu'il ait plus d'une corde à son arc. Dans l'une, il doit déployer plus d'habileté, dans l'autre plus de force, dans une troisième plus d'attention, etc., et le même individu ne possède pas toutes ces facultés à un degré égal. Quand les différentes opérations sont une fois séparées, isolées et rendues indépendantes, les ouvriers sont divisés, classés et groupés d'après les facultés qui prédominent chez chacun d'eux. Si leurs particularités naturelles constituent le sol sur lequel croit la division du travail, la manufacture une fois introduite, développe des forces de travail qui ne sont aptes qu'à des fonctions spéciales. Le travailleur collectif possède maintenant toutes les facultés productives au même degré de virtuosité et les dépense le plus économiquement possible, en n'employant ses organes, individualisés dans des travailleurs ou des groupes de travailleurs spéciaux, qu'à des fonctions appropriées à leur qualité [14]. En tant que membre du travailleur collectif, le travailleur parcellaire devient même d'autant plus parfait qu'il est plus borné et plus incomplet [15]. L'habitude d'une fonction unique le transforme en organe infaillible et spontané de cette fonction, tandis que l'ensemble du mécanisme le contraint d'agir avec la régularité d'une pièce de machine [16]. Les fonctions diverses du travailleur collectif étant plus ou moins simples ou complexes, inférieures ou élevées; ses organes, c'est à dire les forces de travail individuelles, doivent aussi être plus ou moins simples ou complexes; elles possèdent par conséquent des valeurs différentes. La manufacture crée ainsi une hiérarchie des forces de travail à laquelle correspond une échelle graduée des salaires. Si le travailleur individuel est approprié et annexé sa vie durant à une seule et unique fonction, les opérations diverses sont accommodées à cette hiérarchie d'habiletés et de spécialités naturelles et acquises [17]. Chaque procès de production exige certaines manipulations dont le premier venu est capable. Elles aussi sont détachées de leur rapport mobile avec les moments plus importants de l'activité générale et ossifiées en fonctions exclusives. La manufacture produit ainsi dans chaque métier dont elle s'empare une classe de simples manouvriers que le métier du moyen âge écartait impitoyablement. Si elle développe la spécialité isolée au point d'en faire une virtuosité aux dépens de la puissance de travail intégrale, elle commence aussi à faire une spécialité du défaut de tout développement. A côté de la gradation hiérarchique prend place une division simple des travailleurs en habiles et inhabiles. Pour ces derniers les frais d'apprentissage disparaissent; pour les premiers ils diminuent comparativement à ceux qu'exige le métier; dans les deux cas la force de travail perd de sa valeur [18]; cependant la décomposition du procès de travail donne parfois naissance à des fonctions générales qui, dans l'exercice du métier, ne jouaient aucun rôle ou un rôle inférieur. La perte de valeur relative de la force de travail provenant de la diminution ou de la disparition des frais d'apprentissage entraîne immédiatement pour le capital accroissement de plus value, car tout ce qui raccourcit le temps nécessaire à la production de la force de travail agrandit ipso facto le domaine du surtravail.
Notes
[1] En 1854, Genève a produit quatre vingt mille montres, à peine un cinquième de la production du canton de Neufchâtel. Chaux de Fonds, que l'on peut regarder comme une seule manufacture, livre chaque année deux fois autant que Genève. De 1850 à 1861 cette dernière ville a expédié sept cent cinquante mille montres. Voyez : Report from Geneva on the Watch Trade dans les Reports by H. W's. Secretaries of Embassy and Legation on the Manufactures, Commerce, etc., n°6, 1863. Ce n'est pas seulement l'absence de rapport entre les opérations particulières dans lesquelles se décompose la production d'ouvrages simplement ajustés, qui rend très difficile la transformation de semblables manufactures en grande industrie mécanique; dans le cas qui nous occupe, la fabrication de la montre, deux obstacles nouveaux se présentent, à savoir la petitesse et la délicatesse des divers éléments et leur caractère de luxe, conséquemment leur variété, si bien que dans les meilleures maisons de Londres, par exemple, il se fait à peine dans un an une douzaine de montres qui se ressemblent. La fabrique de montres de Vacheron et Constantin, dans laquelle on emploie la machine avec succès, fournit tout au plus trois ou quatre variétés pour la grandeur et la forme.
[2] La fabrication des montres est un exemple classique de la manufacture hétérogène. On peut y étudier très exactement cette différenciation et cette spécialisation des instruments de travail dont il a été question ci dessus.
[3] « Quand les gens sont ainsi rapprochés les uns des autres, il se perd nécessairement moins de temps entre les diverses opérations. » (The Advantages of the East India Trade, p.166.)
[4] « La séparation des travaux différents dans la manufacture, conséquence forcée de l'emploi du travail manuel, ajoute immensément aux frais de production; car la principale perte provient du temps employé à passer d'un procès à un autre. » (The Industry of Nations. London, 1855. Part. II. p. 200.)
[5] « En scindant l'ouvrage en différentes parties qui peuvent toutes être mises à exécution dans le même moment, la division du travail produit donc une économie de temps... Les différentes opérations qu'un seul individu devrait exécuter séparément étant entreprises à la fois, il devient possible de produire par exemple une multitude d'épingles tout achevées dans le même temps qu'il faudrait pour en couper ou en appointer une seule. » (Dugald Stewart, l.c.. p.319.)
[6] « Plus il y a de variété entre tes artisans d'une manufacture... plus il y a d'ordre et de régularité dans chaque opération, moins il faut de temps et de travail. » (The Advantages, etc., p.68.)
[7] Dans beaucoup de branches cependant l'industrie manufacturière n'atteint ce résultat qu'imparfaitement, parce qu'elle ne sait pas contrôler avec certitude les conditions physiques et chimiques générales du procès de production.
[8] « Quand l'expérience, suivant la nature particulière des produits de chaque manufacture, a une fois appris à connaître le mode le plus avantageux de scinder la fabrication en opérations partielles, et le nombre de travailleurs que chacune d'elles exige, tous les établissements qui n'emploient pas un multiple exact de ce nombre, fabriquent avec moins d'économie... C'est là une des causes de l'extension colossale de certains établissements industriels. » (Ch. Babbage, On the Economy of Machinery . 2° édit., Lond., 1832, ch. XX.)
[9] En Angleterre le fourneau a fondre est séparé du four de verrerie où se fait la préparation du verre. En Belgique, par exemple, le même fourneau sert pour les deux opérations.
[10] C'est ce que l'on peut voir entre autres chez W. Petty, John Bellers, Andrew Yarranton, The Advantages of the East India Trade, et J. Vanderlint.
[11] Vers la fin du XVI° siècle, on se servait encore en France de mortiers et de cribles pour écraser et laver le minerai.
[12] L'histoire des moulins à grains permet de suivre pas à pas le développement du machinisme en général. En Angleterre, la fabrique porte encore le nom de mill (moulin). En Allemagne, on trouve ce même nom mühle employé dans les écrits technologiques des trente premières années de ce siècle pour designer non seulement toute machine mue par des forces naturelles, mais encore toute manufacture qui emploie des appareils mécaniques. En français, le mot moulin, appliqué primitivement à la mouture des grains, fut par la suite employé pour toute machine qui, mue par une force extérieure, donne une violente impression sur un corps, moulin à poudre, à papier, à tan, à foulon, à retordre le fil, à forge, à monnaie, etc.
[13] Comme on pourra le voir dans le quatrième livre de cet ouvrage, Adam Smith n'a pas établi une seule proposition nouvelle concernant la division du travail. Mais à cause de l'importance qu'il lui donna, il mérite d'être considéré comme l'économiste qui caractérise le mieux la période manufacturière. Le rôle subordonné qu'il assigne aux machines souleva dès les commencements de la grande industrie la polémique de Lauderdale, et plus tard celle de Ure. Adam Smith confond aussi la différenciation des instruments, due en grande partie aux ouvriers manufacturiers, avec l'invention des machines. Ceux qui jouent un rôle ici, ce ne sont pas les ouvriers de manufacture, mais des savants, des artisans, même des paysans (Brindley), etc.
[14] « Dès que l'on divise la besogne en plusieurs opérations diverses, dont chacune exige des degrés différents de force et d'habileté, le directeur de la manufacture peut se procurer le quantum d'habileté et de force que réclame chaque opération. Mais si l'ouvrage devait être fait, par un seul ouvrier, il faudrait que le même individu possédât assez d'habileté pour les opérations les plus délicates et assez de force pour les plus pénibles. » (Ch. Babbage, l.c., ch. XIX.)
[15] Lorsque, par exemple, ses muscles sont plus développés dans un sens que dans l'autre, ses os déformés et contournés d'une certaine façon, etc.
[16] A cette question du commissaire d'enquête : « Comment pouvez vous maintenir toujours actifs les jeunes garçons que vous occupez ? », le directeur général d'une verrerie, M. W. Marschall, répond fort justement : « Il leur est impossible de négliger leur besogne: une fois qu'ils ont commence, nul moyen de s'arrêter; ils ne sont rien autre chose que des parties d'une machine. » (Child. Empl. Comm. Fourth Report, 1865, p.247.)
[17] Le Dr Ure, dans son apothéose de la grande industrie, fait bien mieux ressortir les caractères particuliers de la manufacture que les économistes ses devanciers, moins entraînés que lui à la polémique, et même que ses contemporains, par exemple, Babbage, qui lui est de beaucoup supérieur comme mathématicien et mécanicien, mais ne comprend cependant la grande industrie qu'au point de vue manufacturier. Ure dit fort bien : « L'appropriation des travailleurs à chaque opération séparée forme l'essence de la distribution des travaux. » Il définit cette distribution « une accommodation des travaux aux diverses facultés individuelles » et caractérise enfin le système entier de la manufacture comme un système de gradations, comme une division du travail d'après les divers degrés de l'habileté, etc. (Ure, l.c., t. 1, p. 28, 35, passim.)
[18] « Un ouvrier, en se perfectionnant par la pratique sur un seul et même point, devient... moins coûteux. » (Ure, l.c., p. 28.)