1971 |
"Nous prions le lecteur de n’y point chercher ce qui ne saurait s’y trouver : ni une histoire politique de la dernière République espagnole, ni une histoire de la guerre civile. Nous avons seulement tenté de serrer au plus grès notre sujet, la révolution, c’est-à-dire la lutte des ouvriers et des paysans espagnols pour leurs droits et libertés d’abord, pour les usines et les terres, pour le pouvoir politique enfin." |
La Révolution Espagnole - 1931-1939
Chapitre V - Front populaire : voie parlementaire sans issue
En 1933, la loi électorale, favorisant impitoyablement les grandes
formation dans le cadre d’un scrutin majoritaire dans d’immenses
circonscriptions, avait joué en faveur de la droite contre l’éclatement
de la coalition entre républicains et socialistes qui avait résulté des
deux premières années de gouvernement de la gauche. Après la réaction
du
D’abord, les efforts de la droite, au lendemain de l’insurrection d’octobre 1934, pour élargir la répression ont favorisé un rapprochement : les poursuites, l’arrestation d’Azaña, l’acharnement de certains milieux politiques gouvernementaux contre lui et ses proches, aussi bien que contre les organisations ouvrières, ont favorisé leur rapprochement sur le plan politique, impossible en toute objectivité au lendemain des événements de Casas Viejas dont il avait, en 1933, endossé la responsabilité. Ensuite, les fameuses attaques de l’extrême droite ont écarté du centre ses éléments libéraux, dont certains ont rejoint des formations plus à gauche. Un regroupement politique se fait autour de la Gauche républicaine d’Azaña, rejoint par Casares Quiroga, de l’Union républicaine de Martinez Barrio, qui abandonne les radicaux, et du parti républicain de Sánchez Román.
Ce sont là des facteurs favorables aux yeux de bien des militants ouvriers : en subissant la répression, ou en combattant celle qui frappe les militants ouvriers après 1934, en rompant nettement avec la coalition du centre droit, les éléments républicains se sont sinon totalement, du moins en grande partie, réhabilités. Au cours des derniers mois de 1935, le danger fasciste n’a en outre cessé de grandir en Espagne comme dans le reste du monde où la victoire hitlérienne l’a mis à l’ordre du jour. La propagande des communistes officiels, mais aussi celle des dissidents du POUM, celle des socialistes et dans une certaine mesure celle des libéraux mettent le danger fasciste au centre des préoccupations ouvrières. Or les communistes se font les champions de l’antifascisme conçu comme le regroupement le plus large possible de tous les adversaires du fascisme, même extérieurs au mouvement ouvrier. La nouvelle combinaison des forces aboutit à un nouveau regroupement, un renouvellement de l’union de la gauche, de l’alliance des partis ouvriers et des républicains bourgeois. D’une part, en effet, l’aile droite du Parti socialiste, dirigée par Besteiro, et son centre, avec Prieto, disposent de meilleurs arguments pour défendre une telle alliance avec Azaña, d’autre part l’aile gauche, impressionnée par l’URSS, ses réalisations économiques, le plan quinquennal, la collectivisation de l’agriculture, se rapproche des communistes qui, depuis quelques mois, mènent campagne en faveur du Front populaire.
Dans ces conditions, dès le mois de décembre, la décision est prise par la direction du Parti socialiste de s’allier avec 1es républicains de gauche. Revenu clandestinement de France où il s’était réfugié après les événements d’octobre 1934, Indalecio Prieto parvient à convaincre le comité exécutif : Largo Caballero, mis en minorité, démissionne de son poste à l’exécutif. Les jeux sont faits. Il ne faudra pas plus d’une semaine pour que soit négociée, puis signée le 15 Janvier, l’alliance électorale. Le programme de la nouvelle coalition est un programme modéré que les socialistes qualifient sans ambages de « démocratique bourgeois » : retour à la politique religieuse, scolaire et régionale des premières années de la république, réactivation de la réforme agraire, mesures de réanimation de l’économie par l’intervention de l’État, amnistie enfin pour tous les détenus politiques. Dans toutes les circonscriptions sont établies et des listes communes à l’intérieur desquelles les sièges sont répartis d’avance entre les différentes formations. Le Parti socialiste et le Parti communiste s’engagent à l’avance à soutenir la réalisation de ce programme, qu’ils considèrent comme minimum, sans participer au gouvernement - cette dernière éventualité étant énergiquement rejetée par la tendance Largo Caballero qui menace de faire scission au cas où elle se produirait. Le pacte d’alliance électorale est signé par la Gauche républicaine, l’Union républicaine, le Parti socialiste, le Parti communiste, l’UGT, la Jeunesse socialiste, le POUM, le Parti syndicaliste de Pestaña et l’Esquerra catalane [1].
La signature apposée par Juan Andrade au nom du POUM soulève dans l’extrême gauche internationale d’âpres polémiques. Trotsky dénonce ce qu’il appelle la « trahison » du POUM, écrit « La technique électorale ne peut justifier la politique de trahison que constitue le lancement d’un programme commun avec la bourgeoisie » [2]. Nín justifiera le comportement de son parti en affirmant que le mouvement des masses et leurs illusions démocratiques étaient si forts que le POUM ne pouvait que s’y rallier, le temps des élections, sous peine de se trouver complètement isolé et de perdre toute audience parme les ouvriers. En fait, l’argument majeur, qui emporte sans doute réticences et principes, est celui qui conduit au même moment la CNT à mettre de côté sa consigne traditionnelle d’abstention et à œuvrer, discrètement, mais efficacement, à la victoire électorale du Front populaire : le fait que les 30 000 prisonniers des Asturies détenus peuvent du jour au lendemain voir s’ouvrir les portes de leurs prisons. C’est cette volonté d’efficacité dans la solidarité ouvrière immédiate avec les Insurgés de 1934 qui cimente la volonté des militants ouvriers d’opposer un barrage « légal » à une nouvelle période de gouvernement de la droite, même quand, et c’est le cas au moins à la gauche du Parti socialiste, dans le POUM et à la CNT, les militants ne se font pas la moindre illusion sur la réalité de la menace du fascisme, indépendamment du résultat des élections.
Le 16 févier en tout cas, les listes de ce qui va être le Front populaire l’emportent par une mince marge de quelques centaines de milliers de voix, mais s’assurent aux Cortes une confortable majorité. La répartition préalable des sièges donne 84 députés au parti d’Azaña, 37 à celui de Martinez Barrio, 38 à l’Esquerra de Companys, 90 au Parti socialiste, 16 au Parti communiste, 1 au POUM - Joaquín Maurín et 1 au Parti syndicaliste - Pestaña. La CEDA a encore 86 députés, la Rénovation espagnole 11 seulement. Le bruit court avec insistance dans les milieux gouvernementaux que le général Franco a proposé au chef du gouvernement l’intervention de l’armée pour annuler les élections. Mais celui-ci préfère céder immédiatement la place à l’un des chefs de file des vainqueurs. Azaña est aussitôt chargé de former le gouvernement : il maintient l’état d’alarme proclamé par son prédécesseur dès le lendemain des élections.
Dès l’entrée en fonction d’Azaña, l’écheveau de l’histoire, une fois de plus, semble se dérouler en sens inverse : le 22 févier, tous les détenus politiques sont amnistiés, le 23, les paiements de rentes en Andalousie et Estrémadure sont supprimés, gage d’une accélération de la réforme agraire. Les municipalités basques suspendues en 1934 sont remises en place ; Companys, sorti de prison, reprend la tête de la Généralité en Catalogne. Deux des généraux suspects de conspiration sont éloignés de la capitale, Franco nommé aux Canaries, Goded aux Baléares. Le 4 avril, Azaña présente aux Cortes son programme législatif : il s’agit de réaliser à la lettre le programme électoral du Front populaire, une réforme agraire approfondie et renouvelée, des constructions scolaires massives, une autonomie accrue pour les municipalités, un statut d’autonomie pour les provinces basques, la réintégration dans les entreprises de tous les travailleurs licenciés pour raisons politiques et syndicales depuis 1933. Il réaffirme solennellement qu’il n’est pas question de nationalisation de la terre, de la banque ou des entreprises industrielles, promet à la droite de reporter la date des élections municipales, adjure droite et gauche de jouer le jeu parlementaire et de laisser se dérouler son entreprise de réforme dans la légalité.
C’est que le gouvernement se trouve d’ores et déjà dans une
situation difficile. Dès l’annonce de la victoire électorale, des
« défilés de victoire » monstres ont eu lieu dans toutes les
grandes villes espagnoles : des prisons ont été ouvertes, à
Valence et à Oviedo et des prisonniers libérés sans attendre le décret
d’amnistie. Un peu partout éclatent des incidents entre la foule des
manifestants et les forces de police qui montent la garde devant les
églises et les immeubles des journaux réactionnaires. Dans tout le pays
des grèves éclatent pour la réintégration immédiate des ouvriers
licenciés, le paiement d’arriérés de salaires aux travailleurs
emprisonnés, contre la discipline du travail, pour l’augmentation des
salaires et de nouvelles conditions de travail. L’agitation est
peut-être plus générale encore dans les campagnes où se multiplient les
Les socialistes de gauche, et particulièrement les Jeunesses, sont à
la pointe des « défilés de victoire » où ils réclament la
dictature du prolétariat. Leur presse multiplie les parallèles entre la
Russie de 1917 et l’Espagne de 1936, comparant Azaña à Kerensky, et
faisant de Largo Caballero le « Lénine espagnol ». En vain
Azaña au cours d’orageuses entrevues au début de mars, demande-t-il à
Largo Caballero de mettre un frein à ces manifestations. Le dirigeant
socialiste l’assure de sa loyauté au Front populaire, mais lui reproche
sa lenteur dans l’application de son programme.
Dans la CNT, c’est le triomphe de la FAI au cours de ce congrès qui
se termine le 15 mai, dans la vieille cité aragonaise pavoisée de
drapeaux rouges et noirs, par ce que César M. Lorenzo appelle «
En réalité l’enthousiasme révolutionnaire qui transporte socialistes de gauche et anarcho-syndicalistes est loin de se donner les moyens et d’ouvrir les voles de la révolution victorieuse. Ni les uns ni les autres n’apportent de perspectives immédiates, de buts unificateurs, d’objectifs concrets. La phrase révolutionnaire règne en maîtresse sur ce mouvement, double reflet de la recherche, par la jeunesse inexpérimentée, d’une voie révolutionnaire, et, par les dirigeants socialistes de gauche, d’un instrument de pression dans leur propre parti et sur leurs alliés républicains.
C’est d’ailleurs du sein du Parti socialiste que vient la première contre-attaque. A Cuenca, le 1 mai, à l’occasion d’une élection partielle, Prieto prononce un discours qui constitue un véritable programme gouvernemental. Il dénonce les méfaits de la violence et de l’anarchie, génératrice à ses yeux du fascisme, affirme que l’agitation révolutionnaire, faute de pouvoir conduire à ce qui ne serait qu’une « socialisation de la misère », risque de provoquer un coup d’État militaire dont le général Franco, par ses qualités, serait le chef tout trouvé. Il adjure donc les travailleurs d’être raisonnables, d’éviter de « faire le jeu » du fascisme en entretenant la peur par leurs revendications « exagérées », se prononce pour un gouvernement de coalition avec les républicains qui s’assignerait un programme de réformes progressives et prudentes, de réforme agraire et d’industrialisation dans le cadre d’un capitalisme modernisé. Mais l’heure de Prieto n’est pas encore venue : quand les Cortes, à la suite d’une opération dans laquelle il a joué un rôle de premier plan, déposent le président Alcalá Zamora dont Azaña va prendre la place, il doit, à cause de la résistance de la gauche socialiste et de crainte d’une scission, refuser d’assumer la présidence du Conseil qui est alors confiée à Casares Quiroga, un républicain de Galice.
La tumultueuse montée du mouvement ouvrier et paysan avive les
contradictions au sein des partis et entre eux. Si Largo Caballero et
ses partisans rivalisent avec les militants de la CNT pour animer
grèves et manifestations, le Parti communiste adopte une politique de
réserve marquée qui le rapproche de l’aile Prieto. Son secrétaire, José
Diaz, souligne dans un discours, à Saragosse, que «
Cette tension, l’éclatement au sein des partis et syndicats ouvriers de conflits de cette importance et de cette violence s’expliquent : en fait, c’est la question du pouvoir que posent, par leurs revendications, les travailleurs qui se lancent dans des grèves de plus en plus dures. Les ouvriers métallurgistes de Catalogne avaient obtenu en 1934 la semaine de 44 heures, mais ont dû travailler 48 heures pour le même salaire en 1935. Ils exigent donc un rappel de 15 mois et refusent un compromis offert par la Généralité d’une semaine de 40 heures avec le salaire de 44. Les cheminots exigent le retour à leurs salaires de 1931-1933, et les compagnies offrent vainement d’ouvrir leurs livres de comptes pour prouver qu’elles ne peuvent les satisfaire. Les travailleurs des tramways de Madrid prennent au mot la compagnie qui tient le même langage. Ils décident de fonctionner à leur propre compte et ouvrent une souscription qui leur rapporte des sommes considérables.
Mais c’est la grève du bâtiment de Madrid qui va porter à leur plus haut degré les contradictions sociales et politiques. La grève est décidée le 1 juin par une assemblée générale réunie à l’appel des deux centrales syndicales : les ouvriers réclament une Importante hausse des salaires, la semaine de 36 heures, un mois de congé payé, la reconnaissance de maladies professionnelles, dont les rhumatismes. Mais le patronat tient bon. La CNT appelle alors les ouvriers grévistes à appliquer les principes du communisme libertaire, se servir dans les magasins d’alimentation, manger sans payer dans les restaurants. Claridad et Mundo Obrero dénoncent ces consignes comme des « provocations anarchistes ». L’arbitrage d’un jury mixte donne satisfaction partielle aux ouvriers pour les salaires, augmentant les plus bas de 5 %, les autres de 10 %. Le 20 juin, consultés, les ouvriers de l’UGT se prononcent pour l’acceptation de l’arbitrage à l’appel de leurs dirigeants. Mais la CNT appelle à la poursuite de la grève, traite de « jaunes » les dirigeants ugétistes. Le secrétaire de la fédération du Bâtiment, Edmundo Domínguez, sympathisant du PC, déclare que la grève peut « dégénérer en péril grave pour le régime », tandis que les dirigeants cénétistes David Antona et Cipriano Mera lancent un appel à l’« unité révolutionnaire » contre le patronat et le gouvernement qui l’appuie. Des bagarres éclatent devant les chantiers : il y a des morts de part et d’autre. La presse de droite affirme que les ouvriers sont maintenus dans la grève par la « terreur anarchiste » et les phalangistes, sous la direction de Fernández Cuesta, attaquent les piquets de grève et les militants cénétistes qui vont riposter en mitraillant un café, tuant trois hommes de l’escorte de José Antonio Primo de Rivera. Le gouvernement intervient en fermant les locaux de la CNT et en faisant arrêter Antona et Cipriano Mera. La situation devient difficile pour Largo Caballero, accusé par la CNT de faire jouer à l’UGT le rôle de briseur de grève, et à qui la droite de son parti reproche d’avoir joué le rôle de l’apprenti sorcier et de s’être fait déborder par les anarchistes. Le congrès socialiste a été reporté de juin à septembre à la suite de l’affaire d’Ecija, mais, le 30 juin, les résultats de l’élection au comité exécutif - d’ailleurs contestée par les amis de Largo Caballero - donnent la majorité aux partisans de Prieto qui place González Peña à la présidence et Ramon Lamoneda au secrétariat. La scission semble inévitable, mais Largo Caballero a définitivement perdu l’appareil au moment où il semble perdre le contrôle du mouvement des masses.
Du côté de l’oligarchie, les préparatifs s’accélèrent. Le fait important n’est pas cependant le plus spectaculaire : les progrès de la Phalange, ses agressions et attentats quotidiens, ses tentatives pour commencer à aguerrir ses troupes et briser par le meurtre et la terreur le mouvement ouvrier et paysan. Le fait capital est dans les préparatifs des chefs militaires organisés dans l’Union militaire espagnole. L’éloignement, au lendemain des élections, des généraux Franco et Goded a ralenti la conspiration. Son chef, Sanjurjo, qui réside au Portugal, prend au mois d’avril, en Allemagne même, les contacts nécessaires et reçoit des autorités hitlériennes la promesse de leur soutien. Le gouvernement fasciste de Rome fournit argent et armes. Le financier Juan March se charge à Londres de gagner des complicités. Le général Mola, ancien chef de la Sécurité de la monarchie, nommé commandant militaire en Navarre, assure la direction générale, aidé des colonels Varela et Yagüe qui assurent les liaisons avec les autres chefs militaires. Un nouveau plan est élaboré qu’il faudra modifier au mois d’aval, deux Jours avant la date fixée pour le pronunciamiento. Mais ce report a permis de recruter deux chefs importants, qui passent pour républicains, les généraux Queipo de Llano et Cabanellas, et, grâce à Franco, l’amiral Salas, qui apporte l’appui de la marine. Les plans définitifs prévoient le soulèvement militaire pour le 10 juillet : les conjurés ont obtenu l’accord de José-Antonio Primo de Rivera et de Calvo Sotelo et tout le monde accepte pour le moment l’autorité du général Sanjurjo.
De tels préparatifs ne peuvent passer inaperçus. D’abord parce que la police est informée, et qu’elle informe le gouvernement. Ensuite parce qu’une société secrète d’officiers républicains - le général d’aviation Nuñez del Prado, le colonel Asensio Torrado, le commandant Pérez Farrás - suit à la trace les conspirateurs et informe également le gouvernement. Mais celui-ci ne saurait agir réellement contre le complot des généraux qui constituent en réalité, en même temps qu’un danger pour le régime politique de l’Espagne, l’ultime rempart de la défense de son régime économique et social. C’est donc en pleine connaissance de cause que, dans une note du 18 mars, il dénonce les « injustes attaques » dont sont l’objet les officiers « fidèles serviteurs du pouvoir constitué et garantie d’obéissance à la volonté populaire », assurant qu’elles révèlent de la part de leurs auteurs « le désir criminel et obstiné de miner l’armée » [8. En juin, le président du Conseil Casares Quiroga dément obstinément tous les bruits de conspiration militaire et qualifie de « fantaisies de la ménopause masculine » [9] les avertissements lancés par Prieto. Pour ce républicain bourgeois, la grande affaire à ce moment est, ainsi que le souligne Gabriel Jackson [10], la grève du bâtiment de Madrid, et il est anxieux de conserver les bonnes grâces des chefs de l’armée face au péril majeur qui menace la société. Pour éviter la guerre civile qui menace et ne lui laisserait aucune place, le gouvernement de Front populaire de la petite bourgeoisie ne peut que louvoyer, frapper mollement tour à tour chacun de ses adversaires de droite et de gauche, pour ne pas se livrer sans défense à l’autre. En fait, il est déjà condamné, et les tragiques événements du mois de juillet, le double assassinat du lieutenant del Castillo et du leader des droites Calvo Sotelo ne feront que donner au pronunciamiento la toile de fond qui accentue la crédibilité de ses motifs.
Le 12 juillet, le lieutenant des gardes d’assaut José del Castillo, instructeur de la Jeunesse socialiste et bête noire des pistoleros phalangistes, est abattu. Ses camarades, sûrs de l’impunité des assassins, décident de le venger en s’en prenant à 1’un des cerveaux de l’entreprise : le lendemain, à l’aube, en uniforme, ils enlèvent Calvo Sotelo à son domicile et l’abattent. La presse, les hommes politiques de droite dénoncent le gouvernement, brandissent le prétexte qui va leur permettre de justifier un coup depuis longtemps préparé. Les ouvriers cherchent des armes. Les dirigeants socialistes demandent au gouvernement d’armer les ouvriers. Le chef du gouvernement se porte garant de la « loyauté » de Mola, puis, apprenant la nouvelle du soulèvement, prononce cette parole « historique » - malheureusement moins frappante en français qu’en langue espagnole. « Ils se soulèvent. Très bien, alors moi je vais me coucher » [11].
Le soulèvement militaire était commencé depuis la nuit du 17 au 18 juillet. La guerre civile commençait, à l’initiative de l’oligarchie, pour écraser cette révolution que les révolutionnaires n’avaient pas encore su organiser pour la victoire.
Notes
[1] Texte intégral en annexe, document 25
[2]
L.Trotsky,
[3] Claridad, 15 juin 1936
[4] C. Lorenzo, op.cit. p. 93
[5] Ibidem, p.96
[6] José diaz, Tres años de lucha, p. 164
[7] A. Nin, op. cit. p 171
[8] Note du 18 mars 1936
[9] Jackson, op.cit. p. 195
[10] Ibidem
[11] Cité par J. Peirats, op. cit. p. 138.