1916

Source : numéro 41/42 du Bulletin communiste, première année, 11 novembre 1920, précédé de l'introduction suivante : « L'étude que nous publions ci-après est tirée d'un important ouvrage de G. Zinoviev : La Guerre et la crise du socialisme (tome II) paru en Russie. La traduction est de Victor Serge (Kibaltchiche). »
Quelques corrections de la MIA du corps du texte d'après les versions anglaise et allemande du texte, et des textes cités comme indiqué en notes.


Qu'est-ce que l'impérialisme ?
(extrait du livre La guerre et la crise du socialisme)

Grigori Zinoviev


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Avant de répondre à cette question, arrêtons-nous un moment sur cette autre : Qu'est-ce que la politique coloniale ? La politique coloniale est, en effet, une des parties composantes essentielles de l'impérialisme actuel. Entre l'impérialisme et la politique coloniale la plus récente, comprise dans le sens le plus large de ce mot, on peut même souvent mettre le signe d'équivalence.

Le mot « colonie » vient lui-même du latin « colere », — conquérir, partager.

Les auteurs ont proposé différents critères pour reconnaître la « politique coloniale ».

Rocher considère comme un facteur décisif l'âge du peuple qui colonise ; les peuples vieux colonisent ; les peuples relativement jeunes sont soumis à la colonisation.

James Mill voit dans les relations politiques et juridiques des colons ou de l'organisme qu'ils constituent, avec la métropole (ou patrie) un caractère essentiel.

Fallot accorde la plus haute importance à la civilisation supérieure du peuple colonisateur et à la situation arriérée des pays colonisés.

Guirault, Reinsch et d'autres insistent sur ce point. Wakefield écrit :

Je n'entends pas désigner par le mot colonie un pays tel que l'Inde, (…) Une colonie est donc un pays entièrement ou partiellement inoccupé où viennent s'installer des émigrants originaires de pays éloignés;et c'est une colonie du pays d'origine des émigrants, que l'on désigne, par suite, sous le nom de métropole. Le processus du peuplement do la colonie — et seul ce processus — pourrait être, à mon avis, appelé colonisation. (…) La subordination de la colonie à la métropole , en ce qui concerne le gouvernement, est-elle une condition essentielle de la colonisation ? Il ne me semble pas. Les Etats souverains indépendants que nous appelons des colonies de la Grèce antique sont, je le suppose, ainsi appelés de manière adéquate. A mon avis, les Etats-Unis d'Amérique (…) sont toujours des colonies de l'Angleterre. Je divise les colonies en deux catégories ; les dépendantes et les indépendantes ».1

Levis appelle « colonie », toute région gouvernée, directement ou indirectement, par l'intermédiaire d'un Etat vassal, par une métropole2.

Les auteurs anglais ne « soulignent » pas aussi fortement la dépendance politique directe des colonies à l'égard de la métropole. Cette attitude correspond, dans une certaine mesure, aux usages pratiques de la politique coloniale anglaise. Par contre, les auteurs américains font ressortir en premier lieu la dépendance politique des colonies.

C'est, à titre d'exemple, l'opinion de Reinsch qui admet une définition économique de la colonie, beaucoup plus large. Sous ce rapport, dit-il, le Canada peut encore être considéré comme une colonie française — et l'Amérique du Sud, comme une colonie allemande. Mais sa définition politique d'une colonie est la suivante :

Une colonie est une possession extérieure d'un état national, administré par système distinct, mais subordonné au gouvernement du territoire national. La colonie peut être peuplée de citoyens de la métropole et par leurs descendants ; sa population peut aussi appartenir en majorité à une autre race., mais, en tout état de choses, le gouvernement de la colonie doit reconnaître une forme ou une autre de d'allégeance à l'égard de la métropole.3

Un autre économiste américain — Snow — n'admet pas la nécessité d'une civilisation supérieure des colonisateurs. Sa voix est celle d'un homme d'affaires bourgeois, plein de bon sens.

Les meilleurs spécialistes français et allemands insistent le plus souvent sur la nécessité de la subordination politique des colonies aux métropoles.

James Mill, Léon Say, Leroy-Beaulieu et aussi les Allemands Heeren, Dedel, Roscher divisent les colonies en trois groupes économiques : 1° colonies commerciales, 2° colonies de peuplement, 3° colonies de plantation et de production.

Un peu plus tard on devait plus généralement diviser des colonies en deux catégories : 1° colonies commerciales, 2° colonies de peuplement et colonies d'exploitation.

Leroy-Beaulieu a reproduit plus récemment (1908) la division en trois catégories : 1° colonies ou comptoirs de commerce, 2° colonies ordinaires ou de peuplement, 3° colonies de plantation ou d'exploitation4.

La plupart de ces définitions sont suggérées par des relations remontant à l'ancienne politique coloniale. Elles sont donc toutes insuffisantes.

La définition fournie par Marx dans le tome Ier du Capital, ne suffit même plus à embrasser les faits actuels. Marx écrit :

« Le bas prix des produits de fabrique et le perfectionnement des voies de communication et de transport fournissent des armes pour la conquête des marchés étrangers. En ruinant par la concurrence leur main-d'œuvre indigène, l'industrie mécanique les transforme forcément en champs de production des matières premières dont elle a besoin. C'est ainsi que l'Inde a été contrainte de produire du coton, de la laine, du chanvre, de l'indigo, etc., pour la Grande-Bretagne. En rendant surnuméraire là où elle réside une partie de la classe productive, la grande industrie nécessite l'émigration, et par conséquent, la colonisation de contrées étrangères qui se transforment en greniers de matières premières pour la mère-patrie ; c'est ainsi que l'Australie est devenue un immense magasin de laine pour l'Angleterre.
Une nouvelle division internationale du travail, imposée par les sièges principaux de la grande industrie, convertit de cette façon une partie du globe en champ de production agricole pour l'autre partie, qui devient par excellence le champ de production industriel.
Cette révolution va de pair avec des bouleversements dans l'agriculture.5

A l'heure actuelle, nul ne l'ignore, ce tableau a subi des modifications considérables. Il nous suffira d'indiquer que les pays de grande industrie ne sont plus ceux qui fournissent la plus forte émigration. Au contraire, l'émigration provient surtout, présentement, des pays agricoles.

Depuis que ces lignes ont été écrites, bien des événements se sont accomplis. Et l'ancienne politique coloniale n'a été remarquable ni par ses tendances humanitaires, ni par son paisible travail civilisateur, dont MM. les Bourgeois parlent si volontiers avec éloquence. Loin de là. Nous verrons plus loin quelles cruautés l'ont caractérisée.

K. Liebknecht fit jadis remarquer que l'on ne pouvait « en général, séparer de la colonisation la culture de l'humanité ». Il pensait à des faits historiques d'une importance capitale pour l'humanité, tels que la découverte et la colonisation de l'Amérique, etc... Les socialistes-impérialistes6 allemands voudraient maintenant tirer parti de ces mots pour justifier la politique coloniale impérialiste contemporaine. K. Liebknecht, lui-même, précisa pourtant plus d'une fois que la politique coloniale était inéluctablement une politique de violence, de rapine et de meurtre.

Une assez bonne définition de la politique coloniale actuelle nous est donnée par un savant allemand, très bourgeois, auteur de divers rapports officiels sur la question coloniale, le Dr Zoepfl. Les colonies, dit-il, « sont des territoires possédés par un Etat, en dehors de ses frontières, et dont il dispose dans l'arène internationale selon ses intérêts économiques et politiques »7.

« Si, dit encore le Dr Zoepfl, nous appelons colonies les territoires situés en dehors des frontières d'un Etat et dont il dispose suivant les intérêts économiques et politiques dans l'arène mondiale, nous voulons ainsi dire que ses buts économiques ont ici un rôle essentiel, tandis que les considérations de politique internationale peuvent, mais ne doivent pas nécessairement jouer un certain rôle. » Avec la brutale franchise d'un homme d'affaires bourgeois, cet auteur écarte les considérations sur les « nations supérieures », sur la « pénétration de la culture », etc... On vend les colonies, on les échange, on les donne. La bourgeoisie voit en elles des articles de vente et d'achat. Leur valeur économique, leur signification pour le marché mondial, leur rôle économique de colonies, voilà ce qui importe à la bourgeoisie, aux impérialistes de notre époque. Toutes autres conditions étant égales, il va de soi que la dépendance politique directe, la possession directe par une métropole donnée, leur paraît désirable. Mais ce n'est pas là une condition indispensable. Zoepfl a raison quand il parle tout bonnement de territoires « situés en dehors des frontières d'un Etat ». Celle formule embrasse aussi bien les colonies placées directement et complètement sous la dépendance politique de la métropole (à titre d'exemple : Kiautschou et l'Empire allemand, jusqu'à 1914) que les colonies jouissant, relativement d'une assez large autonomie politique (à titre d'exemple, le Canada et l'Empire britannique).

La définition de la politique coloniale qui nous est donnée par M. Zoepfl, bourgeois clairvoyant, nous amène à la notion d'impérialisme.

Le mot vient du latin imperium (empire). Dans sa signification la plus large, il exprime la tendance à l'empire universel, qui ne peut être réalisé que par les conquêtes d'un Etat, par ses entreprises coloniales, par la fusion « pacifique » des Etats existants — ou par tous ces moyens à la fois. C'est ainsi que l'on parle de l'lmperium Romanum — empire romain — que voulut créer Jules César (vers l'an 45 av. J.-C.) quand il étendit son pouvoir autocratique sur tous les pays méditerranéens et adopta le titre d'imperator. On peut aussi, dans ce sens, parler de l'empire grec d'Alexandre le Grand, et, plus tard, de l'empire franc de Charlemagne.

Mais traitant de l'impérialisme contemporain nous entendons l'impérialisme issu du développement supérieur du capitalisme, l'impérialisme de la bourgeoisie capitaliste dont le capital financier est le champion.

L'impérialisme contemporain est caractérisé par l'union du capital financier et du capital industriel.

Il est indispensable, si l'on veut étudier le rôle historique du capital, de distinguer ses diverses variétés. Marx (T. III du Capital) propose la division suivante : capital industriel, commercial et capital argent.

Kautsky, Hilferding, Bauer, Cunow et d'autres marxistes8 développant les découvertes de Marx, ont institué une nouvelle catégorie : capital financier.

Le fait dominant de l'époque industrielle que nous traversons, c'est la concentration grandiose de la production, la centralisation du capital par les monopoles et les vastes entreprises (trusts, syndicats financiers, etc.). Parallèlement s'accomplit une centralisation plus grande encore des banques, désormais très étroitement reliées à l'industrie et qui acquièrent dans la vie économique des pays capitalistes une importance croissante, allant, de plus en plus, jusqu'à une domination absolue. Ainsi s'avère la toute puissance du capital financier qui domine également le pouvoir politique9 des monarchies et des républiques, étendant sa dictature sur toutes les classes possédantes.

La dépendance de l'industrie à l'égard des banques est donc la conséquence des rapports de propriété. Une partie de plus en plus grande du capital de l'industrie n'appartient pas aux industriels qui l'emploient. Ils n'en obtiennent la disposition que par la banque, qui représente à leur égard le propriétaire. En outre, la banque doit fixer une part de plus en plus grande de ses capitaux dans l'industrie. Elle devient ainsi dans une mesure croissante capitaliste industriel. J'appelle le capital bancaire, - par conséquent capital sous forme d'argent, qui est de cette manière transformé en réalité en capital industriel - le capital financier.
Par rapport aux propriétaires, il conserve toujours sa forme d'argent, il est placé par eux sous forme de capital-argent, capital portant intérêt, et peut toujours être retiré sous forme d'argent. En réalité, la plus grande partie du capital ainsi placé par les banques est transformée en capital industriel, productif (moyens de production et force de travail), et fixée dans le processus de production. Une partie de plus en plus grande du capital employé dans l'industrie est du capital financier, capital à la disposition des banques et employé par les industriels.
Le capital financier s'accroît au fur et à mesure du développement du système des sociétés par actions et atteint son apogée avec la monopolisation de l'industrie. Le revenu industriel acquiert ainsi un caractère plus sûr et plus constant. Par là, la possibilité de placement du capital bancaire dans l'industrie s'étend de plus en plus. Mais la disposition du capital bancaire, c'est la banque qui la possède, et le contrôle des banques, ce sont les détenteurs de la majorité des actions bancaires qui l'exercent. Il est clair qu'avec la concentration croissante de la propriété, les propriétaires du capital fictif qui donne le pouvoir sur les banques et de ce capital qui donne le pouvoir sur l'industrie sont de plus en plus les mêmes. D'autant que, nous l'avons vu, les grandes banques ont de plus en plus pouvoir de disposition sur le capital fictif.
Si l'industrie tombe ainsi sous la dépendance du capital bancaire, cela ne veut pas dire pour autant que les magnats de l'industrie dépendent eux aussi des magnats de la banque. Bien plutôt, comme le capital lui-même devient, à son niveau le plus élevé, capital financier, le magnat du capital, le capitaliste financier, rassemble de plus en plus la disposition de l'ensemble du capital national sous forme de domination du capital bancaire. Ici aussi l'union personnelle joue un rôle important.
Avec la cartellisation et la trustisation, le capital financier atteint son plus haut degré de puissance, tandis que le capital commercial connaît son plus profond abaissement. Un cycle du capitalisme a pris fin. Au début du développement capitaliste, le capital-argent joue, en tant que capital usuraire et capital commercial, un rôle important, tant en ce qui concerne l'accumulation du capital que la transformation de la production artisanale en production capitaliste. Mais ensuite commence la résistance du capitaliste « productif », c'est-à-dire créant du profit, par conséquent du capitaliste industriel et commercial, contre le capitaliste dont les revenus proviennent de l'intérêt.10
(…) La mobilisation du capital et l'expansion de plus en plus grande du crédit changent peu à peu complètement la position du capitaliste prêteur d'argent. La puissance des banques s'accroît, elles deviennent les fondateurs et finalement les maîtres de l'industrie, dont elles tirent les profits à elles en tant que capital financier, tout comme autrefois le vieil usurier, avec son intérêt, le revenu du travail du paysan et la rente du seigneur. L'hégélien pourrait parler de négation de la négation : le capital bancaire était la négation du capital usuraire et lui-même à son tour est nié par le capital financier. Ce dernier est la synthèse du capital usuraire et du capital bancaire et s'approprie, à un niveau infiniment plus élevé du développement économique, les fruits de la production sociale.
Tout autre est le développement du capital commercial. Le développement de l'industrie le chasse peu à peu de la position dominante qu'il occupait à l'époque de la manufacture. Mais ce recul est définitif, et le développement du capital financier réduit le commerce absolument et relativement et transforme le marchand, autrefois si fier, en un simple agent de l'industrie monopolisée par le capital financier.11

Nous observons dans tous les pays capitalistes l'accroissement colossal, irrésistible des forces productrices. Partout et toujours nous observons les plus fortes tendances à l'internationalisation de la vie économique. Des milliers de liens s'enchevêtrent, reliant entre eux les différents pays. Chaque nouveau kilomètre de voie ferrée, chaque nouveau câble sous-marin, chaque nouveau fil télégraphique semble devoir collaborer à celte internationalisation. Mais nous vivons en régime capitaliste et dans la phase impérialiste de ce régime. De l'impérialisme naissent de puissantes tendances contraires. La bourgeoisie de chaque pays tend à faire de sa « patrie » un organisme économique se suffisant à lui-même, capable de se satisfaire entièrement dans les cadres du travail « national » et de la production « nationale ».

Le protectionnisme de l'époque la plus récente joue sous ce rapport le rôle le plus important. L'ancienne division internationale du travail (la division en pays agricoles et industriels), devient très difficile. Tout pays tend maintenant à être à la fois agricole et industriel afin de se suffire à lui-même au point de vue économique. Afin de développer leur propre industrie nationale tous les pays — excepté l'Angleterre qui eut, en son temps une primauté industrielle indiscutable — ont dû recourir aux tarifs « temporaires » bientôt devenus des tarifs permanents. D'où le protectionnisme.

En 1846, l'Angleterre abolit chez elle les droits sur les céréales. La liberté du commerce triompha bientôt dans les Iles Britanniques. Mais nous voyons à présent le protectionnisme succéder, même en Angleterre, au libre-échange. Même les colonies anglaises, afin de protéger leur propre industrie, se défendent contre la métropole par des tarifs douaniers.

Vers 1860 le système des traités de commerce libéraux triomphe sur le continent européen. Mais vers 1870, sous l'influence de la crise générale, on peut observer un penchant évident au protectionnisme. Elle se manifeste différemment selon les pays. Outre les raisons économiques, les conditions d'existence politique de chaque État ont une certaine signification.12

En 1879 l'Allemagne passe au système des tarifs douaniers élevés, mettant simultanément en vigueur des tarifs protecteurs et sur les articles manufacturés et sur les céréales. La politique commerciale libérale a échoué. En 1885 et 1887, nouvelle hausse des tarifs douaniers de l'Allemagne. En 1902, élaboration d'un nouveau tarif dicté par les agrariens et les rois de la grande industrie.

En 1881 la France applique à son tour les nouveaux tarifs. En 1885 elle les complète pour protéger l'agriculture. En 1910 nouveaux tarifs élaborés sur les mêmes bases protectionnistes.

Depuis 1880 — à peu près — la Russie, l'Amérique, l'Autriche-Hongrie suivent la même voie. La Hollande même y entre en 1910.

Les droits d'importation subissent une hausse constante, le développement du marché intérieur se ralentit, les prix des articles de première nécessité s'élèvent à l'excès ; la cherté des vivres atteint directement l'ouvrier, tandis que les salaires (ne serait-ce que les salaires nominaux) n'augmentent que très lentement.

Le monde entier se couvre de barrières douanières. Les traités du commerce deviennent le moyen d'asservir un pays à la bourgeoisie d'un autre. Autour des traités de commerce des conflits ont lieu entre les coteries capitalistes des différents pays ; les masses populaires en font les frais.

De là les guerres de tarifs douaniers.

La France lutte pendant 10 ans contre l'Italie (à partir de 1887) ; la Russie lutte contre l'Allemagne (1892-94) ; la France contre l'Espagne et la Suisse (1893-95) ; l'Allemagne contre le Canada (1903-1910) ; l'Autriche-Hongrie contre la Serbie (1906-1911) ; la Bulgarie contre la Turquie, l'Autriche-Hongrie contre la Roumanie (1886-1890) ; l'Autriche-Hongrie contre le Monténégro (1908-1911) ; l'Allemagne contre l'Espagne (1894-1899), etc...

Les coteries capitalistes de chaque pays tendent simultanément à imposer les importations et à forcer les exportations.

Syndicats et trusts qui, en principe, devraient « régulariser » la production s'occupent, en réalité, de toute autre chose : ils travaillent à l'obtention de la plus-value. Augmenter l'exportation est leur premier souci. D'où cette exportation spéciale que l'on appelle « Schleuderexport » ou « dumping », exportation de produits cédés au rabais à des prix extrêmement bas. Les trusts et les cartels maîtres du marché intérieur peuvent, en y faisant monter les prix aux dépens des consommateurs de leur propre « patrie », se servir de ce procédé. Développant ainsi leur production dans une très large mesure, ils diminuent leurs frais de production et détroussent avec une énergie d'autant plus grande « leurs » ouvriers, leurs « paysans », « leur » petit peuple des villes.

Tous les pays s'efforcent de passer à l'exportation intensifiée. Une situation économique absurde en résulte. L'anarchie et la concurrence en sont accrues.

Et le monde capitaliste ne peut être guéri de ses maux même par les syndicats financiers internationaux, dernière innovation de la politique économique.

Parce que le moteur initial de ces syndicats, c'est toujours, uniquement, le bénéfice.

Trusts et syndicats — sous des noms différents, avec des fonctions en apparence variées, sous des formes différentes — jouent dans la vie des pays industriels un rôle de plus en plus grand. Au premier plan, parmi les pays des trusts, il faut placer les États-Unis ; mais l'Angleterre, l'Allemagne, la France, la Belgique et même la Russie ne lui cèdent guère sous ce rapport.

Le règne du capital financier est donc caractérisé à la fois par la concentration et la centralisation, par le développement des trusts et des cartels, par l'accroissement d'influence des banques et par la suppression du libre-échange supplanté par le protectionnisme.

Les tarifs douaniers protecteurs accroissent la fâcheuse influence des petits territoires économiques. Ils nuisent à l'exploitation, ils contrarient la spécialisation, ils empêchent une division internationale du travail rationnelle, ils élèvent les frais de la production. Mais s'ils sont un fléau pour le développement des forces de la production et pour celui de l'industrie, ils signifient par contre, pour le capitalisme, une augmentation immédiate de bénéfices. La liberté du commerce entrave la formation des cartels, enlève aux branches d'industrie faciles à truster, leur situation prépondérante sur le marché intérieur, et supprime en même temps les bénéfices supplémentaires que procurent les tarifs protecteurs des cartels (ou trusts).13

« Le protectionnisme, écrivait Kautsky, dès 1901, dans son livre sur la Politique Commerciale, n'est qu'un anneau dans la chaîne du nouveau système industriel, qui représente la forme la plus récente, et sans doute la dernière, du mode de production capitaliste. L'esprit de violence supplante de plus en plus chez la bourgeoisie industrielle l'esprit commercial. Autrefois d'humeur pacifique, elle rêvait une paix perpétuelle, elle condamnait la guerre comme une survivance de la barbarie du moyen-âge qui ne pouvait servir que les desseins des dynasties régnantes et des castes féodales ; mais, à l'heure actuelle, et quel que soit à ce sujet le chagrin de certains de ses idéologues, elle se pénètre de plus en plus d'un esprit de violence. La politique coloniale entre en scène. Cette politique provoque à tour des conflits ou menace d'en provoquer entre les puissances industrielles concurrentes. La lutte par les moyen des mesures de violence économique menace de se transformer en une lutte par le fer et par le feu, par la dynamite et la cheddite... Encourager le protectionnisme c'est, à l'heure actuelle, encourager un système qui finirait par remettre entre les mains d'une poignée de capitalistes toutes les forces d'une nation, afin qu'ils puissent vaincre ou affamer tout ennemi intérieur ou extérieur. »14

Le protectionnisme cause un préjudice considérable au développement des forces productrices. Les maîtres du capital financier le défendent pourtant partout et toujours. L'Angleterre fut pondant longtemps le pays classique du libre-échange. Mais l'impérialisme anglais, lui aussi, s'écarta de plus en plus de cette tradition, tendant au protectionnisme. Il suffit de rappeler ici la propagande de Chamberlain pour l'union plus étroite des colonies et de la métropole en un « plus grand Empire anglais ». Il suffit de rappeler la lutte qu'il soutint pour l'introduction des tarifs différentiels dans les colonies anglaises.

Ces tarifs doivent favoriser l'importation dans les colonies des produits originaires des métropoles anglaises au détriment des produits étrangers ; ils constituent en fait un premier pas dans la voie du remplacement du libre-échange par le protectionnisme.15

L'idée de remplacer le libre-échange par le protectionnisme trouve aussi un nombre croissant d'adeptes parmi les libéraux anglais, — parmi ceux-là mêmes qui, naguère, ne juraient que par le free-trade. On trouvera dans l'ouvrage cité une quantité de preuves de la popularité grandissante du protectionnisme parmi les libéraux. « Nous entourer d'un puissant système de défense [de tarifs douaniers] dans notre lutte contre les autres États est devenu pour notre pays, plus qu'une possibilité : une nécessité urgente. » Ainsi s'exprimait, en 1903, un manifeste en faveur du protectionnisme, édile par les libéraux anglais. De nombreuses notabilités libérales l'avaient signé : le duc de Sutherland, L.S. Amery, S. Bourne, T.A. Brassey, J.C. Dobbie, A.F. Firth, Benjanlin Kidd, H.J. MacKinder, J. Saxon Mills, James Paxman, Charles Fennant, H.E. Vollmer etc...16 Depuis 1903, le protectionnisme a fait en Angleterre d'immenses progrès. Les brochures de Chamberlain (Ce que nous avons appris en trois années de commence. — Le libre-échange de Cobden et le club de Cobden. — Quatre problèmes pratiques) et ses discours avaient un succès croissant. Les conférences qu'il organisa au nom du gouvernement anglais et auxquelles il invita les représentants de toutes les colonies anglaises marquent les étapes de la lutte de l'impérialisme anglais contre le libre-échange. Engels demandait en 1885 : « Quand les marchandises du continent et surtout celles de l'Amérique se feront de plus en plus abondantes ; quand la part du lion de l'approvisionnement mondial qui revient encore maintenant aux fabriques anglaises fondra d'année en année, quelles en seront les conséquences ? Réponds-nous, libre-échange, ô panacée ! »

Nous avons aujourd'hui la réponse : C'est l'impérialisme le plus récent.

Otto Bauer le dit fort justement :

La politique d'expansion capitaliste moderne est l'héritière du vieux libéralisme. (…) Partout où le capital anglais cherche des débouchés, partout où il cherche et des sphères d'investissement, il se heurte à la concurrence des autres États capitalistes. Pour atteindre son ancien but, l'Angleterre doit maintenant chercher comme tous les autres Etats, de nouveaux chemins.
L'ancien libre-échange anglais était cosmopolite : il anéantissait les frontières, tendant à faire du monde un seul domaine économique. (…) Tout autre est l'impérialisme moderne. Il n'aspire pas à faire de tous les pays un seul domaine économique ; il ne veut qu'entourer son propre domaine
d'une barrière douanière ; il recherche les pays les plus arriérés pour en assurer les marchés et les sphères d'investissement à ses capitalistes, en barrant le chemin aux capitalistes des autres pays. Il ne rêve pas de paix, il prépare la guerre.17 '
Les grandes [colonies britanniques] peuplées de blancs — Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique australe — sont des États autonomes. Afin de favoriser leur propre industrie, de création récente, ils se défendent contre la métropole au moyen de tarifs douaniers. Ils se détachent de plus en plus économiquement et politiquement, de la métropole. Le jour où ils s'en détacheront complètement et où le grand Empire britannique aura vécu, est-il éloigné ? Le sentiment national commun est trop faible pour les rattacher au Royaume-Uni ; il audrait que des intérêts communs unissent intimement la métropole et les colonies pour que l'empire britannique ne périsse pas. Ces intérêts communs, les impérialistes anglais pourrait les créer si seulement ils renonçaient au libre-échange. Que la métropole s'entoure de barrières douanières et frappe de taxes moindres les produits de l'agriculture et de l'élevage des colonies que les produits provenant des pays concurrents et les colonies accorderont en retour à la métropole des tarifs douaniers avantageux.18

C'est ainsi que la liberté du commerce apparaît superflue et nuisible même au pays du libre-échange classique. Le protectionnisme porte-t-il atteinte aux forces productrices ? Que nous importe ?

Ces entraves à la productivité, par suite de la réduction du territoire économique, il cherche à les compenser, non par le passage au libre-échange, mais par l'élargissement de son propre territoire économique et l'accroissement des exportations de capital.19

L'exportation du capital joue un rôle immense dans la vie sociale économique actuelle. L'impérialisme contemporain n'est plus caractérisé uniquement par l'exploitation des produits ; il l'est aussi par l'exportation du capital.

Hilferding définit celle-ci en ces termes :

Par exportation de capital nous entendons l'exportation de valeur destinée à produire de la plus-value à l'étranger. En quoi il est essentiel que la plus-value reste à la disposition du capital du pays d'origine. Si, par exemple, un capitaliste allemand émigre au Canada avec son capital, qu'il met en valeur dans ce pays, et ne revient plus dans son pays d'origine, il en résulte une perte pour le capital allemand, une dénationalisation du capital.20

L'exportation du capital prend des proportions de plus en plus grandioses (nous en donnerons dans les chapitres suivants les chiffres et les détails).21 Les pays riches en capital l'exportent non seulement dans les colonies — au sens étroit de ce mot — mais aussi dans des États politiquement indépendants. C'est ainsi que la Russie investit non seulement dans ses colonies, mais aussi aux Etats-Unis d'Amérique. A. Sartorius dit dans son ouvrage bien connu Das Volkswirtschaftliche System Der Kapitalanlage Im Auslande que « l'Angleterre reçoit maintenant des Etats-Unis des bénéfices et des intérêts pour un million de marks environ, annuellement ». De même la France introduit ses capitaux, non seulement dans ses colonies, mais aussi en Russie, en Espagne, etc...

La lutte pour les sphères d'influence du capital, c'est-à-dire pour les marchés, joue le plus grand rôle dans toute la vie économique et politique actuelle. Quel est le pays dont le capital sera appelé à construire les chemins de fer, à recevoir des concessions dans les colonies et dans les pays auxquels est nécessaire l'importation du capital ? — C'est là une des questions qui contribuent le plus à déterminer la politique étrangère des pays capitalistes, à provoquer les guerres, etc...

Le pays le plus riche en capitaux, l'Angleterre, règne sur le monde, bien qu'il ait déjà perdu l'hégémonie industrielle. L'Angleterre, dit Sartorius, est un pays de rentiers. Schulze-Gaevernitz dans son livre sur l'impérialisme britannique conclut qu'il y avait en Angleterre, au début du XXe siècle, un million de rentiers (ce qui fait, en tenant compte de leurs familles 10 à 11 % de la population totale). Et cette opulence met son cachet sur toute la vie anglaise, détermine les destinées du pays, la politique des partis et des classes. Il y avait chez Sartorius un grain de vérité quand il exposait que : « Le Royaume-Uni ne connaissait aucune social-démocratie de quelque importance. (...) Les richesses incalculables qu'elle a accumulées au cours du dernier siècle sont devenues une protection (ein Beschützer) pour la classe des ouvriers instruits, en dépit du recul de l'industrie. » Et il cite en l'approuvant Schultze-Gaevernitz : « Les ouvriers qualifiés hautement de la grande industrie anglaise ont aujourd'hui compris que leur confort durement acquis s'élève et descend suivant la puissance politique de l'Angleterre. »22

Ou voit ici, dirons-nous entre parenthèses, toute la philosophie du social-chauvinisme actuel : les travailleurs de chaque pays seraient, dit-on, directement intéressés à la prospérité de « leur patrie » et de son impérialisme.

Sartorius se trompe s'il pense que la social-démocratie doit être le parti des ouvriers qualifiés hautement rétribués. — Nous ne sommes pas le parti d'une aristocratie ouvrière, mais celui de la classe ouvrière, Monsieur Sartorius ! Mais il remarque avec juste raison que la bourgeoisie impérialiste, riche en capitaux, a, en plus de toutes ses ressources, celle de corrompre et de démoraliser une notable portion de l'aristocratie ouvrière, nuisant ainsi à la démocratie socialiste.

Soit dit entre parenthèses. Bornons-nous pour l'instant à noter le rôle considérable de l'exportation du capital dans le régime capitaliste actuel.

La concurrence pour les nouvelles sphères d'influence du capital amène à de nouvelles contradictions et à de nouveaux conflits entre les grands États capitalistes au sujet du partage du butin. D'autre part, les possibilités de conflit entre le pays où les capitaux sont importés et les classes dominantes des pays qui les exportent ne cessent d'augmenter. Les classes dominantes tendent à soumettre le plus possible à leur souveraineté les pays dans lesquels elles importent leurs capitaux. Ces pays, par contre, cherchent à s'assurer la plus grande indépendance à l'égard des États qui les fournissent en capitaux. Ce mouvement vers l'indépendance nationale menace le capital européen dans les domaines d'exploitation qui lui sont surtout précieux et qui lui font espérer les bénéfices les plus considérables. Et le capital européen ne peut maintenir sa domination qu'en augmentant de façon continue ses forces militaires.

De là, l'accroissement insensé du militarisme, de là les appels continuels des capitalistes, intéressés dans la vie des pays étrangers, à la création d'un pouvoir gouvernemental assez fort pour que son poing ganté de fer puisse défendre leurs intérêts, toujours et partout, fût-ce dans les coins les plus reculés du globe. Le capital d'exportation jouit évidemment de toutes ses aises quand le pouvoir de sa « patrie » règne sans conteste (par voie d'annexion ou de concession pour cent ans, ou tout autrement) sur le nouveau territoire économique en question. Ses intérêts sont alors parfaitement protégés ; il est garanti contre la concurrence du capital d'exportation rival, il a une situation privilégiée, l'armée de sa patrie assure ses bénéfices, etc...

L'exportation des capitaux contribue de la sorte à renforcer la politique impérialiste, à nourrir et à développer l'impérialisme contemporain.

Les pays dont l'industrie est la plus avancée sont en ce moment caractérisés par la plus forte tendance à l'exportation du capital industriel. C'est le cas de l'Allemagne et des États-Unis. Ici l'évolution industrielle a produit les formes tout à fait nouvelles, tant sous le rapport de la technique que sous celui de l'organisation. — L'Angleterre et la Belgique viennent ensuite. Les autres pays dont le développement capitaliste est relativement ancien, exportent plutôt leurs capitaux sous forme de prêts, — que par l'organisation des manufactures, etc... A cet égard, l'une des premières places revient à la France. Les prêts de la France à la seule Russie se sont élevés, d'après les calculs de Sartorius, à 9 milliards pour l'année 1906. En 1914 ces prêts se montaient à 14 ou 18 milliards. — Les mêmes pays peuvent simultanément exporter et importer des capitaux. C'est ainsi que les États-Unis exportent sur la plus large échelle des capitaux industriels dans l'Amérique du Sud et à la même heure empruntent à l'Angleterre, à la Hollande, etc., sous forme de bons et d'obligations, le capital espèces dont ils ont besoin. Même les pays tels que la Russie qui a un besoin continuel de capitaux étrangers exportent les leurs ; la Russie en exporte dans des proportions il est vrai restreintes, dans les Balkans.

La concurrence des différentes coteries financières a mis plus d'une fois l'Europe en présence de la guerre. Il nous suffira d'évoquer ici le Maroc. Que de « nobles » discours « patriotiques » ne prononça-t-on pas en Allemagne sur la méconnaissance par la France et l'Angleterre des intérêts de la « patrie » germanique, etc... En réalité, il ne s'agissait, outre l'annexion pure et simple de telle de telle colonie africaine, que d'obtenir au capital allemand sa part de concessions de chemins de fer, de ports, de télégraphes, de travaux publics, d'emprunts. Dans les conflits turcs et marocains entre l'Allemagne et la France, il s'agissait surtout de la rivalité de la banque française et de la Deutsche Bank, de MM. Rouvier et Helfferich, de M. Schneider du Creusot et de Krupp, en un mot des gros requins du capital financier ou, pour employer les termes affecteux dont la bourgeoisie se sert à leur égard, des « Geld-maréchaux » de l'argent français et allemand. A la conférence d'Algésiras les uns et les autres marchandèrent comme des boutiquiers jusqu'au moment où s'acheva le partage des concessions et des autres avantages. Les patriotes allemands ne se tranquillisèrent que lorsqu'ils se furent assuré une part des emprunts, — et ainsi de suite.23 Faute de quoi le gouvernement allemand, fidèle serviteur des impérialistes d'outre-Rhin, était prêt à déclarer la guerre à la France.

Le capital financier travaille de la sorte par tous les moyens à renforcer le pouvoir de l'État. Il devient le moteur principal qui fait agir le militarisme. L'antagonisme entre les plus grandes puissances impérialistes et en premier lieu entre l'Angleterre et l'Allemagne a depuis longtemps revêtu ses formes les plus âpres. Qu'il doive nécessairement se « résoudre par la violence » — c'est-à-dire par la guerre — les marxistes l'ont prédit bien avant 1914.

La guerre, écrivait Hilferding dans son Capital financier « serait de puis longtemps intervenue si certaines causes n'avaient agi dans le sens contraire. Car l'exportation de capital crée elle-même des tendances qui s’opposent à une telle solution. L'inégalité du développement industriel entraîne certaines différences dans les formes que revêt l'exportation de capital. (…) Cela a pour résultat que, par exemple, le capital français, hollandais et même, dans une certaine mesure, anglais, devient du capital de prêt pour des industries sous direction allemande et américaine. (…) Le capital français est intéressé en tant que capital de prêt au développement des industries allemandes en Amérique du Sud, etc.24

Pour le succès de ces entreprises, pour la sécurité de ces placements à l'étranger, le capital financier peut préférer la paix à la guerre.

Cette tendance — Hilferding la désigne en parlant d'une « certaine solidarité des intérêts internationaux du capital » — est, théoriquement, possible et elle existe même dans une certaine mesure. En l'exagérant, certains auteurs arrivent à nier le caractère impérialiste de la guerre de 1914-1918. Le capital financier n'y serait pour rien, s'il fallait en croire par exemple les affirmations de notre historien bien connu, M. N. Pokrovsky. Car... le capital financier est intéressé à la paix. En temps de guerre les capitaux étrangers sont tout bonnement confisqués, etc...25

Cette opinion est absolument erronée. Une faible tendance à la solidarisation « existe ». Mais comme nous l'avons vu d'autre part, il y a de puissantes tendances contraires. Laquelle de ces tendance aura le dessus — Hilferding le note très justement — cela dépend des circonstances dans chaque situation donnée et avant tout des espérances de profits attachées à l'issue de la lutte.

Et d'abord les capitaux confisqués par les parties belligérantes au cours de la récente guerre font, en partie, contrepoids. En second lieu, la perte de ces capitaux est, en partie, compensée par les bénéfices que réalisent les rois de la grande industrie, etc..., pendant la guerre et par suite de la guerre. Enfin, les bénéfices ne sont rien en comparaison des avantages escomptés par les impérialistes anglais, allemands ou français, au cas où leur « patrie » réussirait à écraser sa redoutable rivale.

Mais il faut en outre tenir compte de ceci. Il est hors de doute que l'une des conditions de la coalition victorieuse sera précisément l'annulation des confiscations, la reconnaissance des dettes, assurant à un vainqueur la conservation des capitaux qu'il a pu importer auparavant chez les vaincus. Or, quand la guerre éclate les deux partis espèrent vaincre. Évidemment, il y a le risque. Mais ce risque professionnel, inévitable, est de ceux auxquels les coteries impérialistes doivent se résigner.

En règle générale, il demeure vrai que le capital financier ne cesse de pousser les gouvernements des différents pays aux armements sur terre et sur mer, que l'impérialisme nous amène à une ère de conflits armés, qu'il crée l'insécurité du lendemain, qu'il rompt tous les équilibres et révolutionnarise avec une force terrible toutes les relations sociales en Europe, en Asie, en Amérique.

Kautsky décrivait exactement les faits quand il disait que le capital industriel et la classe industrielle manifestent dès le début des tendances tout à fait différentes de celles du capital commercial et financier. Le capital industriel est enclin à la paix, à la limitation du pouvoir absolu de l'État par les institutions parlementaires et démocratiques, à l'économie dans le budget de l'État ; il est constamment adversaire des impositions sur les articles de première nécessité et sur les matières premières. Il considère même souvent les taxes sur l'industrie comme un résultat de la situation arriérée de cette dernière et qui doit disparaître avec le progrès économique.

Au contraire, le capital financier, la classe des gros propriétaires et des banquiers a plutôt une propension à encourager l'absolutisme de l'État, à s'imposer par la force dans la politique intérieure et extérieure. Le capital financier est précisément intéressé à ce que les dettes de l'État soient grandes. Il voisine amicalement avec la grande propriété foncière et ne voit pas d'inconvénients à bénéficier de la faveur des tarifs protecteurs de l'agriculture.

Le développement économique a amené au pouvoir le capital argent, avant le capital industriel. Mais au cours du siècle dernier, le capital industriel a été au pouvoir et a même rejeté assez loin à l'arrière-plan les capitalistes financiers. À la fin des fins un autre capital a triomphé : la forme des sociétés par actions — qui avait déjà joué un grand rôle dans le capital commercial et financier —s'est solidement implantée dans le capital industriel.

Ainsi s'unissent au capital les plus grandes et les plus fortes parties du capital industriel. La création des trusts et la centralisation des grandes banques achèvent cette évolution.

Les tendances gouvernementales du capital financier sont maintenant dans les pays capitalistes avancés les tendances générales des classes dominantes.

Et comme elles poussent incessamment à la guerre, la politique impérialiste belliqueuse donne le ton à toute l'activité des États modernes « avancés », réduits au rôle de commis du capital.

Les appétits des coteries financières sont insatiables. Plus elles ont, et plus elles veulent avoir, et plus leur jeu devient risqué. Dans sa convoitise des marchés, des sources de matières premières, des sphères d'influence du capital, des colonies, des concessions, des privilèges variés qu'une semblable politique procure aux classes gouvernantes, le capital en est arrivé au partage de l'univers entre plusieurs « grandes » puissances et à la lutte armée entre elles pour le partage du butin le plus friand. D'où la lutte pour l'hégémonie mondiale, la tendance des grands États capitalistes à former des empires universels, et la lutte impérialiste dans laquelle le Japon et les Etats-Unis d'Amérique eux-mêmes se sentent de plus en plus attirés à la suite de l'Europe.

Le classique représentant du classique impérialisme anglais Chamberlain, termina jadis l'un de ses grands discours (prononcé à Johannesburg le 17 janvier 1903) par ces mots :

« Le temps des petits royaumes et de leurs mesquines jalousies est passé. L'avenir appartient aux grands Empires... » Aux empires mondiaux, voulait-il dire.

Les socialistes, eux aussi, ne sont pas partisans des petits États. Toutes autres conditions étant égales, ils sont partisans des grandes républiques démocratiques reconnaissant à toutes les nations le droit de décider elles-mêmes de leur propre sort, droit fondé sur le principe d'une complète égalité des nations. Au contraire, les « grands » États sont nécessaires aux impérialistes de tous les pays, précisément comme des moyens d'écraser et d'exploiter au profit de la bourgeoisie des grandes puissances les centaines de millions d'habitants des petits pays, des colonies, ou d'une façon générale des pays infortunés tombés sous la la coupe des bandes rapaces du capital européen. Les dictateurs actuels du capital financier de l'Europe ne forment qu'un petit groupe qui n'est peut-être fort que de quelques centaines d'hommes. Tous, dirigeants des plus grandes banques, rois de la bourse, maîtres des trusts et des cartels les plus importants, rois de l'acier et du canon, présidents des compagnies de chemins de fer les plus importantes, milliardaires, tous ceux qui décident en fait de la paix ou de la guerre pour l'Europe contemporaine, peuvent être facilement nommés par leurs noms — tant leur nombre est petit.

En 1910, Francis Delaisi fit dans son livre si intéressant sur La Démocratie et les Financiers, une semblable tentative concernant la France. En 15 pages, il put donner une liste assez complète des principaux dirigeants du capital financier de la France. Il dressa aussi une série de tableaux montrant dans combien de banques, de sociétés métallurgiques, de compagnies de chemins de fer, etc... régnaient ces personnages. Résumant ses données nous obtiendrons le résultat que voici :

53 familles sont nommées. Parmi elles, nous trouvons les noms de Rothschild, Schneider, Rostand, barons Nervaux, Duval, marquise Frondeville, prince de Camondo, Adam, Aynard, René Brice, Aubonneau, etc... Ces messieurs sont les maîtres dans 158 banques françaises, coloniales ou étrangères (telles que turques, néerlandaises, etc...). Au nombre de ces banques figurent les banques les plus importantes du monde : Crédit Lyonnais, Société Générale, Banque Ottomane, Union Parisienne, Banque de France, Comptoir d'Escompte, Banque Russo-Chinoise, Banque d'Indo-Chine, Crédit Industriel, Banque Transatlantique, Banque Tunisienne, etc. Ces messieurs sont aussi les maîtres de 108 entreprises métallurgiques et minières françaises, en France, dans les colonies ou à l'étranger (en Russie).

Citons : le Creusot, les mines d'or de l'Afrique, du Sud, Carmaux, le bassin du Donietz, etc... Les mêmes magnats du capital font la loi à 101 compagnies de chemins de fer ou de transports, et ils disposent, enfin, de 117 entreprises diverses monopolisées, parmi lesquelles la société par actions du canal de Suez, de vastes entreprises coloniales, des sociétés d'assurance, des usines à gaz, etc...26

En somme, 50 à 60 gros requins de la finance française règnent sur 108 banques, 105 grandes entreprises industrielles, 101 compagnies de chemins de fer, 117 autres entreprises industrielles et financières parmi les plus importantes, soit au total sur 431 entreprises dont chacun dispose de centaines de millions.

Voilà bien le capital financier personnifié !

L'Angleterre et l'Allemagne, et aussi notre Russie, pauvre pécheresse, nous offrent mutatis mutandis, le même spectacle. 500 grands financiers tiennent entre leurs mains le monde entier.

Voici des données précises sur la puissance du capital financier aux Etats-Unis en 1912-1914.

D'après le Bureau des Corporations il existait, en 1912, aux Etats-Unis, 18 grandes banques ou établissements de Crédit.27


Postes directoriaux

Postes occupés

Capitaux en millions de dollars

J. P. Morgan & Co. 63 38 10 036
First National Bank of New York 89 48 11 393
Guaranty Trust Co. of New York 160 76 17 342
Bankers Trust Co. of New York 113 55 11 184
National City Bank of New York 86 47 13 205
Kuhn, Loeb & Co. 15 12 3 011
National Bank of Commerce 149 82 13 165
Hanover National Bank 37 29 7 495
Chase National Bank of New York 67 48 11 527
Astor Trust Co. 74 47 12 408
Blair & Co. of New York 12 11 1 784
Speyer & Co. 10 10 2 443
Continental and Commercial
National Bank of Chicago
49 27 6 969
First National Bank of Chicago 55 29 9 021
Illinois Trust & Savings Bank of Chicago 28 22 4 599
Kidder, Peabody & Co. of Boston 8 6 2 395
Lee, Higginson & Co. of Boston 11 --- 3 199

Il va de soi que beaucoup de chiffres dans ce tableau sont comptés deux fois, le capital de chaque firme étant chaque fois indiqué en entier. Si l'on déduit les chiffres comptés deux fois, on obtient (voir Philippovich) le résultat suivant :

Les maîtres des firmes désignés et leurs directeurs, soit en tout 180 personnes, occupent les places suivantes :

Au total ces 180 souverains de la banque et leurs directeurs occupent 746 postes directoriaux dans 134 entreprises au capital global de 25 325 millions de dollars (à cette époque plus de 50 milliards de roubles, plus de 125 milliards de francs28 soit près du tiers du patrimoine national américain.

Tels sont les dictateurs du capital financier eu Amérique ! Quelque deux cents milliardaires et leurs clients disposent de cette immense, richesse et tiennent entre leurs mains toutes les grandes branches de l'industrie !

Cette poignée de magnats du capital financier tient entre ses mains non seulement les destinées de l'industrie nationale de l'Amérique, mais aussi par son intermédiaire une bonne part des destinées du monde. Qu'il nous suffise de rappeler le concours financier décisif prêté par l'Amérique à l'Entente, dès avant son entrée en guerre. Qu'il nous suffise d'indiquer le rôle des milliardaires américains quand l'Amérique entra en guerre.

Tels sont les souverains de tous les gouvernements modernes, tels sont ceux qui décident de la guerre et sont responsables pour les millions de victimes qu'elle a faites !

Il en est ainsi dans tout pays impérialiste. Si par exemple, vous voulez savoir pourquoi la « généreuse » Italie est entrée en guerre aux côtés de l'Entente, parcourez la liste des directeurs et des actionnaires de la Banco Commerciale et vous verrez les noms des capitalistes français ; examinez de plus près les chiffres qui révèlent la dépendance économique de la bourgeoisie italienne vis-à-vis du capital anglais. Là est la cause véritable de l'Alliance de l'Italie avec la France et l'Angleterre ; le désir « d'affranchir les frères de race opprimée » n'y est pour rien.

Nous pouvons désormais dresser le bilan et définir en peu de lignes l'impérialisme contemporain.

Ce faisant nous ne devons pas perdre de vue que l'impérialisme revêt des formes différentes : l'impérialisme anglais n'est pas identique à l'impérialisme allemand. L'impérialisme russe est très différent de ce dernier, etc... Il y a un impérialisme européen, asiatique, américain, blanc et jaune. L'impérialisme japonais est très différent de l'impérialisme français. L'impérialisme russe tient une place à part étant le plus arriéré (on ne peut même plus en dire ; le plus asiatique), le plus « cosaque » et se développant dans un pays économiquement très en retard.

Nous avons pourtant à faire ressortir ce qui nous paraît être essentiellement la caractéristique de l'impérialisme qui donne aujourd'hui le ton à la vie économique et politique du monde, qui fait la pluie et le beau temps, qui décide des destinées du monde.

La formule la plus générale admise jusqu'à présent par la plupart des marxistes dit : l'impérialisme est la politique (économique, étrangère ou autre) du capital financier. Mais cette définition est insuffisante précisément à cause de sa généralité.

Kautsky a proposé la définition suivante  :

L'impérialisme est le produit d'un capitalisme industriel puissamment développé. Il consiste en la compulsion de toute nation capitaliste industrielle à se soumettre et à s'annexer un domaine agraire de plus en plus vaste, quelles que soient les nations qui l'habitent.29

Mais cette définition n'est pas satisfaisante. Kautsky ne voit qu'une partie du phénomène quand il le ramène tout à la conquête des domaines agraires L'expansion moderne ne s'y borne pas, l'exportation du capital ne se fait pas seulement dans les pays agraires. En outre, la définition de Kautsky est trop académique, incolore, trop anémique. Nous n'y voyons pas une allusion au partage du monde entre les grands rapaces capitalistes, par un écho des tempêtes, des guerres, des révolutions, que l'ère impérialiste nous apporte ; nous n'y trouvons pas un mot sur ce fait que l'impérialisme sévit alors que les conditions économiques nécessaires à la réalisation du socialisme existent déjà dans la plupart des pays capitalistes avancés. Sa définition est faible et terne, bien qu'elle contienne des éléments de vérité.30

Hilferding se rapproche davantage de la définition exacte de l'impérialisme, quand il dit :

La politique du capital financier poursuit ainsi trois objectifs : premièrement, créer un territoire économique le plus vaste possible, qui sera, deuxièmement, protégé par de hautes barrières douanières contre la concurrence étrangère, et deviendra ainsi, troisièmement, un territoire réservé aux unions nationales à caractère de monopole.31

Hilferding est dans la vérité lorsqu'il parle du « territoire économique le plus vaste possible ». Cette expression est excellente parce qu'elle embrasse la conquête politique directe (annexion prise de possession de colonies) et l'exercice d'une suzeraineté purement économique. Il est aussi dans la vérité quand il mentionne les barrières douanières et les monopoles (trusts et cartels). Tels sont sans nul doute, les signes évidents de l'impérialisme.

Mais la définition de Hilferding ne comprend que des termes économiques. Les aspects politiques et autres de l'impérialisme — très importants — y font défaut.

En nous basant sur tout ce qui précède, nous pensons que la définition marxiste de l'impérialisme contemporain pourrait être exprimée dans les termes suivants :

L'impérialisme contemporain est la politique économique sociale du capital financier qui tend à la création des plus vastes domaines d'exploitation et des empires mondiaux. Il est caractérisé par la tendance du protectionnisme à supplanter totalement le libre-échange et à soumettre toute sa vie économique aux grands monopoles, tels que trusts, cartels, consortiums financiers, etc... Il marque le plus haut degré de l'évolution capitaliste, où l'exportation du capital — et non plus celle des marchandises — a le plus d'importance. Il marque l'époque du partage du monde entre plusieurs grandes puissances capitalistes, et celles des luttes pour de nouveaux partages et pour le partage des derniers territoires alors que les conditions économiques nécessaires à la réalisation du socialisme sont déjà réunies dans la plupart des pays avancés et que les cadres de l'État national entravent le développement ultérieur des forces productrices ; alors que la bourgeoisie cherche à retarder par sa politique coloniale et par des guerres sanglantes, le krach imminent du capitalisme.

Notes

1 Edward Gibbon Wakefield, citation tirée de A view of the art of colonization, with present reference to the British Empire; in letters between a statesman and a colonist (1849), p. 17. Traduction corrigée à l'aide du texte original. (note de la MIA)

2 Voir le travail, en quelque sorte classique de « l'économiste colonial allemand. », Dr. G. Zoepfl, « Kolonien und kolonialpolitik », in Handwörterbuch der Staatswissenschaften. (Note de Zinoviev)

3 Paul Samuel Reinsch, Colonial government : an introduction to the study of colonial institutions (1902), p.16. Traduction corrigée à l'aide du texte original. (note de la MIA)

4 Paul Leroy-Beaulieu, De la Colonisation chez les Peuples Modernes, Paris 1908, Vol.I. (Note de Zinoviev)

5 Karl Marx, Le Capital , volume I, Chapitre XV-7.

6 Voir le livre du député Noske sur la politique coloniale. (Note de Zinoviev)

7 G. Zoepfl, Kolonien, p. 930.

8 Il s'agit naturellement ici de Kautsky, Bauer et de Cunow ancienne manière, avant leur évolution à droite. (Note de Zinoviev)

9 Nous préférons l'expression française consacrée de « pouvoir politique » à la traduction littéraire du texte russe qui dit « pouvoir gouvernemental ». (Note du traducteur)

10 En fait « l'usure a été une des principales sources d'accumulation du capital, c'est-à-dire sa copropriété dans les revenus du propriétaire terrien. Mais le capital industriel et commercial, plus ou moins solidairement avec les propriétaires, s'insurgent contre cette forme obsolète du capitalisme ». Karl Marx, Theorien der Mehrwert (Théories de la plus-value) – note de Zinoviev, traduction corrigée d'après le texte original de Marx (note de la MIA)

11 Rudolf Hilferding, Le capital financier, chapitre XIV. Pour toutes les citations de ce livre nous avons substitué à la traduction de deuxième main de Victor Serge la traduction de Marcel Ollivier parue en 1970 (note de la MIA).

12 Consulter sur l'Allemagne les intéressantes remorques de Kautsky (ancienne manière) dans son ouvrage sur La Social-démocratie et la politique commerciale. Le lecteur trouvera des données phis récentes dans les deux livres consacrés a ce sujet par K. Renner.

13 Hilferding 468-474 de la traduction russe de Stepanow. Nous examinerons en détail dans un des chapitres suivants les raisons qui obligent les impérialistes à lutter contre te libre-échange. — (Note du traducteur) — Voir l'ouvrage entier du camarade Zinoviev La guerre et la crise du socialisme.

14 Karl Kautsky, Handelspolitik und Socialdemokratie, pp.41 et suivantes, Berlin 1901.

15 Voir à ce sujet : Bernhard Braude, Die Grundlagen und die Grenzen der Chamberlainismus publié par le Dr. Heinrich Herkner, Zürich, 1905.

16 Cité par Bernhard Braude, op. cit. p.140-141.

17 Otto Bauer, Die Nationalitätenfrage und die Sozialdemokratie (La question des nationalités et la sociale-démocratie), chapitre VI-27. Traduction corrigé d'après le texte original de Bauer (note de la MIA)

18 Idem, chapitre VI-29.

19 Rudolf Hilferding, Le capital financier, chapitre XXII.

20 Idem.

21 Voir l'ouvrage entier La guerre et la crise du socialisme. (Note du traducteur).

22 A. Sartorius, Das Volkswirtschaftliche System Der Kapitalanlage Im Auslande, p. 387-389.

23 Voir la brochure saisissante dans sa concision de Francis Delaisi : La guerre qui vient.

24 Rudolf Hilferding, Le capital financier, chapitre XXII.

25 Au congrès d'Iéna (1911), Bebel a occasionnellement exprimé la même opinion dans la phrase suivante : « Je l'avoue : il se peut que la garantie de paix la plus sérieuse nous soit donnée précisément par l'exportation internationale du capital. »

26 Francis Delaisi : La démocratie et les financiers, Paris 1910, p. 44-50.

27 Eugen von Philippovich, « Monopole und Monopolpolitik », Archiv für die Geschichte des Sozialismus und der Arbeiterbewegung (Grünbergs Archiv), 1. Jg., 1915, pp. 158ff. L'article de Philippovich se basait sur les travaux suivants : John Bates Clark, The Problem of Monopoly: A Study of a Grave Danger and of the Natural Mode of Averting It, New York: Columbia University Press, 1904; Robert Liefmann, Beteiligungs- und Finanzierungsgesellschaften: Eine Studie über den modernen Kapitalismus und das Effektenwesen in Deutschland, den Vereinigten Staaten, der Schweiz, England, Frankreich und Belgien, 2. verm. Aufl., Jena: Fischer, 1913; J. Singer, Das Land der Monopole: Amerika oder Deutschland?, Berlin: Siemenroth, 1913; Oswald Whitman Knauth, The Policy of the United States towards Industrial Monopoly, New York, Columbia University, 1914. (Note de Daniel Gaido pour la MIA)

28 Et l'on sait que pendant la guerre européenne, le capital américain s'est enrichi dans des proportions énormes de la ruine du vieux continent. — (Note de l'éditeur.)

29 Karl Kautsky, « Der Imperialismus », Die Neue Zeit, Vol. 32, No. 2 (1914), p. 909 ; voir aussi Nationalstaat, Imperialistischer Staat und Staatenbund, Nürnberg: Fränkische Verlagsanstalt, 1915, p. 15, et les travaux antérieurs de Kautsky. Traduction corrigé par la MIA d'après l'original de Kautsky.

30 Cunow critique aussi cette définition de Kautsky, mais non du point de vue du marxisme : de celui du social-chauvinisme. L'impérialisme est une « nécessité historique ». Tout ce est, est rationnel ; si l'impérialisme est, il est nécessaire, rationnel, progressif. D'où les travailleurs doivent soutenir l'impérialisme de leur patrie.

31 Rudolf Hilferding, Le capital financier, chapitre XXII.


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