1940 |
Source : numéro 31 de Quatrième
Internationale, août-septembre 1946. |
A propos d'un allié « socialiste » de Chamberlain
14 mai 1940.
Ma chère Miss La Follette.
Je serais prêt à remuer ciel et terre pour faire suite à votre demande, mais cela est impossible. Je suis en train d'écrire un long document pour la Quatrième Internationale sur la question de la guerre, et je dois le terminer dans le courant de la semaine prochaine.
Mais je dois aussi vous avouer être horrifié à l'idée de voir mon article publié à côté de celui de M. Brailsford. Lorsque je publie un article dans Life ou dans Liberty, c'est comme lorsque je prends le tramway : je ne cherche pas à connaître quels sont les autres voyageurs, car personne ne peut me confondre avec eux. Une revue de « tendance » est quelque chose de tout à fait différent. M. Brailsford se considère comme un écrivain de gauche, une espèce de socialiste et cætera. Mais, à mes yeux, ce n'est pas autre chose qu'une ombre réactionnaire petite-bourgeoise du conservateur M. Chamberlain. Politiquement, je préfère avoir à faire avec Chamberlain plutôt qu'avec Brailsford. L'idée même que je puisse avoir quelque chose de commun avec M. Brailsford est pour moi mille fois moins supportable que de publier occasionnellement, quelque chose dans la presse de Hearst.
J'apprécie trop votre personnalité, ma chère amie, pour ne pas vous dire l'entière vérité. « Hier stehe ich und ich kann nicht anders »1.
Avec mes meilleurs vœux et salutations.
Cordialement,
L. Trotsky
Coyoacán, D. F.
Note
1
« Ici je suis, et je ne peux rien faire d'autre ». Citation
attribuée à Martin Luther. (note de la MIA)