1865 |
Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de
sciences sociales de l'Université de Québec. |
Téléchargement fichier winzip (compressé) : cliquer sur le format de contenu désiré |
|
C'est dans le capital productif d'intérêts que le rapport capitaliste s'extériorise le plus complètement et prend le plus la forme d'un fétiche. La formule est A-A', l'argent engendrant de l'argent, sans qu'aucune opération intermédiaire ne soit apparente. La formule A-M-A' du capital commercial a au moins la forme générale de l'expression du mouvement capitaliste, bien que les phénomènes qu'elle exprime restent confinés dans le procès de circulation ; si elle représente le profit comme résultant de l'aliénation, elle le montre aussi comme produit d'un rapport social et non pas comme produit d'un simple objet. Le capital commercial comprend toujours dans son fonctionnement deux phases opposées, deux opérations en sens inverse, la vente et l'achat de marchandises. Il n'en est plus de même dans la formule A-A' du capital productif d'intérêts. Lorsqu’un capitaliste prête 1000 £ à 5 %, la valeur de ce capital devient à la fin de l'année 1000 + 1000 * (5 / 100) = 1.050 £, ou sous une forme générale C + Ci', C étant le capital et i' le taux de l'intérêt. La nouvelle valeur 1050 du capital n'est pas une simple grandeur, c'est un rapport de grandeurs ; elle exprime qu'une valeur déterminée s'est augmentée d'elle-même, a produit de la plus-value. Cette propriété du capital de s'augmenter de lui-même peut être mise à profit par tous les capitalistes producteurs, qu'ils opèrent avec un capital leur appartenant ou avec un capital emprunté.
L'expression A-A' part de la forme originale du capital et elle ramène la formule A-M-A’ à ses deux termes extrêmes A et A', ce dernier étant égal à A + δA, l'argent transformé en plus d'argent ; la formule générale du capital est ainsi condensée en une expression dénuée de sens. Alors que la formule générale comprend les procès de production et de circulation donnant une plus-value déterminée dans un temps donné, la formule du capital productif d'intérêts nous montre la plus-value surgissant spontanément, sans l'intermédiaire de la production et de la circulation; le capital s'augmentant ainsi de lui-même devient une source mystérieuse dont découle l'intérêt. L'objet, qu'il soit argent, marchandise ou valeur, est capital par lui-même, le capital n'est plus qu'un objet, et le résultat de tout le procès de reproduction est une qualité inhérente à l'objet ; dès lors il dépend uniquement du caprice de celui qui possède l'argent que celui-ci soit simplement dépensé ou loué comme capital.
Le capital productif d'intérêts est donc le capital fétiche, engendrant automatiquement de la valeur, substituant plus d'argent à de l'argent, sans qu'aucune trace en révèle le secret de l'opération, faisant du rapport social le rapport d'un objet (l’argent) à lui-même. La transformation effective de l'argent en capital cesse d'être visible. L'argent devient une valeur d'usage ayant comme la force de travail la propriété de faire naître de la valeur, de rendre plus qu'il ne contient, et c'est parce, qu'il a cette vertu qu'il peut être prêté, ce qui est la forme de la vente pour cette marchandise d'une nature spéciale. Il produit de l'intérêt comme un poirier produit des poires; comme tel il est mis en vente et la projection au dehors de sa propriété caractéristique est si pénétrante que le capital réellement productif, appliqué dans l'industrie ou le commerce, semble produire de l'intérêt, non parce qu'il est capital fonctionnant, mais parce qu'il est capital en soi, parce qu'il est capital-argent. L'intérêt, bien qu'il ne soit qu'une fraction du profit, de la plus-value que le capitaliste prélève sur l'ouvrier, apparaît, ainsi comme le produit immédiat du capital, et le profit devenu profit d'entreprise ne semble plus être qu'un accessoire, un ingrédient introduit dans le procès de reproduction. La transformation du capital en fétiche est alors complète. Il est exprimé par la formule A-A' qui en donne une expression inintelligible, qui dénature complètement le phénomène de production et qui montre le capital productif d'intérêts comme étant la forme la plus simple du capital, puisqu'il porte en lui-même les éléments du procès de reproduction, devenu inutile pour la mise en valeur de l'argent, c'est-à-dire de la marchandise. C'est la mystification capitaliste dans sa forme la plus brutale, sur laquelle les économistes vulgaires se sont jetés comme sur une proie, étant donné qu'elle fait perdre la trace de l'origine du profit et qu'elle rend celui-ci indépendant du procès de production, dont il est cependant le résultat.
Ce n'est qu'en devenant capital-argent que le capital devient une marchandise, dont le prix (l'intérêt) résulte de la propriété qu'elle possède d'augmenter d'elle-même sa valeur. Il devient une marchandise parce qu'il se présente continuellement à l'état d'argent, une forme indécise dans laquelle aucun des éléments qui le constituent réellement n'apparaît. L'argent est en effet la forme dans laquelle sont effacées toutes les différences entre les marchandises considérées comme valeurs d'usage, par conséquent les différences entre les divers capitaux industriels qui se composent de ces marchandises et ont pour but leur production; il est la forme sous laquelle la valeur - dans ce cas, le capital - existe comme valeur d'échange autonome. Alors que dans le procès de reproduction l'argent n'apparaît que transitoirement, il est la forme permanente du capital sur le marché financier. Le capital-argent devient également une marchandise, parce que la plus-value qu'il engendre naît en argent et comme une vertu qui lui est inhérente, de même qu'il est du propre des arbres de croître.
Le capital productif d'intérêts ramène au minimum le mouvement du capital : un capital de 1000 est considéré comme valant 1100, parce qu'en une certaine période il doit se transformer en 1100, absolument comme la valeur d'usage du vin devient plus grande à mesure qu'il a de la cave. Le capital productif d'intérêts est un objet et comme objet il est un capital. Il est prolifique ; à peine est-il donné en prêt ou engagé dans la production (il produit alors de l'intérêt et du profit d'entreprise), qu'il engendre de l'intérêt, soit qu'il dorme, soit qu'il veille, qu'il soit à la maison on en voyage, que ce soit la nuit ou le jour ; il est l'idéal du capitaliste thésauriseur.
C'est l'incorporation de l'intérêt au capital-argent qui préoccupe avant tout Luther dans ses philippiques naïves contre l'usure. Il admet qu'un intérêt puisse être exigé lorsque le remboursement de la somme prêtée n'ayant pas lieu dans le délai prescrit, le prêteur en souffre parce que lui-même avait besoin de l'argent pour effectuer un paiement ou faire une acquisition, acheter un jardin, par exemple, qui lui échappe à cause du retard ; mais il ajoute ensuite : « Alors que je te les (100 florins) ai prêtés, tu me causes un double dommage, puisque je suis daris l’impossibilité de payer ici, d'acheter là, ce que l'on appelle duplex interesse, damni emergentis et lucri cessantis [1]... Maintenant que tu as appris que Jean a subi un dommage à cause des cent florins qu'il a prêtés et qu'il en exige une réparation équitable, tu t’empares lourdement de la chose et tu portes en compte sur chaque centaine de florins un double dommage du même genre, savoir, les frais de paiement et l'impossibilité dans laquelle tu as été d'acheter un jardin, comme si deux dommages de ce genre poussaient naturellement sur chaque centaine de florins, de telle sorte que chaque fois que tu as cent florins tu les places, en portant en compte deux dommages que tu n'as cependant pas subis... C'est pour cela que tu es un usurier, car tu fais payer par l'argent de ton prochain un dommage que tu inventes, que personne ne t'a causé et que tu ne peux ni démontrer, ni évaluer. Pareil dommage, les juristes l'appellent un non verum sed phantasticum inleresse [2]. C'est un dommage que chacun peut s'attribuer en rêve... et dont on ne peut pas dire qu'il ait pour cause que l'on n'ait pas pu payer, ni acheter. Autrement dit ce serait faire ex contingente necessarium, faire de ce qui n'est rien ce qui devrait être, faire de ce qui est incertain une chose absolument certaine. Une usure pareille ne dévorerait-elle pas le monde en quelques années ! ... Par accident il peut arriver malheur au prêteur, ce qui le met dans la nécessité de se rattraper ; mais dans le commerce c'est l'inverse ou plutôt la contre-partie : on y cherche et on y invente des dommages qu’on met à charge d'un prochain moins puissant, afin de devenir plus important et plus riche, paresseux et désœuvré, et de pouvoir sans souci et sans risque parader et mener la vie avec le produit du travail des autres. Qui n'accepterait de rester les pieds sur les chenets pendant que ses cent florins produisent pour lui, sans qu'il ait ni souci, ni risque, l'argent restant dans sa bourse puisqu'il est prêté ? » (M. Luther, An Die Pfarrhernwider den Wucher zu predigen, etc.,Wiltenberg, 1540.)
L'idée que le capital est une valeur qui se reproduit d'elle-même et qui s'augmente dans la production en vertu d'une qualité innée et éternelle - la qualité cachée des Scolastiques - a donné lieu aux élucubrations fantaisistes du Dr Price, qui dépassent de loin celles des alchimistes et auxquelles Pitt croyait si sérieusement qu'il les prit pour base de sa science financière lorsqu'il fit ses lois sur le sinking fund. « L'argent placé à intérêts composés, dit Price, s'accroît d'abord lentement; mais comme cet accroissemment s'accélère continuellement, il devient tellement rapide au bout d'un certain temps qu'il dépasse toute imagination. Un penny prêté à 5 % d'intérêts composés à la naissance de notre rédempteur serait devenu actuellement une somme telle qu'il faudrait pour la représenter cent cinquante millions de globes terrestres en or pur ; prêté à intérêt simple il serait devenu simplement 7 sh. 4 ½ d. jusqu'à présent notre gouvernement a préféré cette seconde voie à la première pour améliorer la situation de ses finances » [3].
Ses Observations on reversionary payments, etc. (London, 1782) sont plus fantaisistes encore :
« Un shilling avancé le jour de la naissance de notre Rédempteur » (sans doute dans le temple de Jérusalem) « à 6 % d'intérêts composés serait devenu une somme plus grande que celle que pourrait contenir tout notre système solaire transformé en une sphère d'un diamètre égal à celui de l'anneau de Saturne. »
« Aussi un État ne devrait-il jamais être embarrassé : les plus petites épargnes lui permettront de payer la plus grosse dette quelque court que soit le temps qu'il est de son intérêt de consacrer à l'extinction de ce qu'il doit » (p. 136).
Quelle belle introduction théorique pour la dette publique anglaise !
Price fut simplement ébloui par la grandeur des nombres auxquels conduisent les progressions géométriques. Comme Malthus dans son théorème de la population, il considéra, sans tenir compte des conditions de la reproduction et du travail, le capital comme un automate grossissant de lui-même, et il put se figurer avoir exprimé ce développement par la formule S = C (1 + i)n, dans laquelle S représente la somme du capital et des intérêts accumulés, C le capital prêté, i le taux de l'intérêt et n la durée en années du prêt.
Pitt prit au sérieux la mystification du docteur Price. La Chambre des Communes avait voté en 1786 un impôt d'un million de £ pour des dépenses d'utilité publique. D'après Price il n'y -avait rien de mieux à faire que de lever un impôt pour « accumuler » la somme perçue et de faire appel au mystère de l'intérêt composé pour faire disparaître par enchantement la dette publique.
« Le vote de la Chambre des Communes ne tarda pas à être suivi d'une loi de Pitt ordonnant l'accumulation de 250.000 £ jusqu'au moment où cette somme avec les rentes viagères arrivant à échéance s'élevât à 4.000.000 £ » (Act 26, Georg. III. Chap. 22).
Dans son discours de 1792, dans lequel il proposa d'augmenter la somme affectée au fonds d'amortissement, Pitt cita parmi les causes de la prépondérance commercial, de l'Angleterre, les machines, le crédit, « mais surtout l'accumulation, la cause la plus puissante et la plus durable. Ce principe, ajoutait-il, est maintenant complètement développé et clairement expliqué dans l’œuvre de Smith, ce génie.... Cette accumulation du capital s'effectue lorsqu'on prélève une partie du revenu annuel pour l'appliquer à des achats de rentes et qu'on utilise annuellement de la même manière les intérêts de ces rentes. » Grâce au Dr Price, Pitt fit de la théorie de l'accumulation de Smith la théorie de l'enrichissement des peuples par l'accumulation des dettes, c'est-à-dire la théorie de l'endettement indéfini afin d'amortir un emprunt par un autre emprunt.
Déjà dans Josias Child, le père des banquiers modernes, nous trouvons que
« 100 £ placées à 10 %, intérêt composé, se transforment en 102.400 £ en 70 ans. » (Traité sur le commerce, etc., par J. Child, traduit, etc., Amsterdam et Berlin, 1754, p. 115. Écrit en 1669.)
De son côté, l'Economist, dans le passage suivant de son numéro du 19 juillet 1859, nous montre comment la conception du Dr Price s'est infiltrée pour ainsi dire naturellement dans l'économie politique moderne :
« Le capital économisé augmenté de ses intérêts composés représente une somme tellement forte que toute la richesse du monde dont dérive le revenu serait insuffisante pour payer l’intérêt de cette somme. La rente n’est plus que le paiement de l'intérêt du capital qui a été engagé antérieurement dans la terre. »
Par conséquent toute la richesse qui pourra encore être produite appartient de droit au capital comme intérêts qui lui sont dus, et tout ce qu'il a reçu jusqu'à présent n'est qu'un acompte sur ce qui lui est dû. A ce Moloch appartient tout le surtravail que l'humanité pourra encore produire.
Pour finir, reproduisons quelques phrases du galimatias du « romantique » Muller :
« Pour que l'intérêt composé puisse s'amplifier dans les proportions énormes définies par le Dr Price et que les forces humaines s'activant d'elles-mêmes puissent atteindre les effets considérables qu'il a signalés, il faut que durant plusieurs siècles l'ordre règne d'une manière uniforme et ininterrompue. Dès que le capital se partage en tranches poursuivant individuellement leur développement, l'accumulation générale des forces entre de nouveau en scène. La nature a assigné une durée de 20 à 25 ans en moyenne à la période pendant laquelle la force de l'ouvrier (!) progresse. A la fin de cette période l’ouvrier abandonne la carrière et transfère le capital gagné par l'intérêt composé du travail à un autre ouvrier, ou plus généralement à plusieurs ouvriers ou enfants, qui ne pourront profiter de l'intérêt composé du capital qui leur est transmis que lorsqu'ils auront appris à se servir de celui-ci. D'un autre côté, une partie considérable du capital produit par la société bourgeoise s'accumule lentement durant de longues années, même dans les pays les plus agités, et ce capital, qui n'est pas appliqué directement à l'extension du travail, est transféré sous le nom de prêt, dès qu'il a atteint une certaine importance, à un ouvrier, à une banque, à l'État. Lorsque celui qui le reçoit le met réellement en œuvre, il en retire un intérêt composé qui lui permet de payer sans difficulté un intérêt simple à celui qui le lui a prêté. Enfin intervient la loi du désir, de la dépense, de la prodigalité pour réagir contre la progression énorme suivant laquelle s'amplifieraient la force et les produits des hommes si la loi de la production et de l'économie régnait en maîtresse. » (A. Müller, op. cit., II, pp. 147-149.)
Il serait impossible d'accumuler plus d'absurdités en autant de lignes. Une confusion grotesque est établie entre l'ouvrier et le capitaliste, entre la valeur de la force de travail et l'intérêt du capital, et par-dessus le marché la baisse de l'intérêt composé est expliquée par ce fait que le capital est prêté pour rapporter de l'intérêt composé. La méthode de Müller caractérise bien le romantisme dans tous les domaines; elle consiste à recueillir tous les préjugés vulgaires, n'enregistrer que la partie la plus superficielle des choses, donner à cet ensemble faux et trivial une forme mystérieuse et le couvrir de phrases « élevées » et poétiques.
Le procès d'accumulation du capital peut être considéré comme une accumulation d'intérêts composés, étant donné que l'on peut désigner sous le nom d'intérêt la partie du profit (de la plus-value) qui est reconvertie en capital et qui sert à une nouvelle extorsion de plus-value. Cependant cette conception donne lieu aux observations suivantes :
La : plus-value dépendant du surtravail, l'accumulation du capital est limitée qualitativement par la journée totale de travail, c'est-à-dire la somme des journées exploitables simultanément pour un développement donné des forces productives et de la population. Il n'en est pas de même si l'on confond la plus-value avec l'intérêt (une forme dénuée de sens); alors la limite est simplement quantitative et absolument fantaisiste.
Le capital productif d'intérêts représente la plus haute expression du capital fétiche, de la conception qui attribue à l'accumulation en argent des produits du travail la vertu mystérieuse et innée d'engendrer de la plus-value, automatiquement et en progression géométrique, au point que d'avance lui appartiennent de droit, comme dit l'Economist, toutes les richesses que l'humanité pourra produire. Les produits du travail passé, le travail passé lui-même sont autorisés à réclamer leur part du surtravail actuel ou futur. Heureusement que nous savons que la conservation et la reproduction de la valeur des produits du travail passé ne sont possibles que si ces produits sont mis en contact avec du travail vivant, et que la domination des produits du travail passé sur le surtravail vivant n'aura que la durée de l'organisation capitaliste.
Intérêt double : celui de la perte qui en résulte et celui du profit manqué. (N.R.)
Pas un intérêt véritable mais imaginaire. (N.R.)
Richard Price : An Appeal to the Public on the.Subject of the National Debt, 2° éd., London, 1774, livre dans lequel il écrit avec une naïveté touchante : « Il faut emprunter de l'argent à intérêt simple pour l'augmenter en le prêtant à intérêts composés. » (R. Hamilton, An Inquiry into the Rise and Progress of the National Debt of Great Britain, 2° éd., Edinburgh, 1814), méthode d'après laquelle emprunter serait pour les particuliers le moyen le plus sûr de s'enrichir. Cependant lorsque j'emprunte, par exemple, 100 £ à 5 %, je dois payer 5 £ à la fin de l'année; j'aurai beau renouveler cette opération pendant cent millions d'années, je n’emprunterai chaque année que 100 £, pour lesquelles j'aurai à payer chaque fois 5 £. Je ne vois pas comment dans ces conditions je parviendrais à prêter 105 £, étant donné que je n*emprunte que 100. Et puis où prendrai-je les 5 £ pour payer l'intérêt ? En faisant un nouvel emprunt ou, si je suis l'État, en ayant recours à l'impôt ? Lorsqu'un industriel emprunte de l'argent et qu'il réalise un profit de 15 %, il doit payer 5 %, pour l'intérêt et dépenser 5 % pour vivre (bien que son appétit augmente en même temps que son revenu) ; il lui reste 5 %, qu'il pourra capitaliser. Il lui faut donc 15 % de profit pour pouvoir payer constamment 5 % d'intérêt - or pour peu que le genre de production qu'il fait continue, le taux de profit ira en baissant, ainsi que nous l'avons établi plus haut, et tombera probablement de 15 à 10 %. Price perd absolument de vue qu'il faut un profit de 15 %, pour pouvoir servir un intérêt de 5 %, et il raisonne comme si le profit de 15 % se maintenait pendant que le capital s'accumule. Il ne se préoccupe pas de cette accumulation et il pense qu'il suffit de prêter de l'argent pour le voir revenir ensuite avec les intérêts des intérêts. Quant à rechercher comment cela est possible, il juge inutile de s'en préoccuper puisqu'il s'agit d'une qualité innée du capital productif d'intérêts.
Notes
[1] Intérêt double : celui de la perte qui en résulte et celui du profit manqué. (N.R.)
[2] Pas un intérêt véritable mais imaginaire. (N.R.)
[3] Richard Price : An Appeal to the Public on the.Subject of the National Debt, 2° éd., London, 1774, livre dans lequel il écrit avec une naïveté touchante : « Il faut emprunter de l'argent à intérêt simple pour l'augmenter en le prêtant à intérêts composés. » (R. Hamilton, An Inquiry into the Rise and Progress of the National Debt of Great Britain, 2° éd., Edinburgh, 1814), méthode d'après laquelle emprunter serait pour les particuliers le moyen le plus sûr de s'enrichir. Cependant lorsque j'emprunte, par exemple, 100 £ à 5 %, je dois payer 5 £ à la fin de l'année; j'aurai beau renouveler cette opération pendant cent millions d'années, je n’emprunterai chaque année que 100 £, pour lesquelles j'aurai à payer chaque fois 5 £. Je ne vois pas comment dans ces conditions je parviendrais à prêter 105 £, étant donné que je n*emprunte que 100. Et puis où prendrai-je les 5 £ pour payer l'intérêt ? En faisant un nouvel emprunt ou, si je suis l'État, en ayant recours à l'impôt ? Lorsqu'un industriel emprunte de l'argent et qu'il réalise un profit de 15 %, il doit payer 5 %, pour l'intérêt et dépenser 5 % pour vivre (bien que son appétit augmente en même temps que son revenu) ; il lui reste 5 %, qu'il pourra capitaliser. Il lui faut donc 15 % de profit pour pouvoir payer constamment 5 % d'intérêt - or pour peu que le genre de production qu'il fait continue, le taux de profit ira en baissant, ainsi que nous l'avons établi plus haut, et tombera probablement de 15 à 10 %. Price perd absolument de vue qu'il faut un profit de 15 %, pour pouvoir servir un intérêt de 5 %, et il raisonne comme si le profit de 15 % se maintenait pendant que le capital s'accumule. Il ne se préoccupe pas de cette accumulation et il pense qu'il suffit de prêter de l'argent pour le voir revenir ensuite avec les intérêts des intérêts. Quant à rechercher comment cela est possible, il juge inutile de s'en préoccuper puisqu'il s'agit d'une qualité innée du capital productif d'intérêts.
[4] Voir Mill et Carey ainsi que le commentaire de Roselier, qui ne les a pas compris.
[5] « il est certain qu'aucun travail, aucune puissance productive, aucun esprit d'invention, aucun art ne peuvent engendrer assez de richesses pour satisfaire l'appétit de l'intérêt composé. Mais toutes les épargnes sont faites sur les revenus des capitalistes, de sorte que si les exigences de l'intérêt composé se renouvellent continuellement, la productivité du travail déclare sans cesse qu'elle ne peut y satisfaire. Et c'est ainsi qu'une espèce d'équilibre existe toujours » (Hodgskin, Labour defended against the claims of Capital, p. 23.)
|