1867 |
Une publication réalisée en collaboration avec le site le.capital.free.fr. |
Le Capital - Livre premier
Le développement de la production capitaliste
IV° section : la production de la plus-value relative
Un nombre assez considérable d'ouvriers sous les ordres du même capital, tel est le point de départ naturel de la manufacture, ainsi que de la coopération simple. Mais la division du travail, tel que l'exige la manufacture, fait de l'accroissement incessant des ouvriers employés une nécessité technique. Le nombre minimum qu'un capitaliste doit employer, lui est maintenant prescrit par la division du travail établie.
Pour obtenir les avantages d'une division ultérieure, il faut non seulement augmenter le nombre des ouvriers, mais l'augmenter par multiple, c'est à dire d'un seul coup, selon des proportions fixes, dans tous les divers groupes de l'atelier. De plus, l'agrandissement de la partie variable du capital nécessite celui de sa partie constante, des avances en outils, instruments, bâtiments, etc., et surtout en matières premières dont la quantité requise croît bien plus vite que le nombre des ouvriers employés. Plus se développent les forces productives du travail par suite de sa division, plus il consomme de matières premières dans un temps donné. L'accroissement progressif du capital minimum nécessaire au capitaliste, ou la transformation progressive des moyens sociaux de subsistance et de production en capital, est donc une loi imposée par le caractère technique de la manufacture [1].
Le corps de travail fonctionnant dans la manufacture et dont les membres sont des ouvriers de détail, appartient au capitaliste; il n'est qu'une forme d'existence du capital. La force productive, issue de la combinaison des travaux, semble donc naître du capital.
La manufacture proprement dite ne soumet pas seulement le travailleur aux ordres et à la discipline du capital, mais établit encore une gradation hiérarchique parmi les ouvriers eux-mêmes. Si, en général, la coopération simple n'affecte guère le mode de travail individuel, la manufacture le révolutionne de fond en comble et attaque à sa racine la force de travail. Elle estropie le travailleur, elle fait de lui quelque chose de monstrueux en activant le développement factice de sa dextérité de détail, en sacrifiant tout un monde de dispositions et d'instincts producteurs, de même que dans les Etats de la Plata, on immole un taureau pour sa peau et son suif.
Ce n'est pas seulement le travail qui est divisé, subdivisé et réparti entre divers individus, c'est l'individu lui-même qui est morcelé et métamorphosé en ressort automatique d'une opération exclusive [2], de sorte que l'on trouve réalisée la fable absurde de Menennius Agrippa, représentant un homme comme fragment de son propre corps [3].
Originairement l'ouvrier vend au capital sa force de travail, parce que les moyens matériels de la production lui manquent. Maintenant sa force de travail refuse tout service sérieux si elle n'est pas vendue. Pour pouvoir fonctionner, il lui faut ce milieu social qui n'existe que dans l'atelier du capitaliste [4]. De même que le peuple élu portait écrit sur son front qu'il était la propriété de Jéhovah, de même l'ouvrier de manufacture est marqué comme au fer rouge du sceau de la division du travail qui le revendique comme propriété du capital.
Les connaissances, l'intelligence et la volonté que le paysan et l'artisan indépendants déploient, sur une petite échelle, à peu près comme le sauvage pratique tout l'art de la guerre sous forme de ruse personnelle, ne sont désormais requises que pour l'ensemble de l'atelier. Les puissances intellectuelles de la production se développent d'un seul côté parce qu'elles disparaissent sur tous les autres. Ce que les ouvriers parcellaires perdent, se concentre en face d'eux dans le capital [5]. La division manufacturière leur oppose les puissances intellectuelles de la production comme la propriété d'autrui et comme pouvoir qui les domine. Cette scission commence à poindre dans la coopération simple où le capitaliste représente vis-à-vis du travailleur isolé l'unité et la volonté du travailleur collectif; elle se développe dans la manufacture qui mutile le travailleur au point de le réduire à une parcelle de lui-même; elle s'achève enfin dans la grande industrie qui fait de la science une force productive indépendante du travail et l'enrôle au service du capital [6].
Dans la manufacture l'enrichissement du travailleur collectif, et par suite du capital, en forces productives sociales a pour condition l'appauvrissement du travailleur en forces productives individuelles.
« L'ignorance est la mère de l'industrie aussi bien que de la superstition. La réflexion et l'imagination sont sujettes à s'égarer; mais l'habitude de mouvoir le pied ou la main ne dépend ni de l'une, ni de l'autre. Aussi pourrait on dire, que la perfection, à l'égard des manufactures, consiste à pouvoir se passer de l'esprit, de manière que, sans effort de tête, l'atelier puisse être considéré comme une machine dont les parties sont des hommes [7]. »
Aussi un certain nombre de manufactures, vers le milieu du XVIII° siècle, employaient de préférence pour certaines opérations formant des secrets de fabrique, des ouvriers à moitié idiots [8].
« L'intelligence de la plupart des hommes », dit A. Smith, « se forme nécessairement par leurs occupations ordinaires. Un homme dont toute la vie se passe à exécuter un petit nombre d'opérations simples... n'a aucune occasion de développer son intelligence ni d'exercer son imagination... Il devient en général aussi ignorant et aussi stupide qu'il soit possible à une créature humaine de le devenir. »
Après avoir dépeint l'engourdissement de l'ouvrier parcellaire, A. Smith continue ainsi :
« L'uniformité de sa vie stationnaire corrompt naturellement la vaillance de son esprit... elle dégrade même l'activité de son corps et le rend incapable de déployer sa force avec quelque vigueur et quelque persévérance, dans tout autre emploi que celui auquel il a été élevé. Ainsi sa dextérité dans son métier est une qualité qu'il semble avoir acquise aux dépens de ses vertus intellectuelles, sociales et guerrières. Or, dans toute société industrielle et civilisée tel est l'état où doit tomber nécessairement l'ouvrier pauvre (the labouring poor), c'est à dire la grande masse du peuple [9].»
Pour porter remède à cette détérioration complète, qui résulte de la division du travail, A. Smith recommande l'instruction populaire obligatoire, tout en conseillant de l'administrer avec prudence et à doses homoeopathiques. Son traducteur et commentateur français, G. Garnier, ce sénateur prédestiné du premier Empire, a fait preuve de logique en combattant cette idée. L'instruction du peuple, selon lui, est en contradiction avec les lois de la division du travail, et l'adopter « serait proscrire tout notre système social... Comme toutes les autres divisions du travail, celle qui existe entre le travail mécanique et le travail intellectuel [10] se prononce d'une manière plus forte et plus tranchante à mesure que la société avance vers un état plus opulent. (Garnier applique ce mot société d'une manière très correcte au capital, à la propriété foncière et à l'Etat qui est leur.) Cette division comme toutes les autres, est un effet des progrès passés et une cause des progrès à venir. ... Le gouvernement doit il donc travailler à contrarier cette division de travail, et à la retarder dans sa marche naturelle ? Doit il employer une portion du revenu public pour tâcher de confondre et de mêler deux classes de travail qui tendent d'elles-mêmes à se diviser [11] ? »
Un certain rabougrissement de corps et d'esprit est inséparable de la division du travail dans la société. Mais comme la période manufacturière pousse beaucoup plus loin cette division sociale en même temps que par la division qui lui est propre elle attaque l'individu à la racine même de sa vie, c'est elle qui la première fournit l'idée et la matière d'une pathologie industrielle [12].
« Subdiviser un homme, c'est l'exécuter, s'il a mérité une sentence de mort; c'est l'assassiner s'il ne la mérite pas. La subdivision du travail est l'assassinat d'un peuple [13].»
La coopération fondée sur la division du travail, c'est à dire la manufacture, est à ses débuts une création spontanée et inconsciente. Dès qu'elle a acquis une certaine consistance et une base suffisamment large, elle devient la forme reconnue et méthodique de la production capitaliste. L'histoire de la manufacture proprement dite montre comment la division du travail qui lui est particulière acquiert expérimentalement, pour ainsi dire à l'insu des acteurs, ses formes les plus avantageuses, et comment ensuite, à la manière des corps de métier, elle s'efforce de maintenir ces formes traditionnellement, et réussit quelquefois à les maintenir pendant plus d'un siècle. Cette forme ne change presque jamais, excepté dans les accessoires, que par suite d'une révolution survenue dans les instruments de travail. La manufacture moderne (je ne parle pas de la grande industrie fondée sur l'emploi des machines) ou bien trouve, dans les grandes villes où elle s'établit, ses matériaux tout prêts quoique disséminés et n'a plus qu'à les rassembler, la manufacture des vêtements par exemple; ou bien le principe de la division du travail est d'une application si facile qu'on n'a qu'à approprier chaque ouvrier exclusivement à une des diverses opérations d'un métier, par exemple de la reliure des livres. L'expérience d'une semaine suffit amplement dans de tels cas pour trouver le nombre proportionnel d'ouvriers qu'exige chaque fonction [14].
Par l'analyse et la décomposition du métier manuel, la spécialisation des instruments, la formation d'ouvriers parcellaires et leur groupement dans un mécanisme d'ensemble, la division manufacturière crée la différenciation qualitative et la proportionnalité quantitative des procès sociaux de production. Cette organisation particulière du travail en augmente les forces productives.
La division du travail dans sa forme capitaliste et sur les bases historiques données, elle ne pouvait revêtir aucune autre forme n'est qu'une méthode particulière de produire de la plus-value relative, ou d'accroître aux dépens du travailleur le rendement du capital, ce qu'on appelle Richesse nationale (Wealth of Nations). Aux dépens du travailleur elle développe la force collective du travail pour le capitaliste. Elle crée des circonstances nouvelles qui assurent la domination du capital sur le travail. Elle se présente donc et comme un progrès historique, une phase nécessaire dans la formation économique de la société, et comme un moyen civilisé et raffiné d'exploitation.
L'économie politique, qui ne date comme science spéciale que de l'époque des manufactures, considère la division sociale du travail en général du point de vue de la division manufacturière [15]; elle n'y voit qu'un moyen de produire plus avec moins de travail, de faire baisser par conséquent le prix des marchandises et d'activer l'accumulation du capital. Les écrivains de l'antiquité classique, au lieu de donner tant d'importance à la quantité et la valeur d'échange, s'en tiennent exclusivement à la qualité et à la valeur d'usage [16]. Pour eux, la séparation des branches sociales de la production n'a qu'un résultat : c'est que les produits sont mieux faits et que les penchants et les talents divers des hommes peuvent se choisir les sphères d'action qui leur conviennent le mieux [17], car si l'on ne sait pas se limiter, il est impossible de rien produire d'important [18]. La division du travail perfectionne donc le produit et le producteur. Si, à l'occasion, ils mentionnent aussi l'accroissement de la masse des produits, ils n'ont en vue que l'abondance de valeurs d'usage, d'objets utiles, et non la valeur d'échange ou la baisse dans le prix des marchandises. Platon [19] , qui fait de la division du travail la base de la séparation sociale des classes, est là-dessus d'accord avec Xénophon [20], qui avec son instinct bourgeois caractéristique, touche déjà de plus près la division du travail dans l'atelier. La république de Platon, en tant du moins que la division du travail y figure comme principe constitutif de l'État, n'est qu'une idéalisation athénienne du régime des castes égyptiennes. L'Égypte, d'ailleurs, passait pour le pays industriel modèle aux yeux d'un grand nombre de ses contemporains, d'Isocrate, par exemple [21], et elle resta telle pour les Grecs de l'empire romain [22].
Pendant la période manufacturière proprement dite, c'est à-dire pendant la période où la manufacture resta la forme dominante du mode de production capitaliste, des obstacles de plus d'une sorte sopposent à la réalisation de ses tendances. Elle a beau créer, comme nous l'avons déjà vu, à côté de la division hiérarchique des travailleurs, une séparation simple entre ouvriers habiles et inhabiles, le nombre de ces derniers reste très circonscrit, grâce à l'influence prédominante des premiers. Elle a beau adapter les opérations parcellaires aux divers degrés de maturité, de force et de développement de ses organes vivants de travail et pousser ainsi à l'exploitation productive des enfants et des femmes, cette tendance échoue généralement contre les habitudes et la résistance des travailleurs mâles. C'est en vain qu'en décomposant les métiers, elle diminue les frais d'éducation, et par conséquent la valeur de l'ouvrier; les travaux de détail difficiles exigent toujours un temps assez considérable pour l'apprentissage; et lors même que celui-ci devient superflu, les travailleurs savent le maintenir avec un zèle jaloux. L'habileté de métier restant la base de la manufacture, tandis que son mécanisme collectif ne possède point un squelette matériel indépendant des ouvriers eux-mêmes, le capital doit lutter sans cesse contre leur insubordination. « La faiblesse de la nature humaine est telle, s'écrie l'ami Ure, que plus un ouvrier est habile, plus il devient opiniâtre et intraitable, et par conséquent moins il est propre à un mécanisme, à l'ensemble duquel ses boutades capricieuses peuvent faire un tort considérable [23]. » Pendant toute la période manufacturière, on n'entend que plaintes sur plaintes à propos de l'indiscipline des travailleurs [24]. Et n'eussions nous pas les témoignages des écrivains de cette époque, le simple fait que, depuis le XVI° siècle jusqu'au moment de la grande industrie, le capital ne réussit jamais à s'emparer de tout le temps disponible des ouvriers manufacturiers, que les manufactures n'ont pas la vie dure, mais sont obligées de se déplacer d'un pays à l'autre suivant les émigrations ouvrières, ces faits, dis je, nous tiendraient lieu de toute une bibliothèque. « Il faut que l'ordre soit établi d'une manière ou d'une autre », s'écrie, en 1770, l'auteur souvent cité de l'Essay on Trade and Commerce. L'ordre, répète soixante six ans plus tard le docteur Andrew Ure, « l'ordre faisait défaut dans la manufacture basée sur le dogme scolastique de la division du travail, et Arkwright a créé l'ordre. »
Il faut ajouter que la manufacture ne pouvait ni s'emparer de la production sociale dans toute son étendue, ni la bouleverser dans sa profondeur. Comme uvre d'art économique, elle s'élevait sur la large base des corps de métiers des villes et de leur corollaire, l'industrie domestique des campagnes. Mais dès qu'elle eut atteint un certain degré de développement, sa base technique étroite entra en conflit avec les besoins de production qu'elle avait elle-même créés.
Une de ses uvres les plus parfaites fut l'atelier de construction où se fabriquaient les instruments de travail et les appareils mécaniques plus compliqués, déjà employés dans quelques manufactures. « Dans l'enfance de la mécanique », dit Ure, « un atelier de construction offrait à lil la division des travaux dans leurs nombreuses gradations : la lime, le foret, le tour, avaient chacun leurs ouvriers par ordre d'habileté. »
Cet atelier, ce produit de la division manufacturière du travail, enfanta à son tour les machines. Leur intervention supprima la main-duvre comme principe régulateur de la production sociale. D'une part, il n'y eut plus nécessité technique d'approprier le travailleur pendant toute sa vie à une fonction parcellaire; d'autre part, les barrières que ce même principe opposait encore à la domination du capital, tombèrent.
Notes
[1] « Il ne suffit pas que le capital nécessaire à la subdivision des opérations nouvelles se trouve disponible dans la société; il faut de plus qu'il soit accumulé entre les mains des entrepreneurs en masses suffisantes pour les mettre en état de faire travailler sur une grande échelle... A mesure que la division s'augmente, l'occupation constante d'un même nombre de travailleurs exige un capital de plus en plus considérable en matières premières, outils, etc. » (Storch, l.c., p.250, 25 1.) « La concentration des instruments de production et la division du travail sont aussi inséparables l'une de l'autre que le sont, dans le régime politique, la concentration des pouvoirs publics et la division des intérêts privés. » (Karl Marx, l.c., p.134.)
[2] Dugald Stewart appelle les ouvriers de manufacture « des automates vivants employés dans les détails d'un ouvrage. » (L.c., p.318.)
[3] Chez les coraux, chaque individu est l'estomac de son groupe; mais cet estomac procure des aliments pour toute la communauté, au lieu de lui en dérober comme le faisait le patriciat romain.
[4] « L'ouvrier, qui porte dans ses mains tout un métier, peut aller partout exercer son industrie et trouver des moyens de subsister; l'autre (celui des manufactures), n'est qu'un accessoire qui, sépare de ses confrères, n'a plus ni capacité ni indépendance, et qui se trouve forcé d'accepter la loi qu'on juge à propos de lui imposer. » (Storch, l.c., édit. de Pétersb., 1815, t. 1, p.204.)
[5] A. Ferguson, l.c., trad. franç. 1783, t. 11, p. 135, t36. « L'un peut avoir gagne ce que l'autre a perdu. »
[6] « Le savant et le travailleur sont complètement séparés l'un de l'autre, et la science dans les mains de ce dernier, au lieu de développer à son avantage ses propres forces productives, s'est presque partout tournée contre lui... La connaissance devient un instrument susceptible d'être séparé du travail et de lui être oppose. » (W. Thompson : An Inquiry into the Principles of the Distribution of Wealth. Lond., 1824, p. 274.)
[7] A. Ferguson, l.c., p. 134, 135.
[8] J. D. Tuckett : A History of the Past and Present State of the Labouring Population. Lond., 1846, v. 1, p.149.
[9] A. Smith : Wealth of Nations, 1. V, ch. I, art. 11. En sa qualité d'élève de A. Ferguson, Adam Smith savait à quoi s'en tenir sur les conséquences funestes de la division du travail fort bien exposées par son maître. Au commencement de son ouvrage, alors qu'il célèbre ex professo la division du travail, il se contente de l'indiquer en passant comme la source des inégalités sociales. Dans le dernier livre de son ouvrage, il reproduit les idées de Ferguson. Dans mon écrit, Misère de la philosophie, etc., j'ai déjà expliqué suffisamment le rapport historique entre Ferguson, A. Smith, Lemontey et Say, pour ce qui regarde leur critique de la division du travail, et j'ai démontré en même temps pour la première fois, que la division manufacturière du travail est une forme spécifique du mode de production capitaliste. ( L.c., p.122 et suiv.)
[10] Ferguson dit déjà : « L'art de penser, dans une période où tout est séparé, peut lui-même former un métier à part. »
[11] G. Garnier, t. V de sa traduction, p.2, 5.
[12] Ramazzini, professeur de médecine pratique à Padoue, publia en 1713 son ouvrage : De morbis artificum, traduit en français en 1781, réimprimé en 1841 dans l'Encyclopédie des sciences médicales. 7° Disc. Auteurs classiques. Son catalogue des maladies des ouvriers a été naturellement très augmenté par la période de la grande industrie. Voy. entre autres : Hygiène physique et morale de l'ouvrier dans les grandes villes en général, et dans la ville de Lyon en particulier, par le Dr A. L. Fonterel. Paris, 1858; Die Krankheiten welche verschie denen Stünden Altern und Geschlechtern eigenthümlich sind. 6 vol. Ulm, 1861, et l'ouvrage de Edouard Reich : M. D. Ueber den Ursprung der Entartung des Menschen. Erlangen, 1868. La Society of Arts nomma en 1854 une commission d'enquête sur la pathologie industrielle. La liste des documents rassemblés par cette commission se trouve dans le catalogue du Twickenham Economic Museum. Les rapports officiels sur Public Health ont comme de juste une grande importance.
[13] D. Urquhart : Familiar Words. London, 1855, p.119. Hegel avait des opinions très hérétiques sur la division du travail. « Par hommes cultivés, dit-il dans sa philosophie du droit, on doit d'abord entendre ceux qui peuvent faire tout ce que font les autres. »
[14] La foi naïve au génie déployé a priori par le capitaliste dans la division du travail, ne se rencontre plus que chez des professeurs allemands, tels que Roscher par exemple, qui pour récompenser le capitaliste de ce que la division du travail sort toute faite de son cerveau olympien, lui accorde « plusieurs salaires différents ». L'emploi plus ou moins développé de la division du travail dépend de la grandeur de la bourse, et non de la grandeur du génie.
[15] . Les prédécesseurs d'Adam Smith, tels que Petty, l'auteur anonyme de « Advantages of the East India Trade », ont mieux que lui pénétré le caractère capitaliste de la division manufacturière du travail.
[16] . Parmi les modernes, quelques écrivains du XVIII° siècle, Beccaria et James Harris, par exemple, sont les seuls qui s'expriment sur la division du travail à peu près comme les anciens. « L'expérience apprend à chacun, dit Beccaria, qu'en appliquant la main et l'intelligence toujours au même genre d'ouvrage et aux mêmes produits, ces derniers sont plus aisément obtenus, plus abondants et meilleurs que si chacun faisait isolément et pour lui seul toutes les choses nécessaires à sa vie... Les hommes se divisent de cette manière en classes et conditions diverses pour l'utilité commune et privée. » (Cesare Beccaria : Elementi di Econ. Publica ed. Custodi, Parte Moderna, t. XI, p.28.) James Harris, plus tard comte de Malmesbury, dit lui même dans une note de son Dialogue concerning Happiness. Lond., 1772 : « L'argument dont je me sers pour prouver que la société est naturelle (en se fondant sur la division des travaux et des emplois), est emprunté tout entier au second livre de la République de Platon. »
[17] Ainsi dans l'Odyssée, XIV, 228 : « ¢lloV gar t¢ `a llousin anhr epiterpetai » et Archiloque cité par Sextus Empiricus : « Allox ep ergj cardihn iainetai » A chacun son métier et tout le monde est content.
[18] « Pollahpistato erga cacwx d hpistato panta » Qui trop embrasse mal étreint. Comme producteur marchand, l'Athénien se sentait supérieur au spartiate, parce que ce dernier pour faire la guerre avait bien des hommes à sa disposition, mais non de l'argent; comme le fait dire Thucydide à Périclès dans la harangue où celui-ci excite les Athéniens à la guerre du Péloponnèse : « Swmasi te erga, cacwx d¢ hpistato panta » (Thuc. 1. 1, c. XLI). Néanmoins, même dans la production matérielle, lautarcemeia, la faculté de se suffire, était l'idéal de l'Athénien, « par¢ vn gar to eu, para toutwn cai to autarcex. Ceux ci ont le bien, qui peuvent se suffire à eux-mêmes. » Il faut dire que même à l'époque de la chute des trente tyrans il n'y avait pas encore cinq mille Athéniens sans propriété foncière.
[19] Platon explique la division du travail au sein de la communauté par la diversité des besoins et la spécialité des facultés individuelles. Son point de vue principal, c'est que l'ouvrier doit se conformer aux exigences de son uvre, et non luvre aux exigences de l'ouvrier. Si celui-ci pratique plusieurs arts à la fois, il négligera nécessairement l'un pour l'autre. (V. Rép., l. II). Il en est de même chez Thucydide 1, C. C. XLII : « La navigation est un art comme tout autre, et il n'est pas de cas où elle puisse être traitée comme un hors-duvre; elle ne souffre pas même que l'on s'occupe à côté d'elle d'autres métiers. » Si l'uvre doit attendre l'ouvrier, dit Platon, le moment critique de la production sera souvent manqué et la besogne gâchée; « ergou cairsn diollutai » On retrouve cette idée platonique dans la protestation des blanchisseurs anglais contre l'article de la loi de fabrique qui établit une heure fixe pour les repas de tous leurs ouvriers. Leur genre d'opérations, s'écrient ils, ne permet pas qu'on les règle d'après ce qui peut convenir aux ouvriers; « une fois en train de chauffer, de blanchir, de calendrer ou de teindre, aucun d'eux ne peut être arrêté à un moment donné sans risque de dommage. Exiger que tout ce peuple de travailleurs dîne à la même heure, ce serait dans certains cas exposer de grandes valeurs à un risque certain, les opérations restant inachevées. » Où diable le platonisme va t il se nicher !
[20] Ce n'est pas seulement un honneur, dit Xénophon, d'obtenir des mets de la table du roi des Perses; ces mets sont, en effet, bien plus savoureux que d'autres, « et il n'y a là rien d'étonnant; car de même que les arts en général sont surtout perfectionnés dons les grandes villes, de même les mets du grand roi sont préparés d'une façon tout à fait spéciale. En effet dans les petites villes, c'est le même individu qui fait portes, charrues, lits, tables, etc.; souvent même il construit des maisons et se trouve satisfait s'il peut ainsi suffire à son entretien. Il est absolument impossible qu'un homme qui fait tant de choses les fasse toutes bien. Dans les grandes villes, au contraire, où chacun isolément trouve beaucoup d'acheteurs, il suffit d'un métier pour nourrir son homme. Il n'est pas même besoin d'un métier complet, car l'un fait des chaussures pour hommes, et l'autre pour femmes. On en voit qui, pour vivre, n'ont qu'à tailler des habits, d'autres qu'à ajuster les pièces, d'autres qu'à les coudre. Il est de toute nécessité que celui qui t'ait l'opération la plus simple, soit aussi celui qui s'en acquitte le mieux. Et il en est de même pour l'art de la cuisine. » (Xénophon, Cyrop., 1. VIII, c.II.) C'est la bonne qualité de la valeur d'usage et le moyen de l'obtenir, que Xénophon a ici exclusivement en vue, bien qu'il sache fort bien que l'échelle de la division du travail dépend de l'étendue et de l'importance du marché.
[21] « Il (Busiris) divisa tous les habitants en castes particulières... et ordonna que les mêmes individus fissent toujours le même métier, parce qu'il savait que ceux qui changent d'occupation ne deviennent parfaits dans aucune, tandis que ceux qui s'en tiennent constamment au même genre de travail exécutent à la perfection tout ce qui s'y rapporte. Nous verrons également que pour ce qui est de l'art et de l'industrie, les Egyptiens sont autant au dessus de leurs rivaux que le maître est au dessus du bousilleur. De même, encore, les institutions par lesquelles ils maintiennent la souveraineté royale et le reste de la constitution de l'Etat sont tellement parfaites, que les philosophes les plus célèbres qui ont entrepris de traiter ces matières, ont toujours placé la constitution égyptienne au dessus de toutes les autres. » (Isocr. Busiris, c. VIII.)
[22] V. Diodore de Sicile.
[23] Ure, l.c., p.31.
[24] Ceci est beaucoup plus vrai pour l'Angleterre que pour la France et pour la France que pour la Hollande.