1917

Rédigé en septembre, et pas plus tard que le 22 (5 octobre) 1917.
Paru en abrégé le 7 octobre (24 septembre) 1917, dans le “Rabotchi Pout” n° 19.
Signé N. Lénine.
Intégralement conforme au manuscrit.

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Les champions de la fraude et les erreurs des bolchéviks

Lénine

22 septembre 1917


Présentation

L'article “ Les champions de la fraude et les erreurs des bolchéviks ” fut publié pour la première fois dans le journal Rabotchi Pout (n° 19) le 7 octobre (24 septembre) 1917 sous une forme abrégée et sous le titre “ Les champions de la fraude ”.

La partie dans laquelle Lénine critique les erreurs des bolchéviks à l'égard de la Conférence démocratique, ainsi que les fautes de Zinoviev et de Kaménev, n'a pas été publiée. C'est sans doute ce fait que Lénine, indigné, avait en vue lorsqu'il écrivait dans le chapitre VI de l'article “ La crise est mûre ” devant être remis aux membres du Comité central, du Comité de Pétersbourg, du Comité de Moscou et des Soviets : “ ...l'organe central biffe dans mes articles les indications que je donne sur les erreurs criantes des bolchéviks... ”.

Dans les première, deuxième et troisième éditions des Œuvres de Lénine cet article fut reproduit d'après le journal Rabotchi Pout ; dans la présente édition l'article est conforme au texte intégral du manuscrit.


La Conférence dite démocratique [1] est terminée. Grâce à Dieu, voilà encore une comédie passée. Nous allons quand même de l'avant, s'il est écrit au livre des destinées de notre révolution qu'elle ne doit avancer qu'en passant par un nombre déterminé de comédies.

Pour apprécier correctement le bilan politique de la conférence, il faut essayer de déterminer avec précision son sens de classe, tel qu'il ressort des faits objectifs.

Les partis gouvernementaux, socialiste révolutionnaire et menchévik, ont continué à se décomposer, ils ont manifestement perdu la majorité au soin de la démocratie révolutionnaire. Monsieur Kerenski et messieurs Tsérétéli, Tchernov et Cie se sont unis et leur bonapartisme s'est montré à visage découvert ; c'est un progrès. Tel est le sens de classe de la Conférence.

Dans les Soviets les socialistes révolutionnaires et les menchéviks ont perdu la majorité. C'est pourquoi ils ont dû recourir à la fraude : enfreindre l'engagement qu'ils avaient pris de convoquer au bout de trois mois un nouveau congrès des Soviets, se dérober à un compte rendu devant ceux qui ont élu le Comité exécutif central des Soviets, truquer la Conférence “ démocratique ”. Ce truquage, les bolchéviks en ont parlé avant la Conférence et les résultats leur ont donné pleinement raison. Les Liber-Dan [2] et les Tsérétéli, les Tchernov et Cie ont vu fondre leur majorité aux Soviets, voilà pourquoi ils ont eu recours à la fraude.

Les arguments selon lesquels les coopératives “ ont déjà une grande importance parmi les organisations démocratiques ”, de même que les représentants des villes et des zemstvos élus “ régulièrement ”, ces arguments sont tellement cousus de fil blanc, que seule l'hypocrisie la plus grossière peut les avancer sérieusement. En premier lieu, ce Comité exécutif central est élu par les Soviets et s'il manque à leur rendre des comptes et à leur rendre son mandat, c'est une escroquerie bonapartiste. En second lieu, les Soviets représentent la démocratie révolutionnaire dans la mesure où y entrent ceux qui veulent lutter révolutionnairement. Les portes n'en sont fermées ni aux coopérateurs ni aux citadins. Les maîtres des Soviets étaient encore les socialistes révolutionnaires et les menchéviks.

Ceux qui se sont confinés dans les coopératives, confinés dans les municipalités (villes et zemstvos) se sont par là même retranchés de plein gré des rangs de la démocratie révolutionnaire ; par là, ils ont rejoint soit la démocratie réactionnaire soit la démocratie neutre. Tout le monde sait que dans les coopératives et les municipalités les révolutionnaires ne sont pas les seuls à travailler et qu'il y entre aussi des réactionnaires ; tout le monde sait qu'on est élu aux coopératives et aux municipalités surtout pour un travail sans signification importante en politique générale.

S'attirer subrepticement le soutien des partisans de l'Edinstvo [3] et des réactionnaires “ sans parti ”, tel était le but des Liber Dan, des Tsérétéli, des Tchernov et Cie, en truquant la Conférence. Voilà leur fraude. Voilà leur bonapartisme qui les associe au bonapartiste Kérenski. Escroquer le principe de la démocratie, tout en respectant hypocritement les apparences de la démocratie, voilà le fond de l'affaire.

Nicolas Il a escroqué de fortes sommes pour ainsi dire au principe de la démocratie : il convoquait des institutions représentatives, mais il donnait aux propriétaires fonciers une représentation plusieurs centaines de fois plus grande qu'aux paysans. Les Liber Dan et les Tsérétéli et compagnie des Tchernov se livrent à de petits larcins contre les principes démocratiques : ils convoquent une “ conférence démocratique ” à laquelle et les ouvriers et les paysans font valoir à juste titre que leur représentation est amputée, qu'elle n'est pas proportionnelle, qu’elle n'est pas juste, mais profite aux éléments les plus proches de la bourgeoisie (et de la démocratie réactionnaire), aux éléments des coopératives et clés municipalités.

Les Liber Dan les Tsérétéli et les Tchernov ont rompu avec les masses ouvrières et paysannes pauvres, ils s'en sont écartés. Leur salut est dans la fraude, grâce à laquelle se maintient “ leur ” Kérenski.

La différenciation des classes se poursuit. Au sein des partis socialiste révolutionnaire et menchévik la protestation s'affirme ; à la suite de la trahison des “ chefs ” envers la majorité de la population, une véritable scission grandit. Les chefs s'appuient sur la minorité, ce qui est contraire au principe de la démocratie. De là il résulte pour eux que la fraude est inévitable.

Kérenski se démasque de plus en plus comme bonapartiste. Il était considéré comme “ socialiste révolutionnaire ”.

Nous savons aujourd'hui qu'il n'est pas seulement un socialiste révolutionnaire de “ mars ”, qui du groupe des troudoviks est accouru au groupe socialiste révolutionnaire “ à des fins de publicité ”. C'est un partisan de Brechko Brechkovskaïa, cette “ Madame Plekhanova ” des socialistes révolutionnaires ou cette “ Madame Potressova ” du Dien [4] socialiste révolutionnaire. L'aile dite “ de droite ” des partis dits “ socialistes ”, les Plékhanov, les Brochkovskaïa, les Potressov, voilà où se situe Kérenski, et cette aile, rien de sérieux ne la distingue des cadets.

Les cadets [5] louent Kérenski pour son action. Il pratique leur politique, il les consulte et consulte Rodzianko à l'insu du peuple, sa connivence avec Savinkov, l'ami de Kornilov, est démasquée par Tchernov et par d'autres. Kérenski est un konrilovien qui s'est par hasard brouillé avec Kornilov et qui continue à être en liaison intime avec d'autres korniloviens. C'est un fait, prouvé tant par les révélations de Savinkov et du Diélo Naroda [6] que par le jeu politique, qui continue, du “ chassé croisé ministériel ” de Kérenski et des korniloviens, sous le nom de “ classe commerciale et industrielle ”.

Transactions secrètes avec les korniloviens, acoquinement secret (par l’intermédiaire de Térechtchenko et Cie) avec les “ alliés ” impérialistes, atermoiements secrets et sabotage de l'Assemblée constituante, mensonges secrets à l'égard des paysans pour rendre service c'est à dire aux propriétaires fonciers (prix blé doublé), voilà ce dont Kérenski s'occupe en fait. Voilà sa politique de classe. Voilà en quoi consiste son bonapartisme.

Pour dissimuler ces faits à la conférence, les Liber Dan et les Tsérétéli, aussi bien que les Tchernov, ont dû la truquer.

Et la participation des bolchéviks à cette fraude infecte, à cette comédie avait exclusivement la même justification que notre participation à la III° Douma [7] : même dans les “ écuries ”, nous devons défendre notre cause ; du fond des “ écuries ”, nous devons, pour l'édification du peuple, fournir une documentation dénonciatrice.

La différence cependant, c'est que la Ill° Douma était convoquée lors d'un déclin manifeste de la révolution tandis que maintenant nous assistons manifestement à l'essor d'une nouvelle révolution, malheureusement nous ne savons que peu de chose sur l'ampleur et la rapidité de cet essor.

L'épisode le plus caractéristique de la Conférence est à mon avis l'intervention de Zaroudny. Il raconte qu'“ il suffit d'une allusion ” de Kérenski à la réorganisation du gouvernement pour que tous les ministres donnent leur démission. “ Le lendemain, poursuit Zaroudny avec candeur, avec une candeur enfantine (estimons nous heureux si ce n'est que de la candeur), le lendemain donc, malgré notre démission, on nous convoquait, on nous consultait, on nous garda en fin de compte. ”

“ Rires unanimes dans la salle ”, notent ici les Izvestia [8], organe officiel.

Drôles de plaisantins, ces républicains qui trompent le peuple comme de vrais bonapartistes ! C'est que nous sommes tous des démocrates révolutionnaires, soit dit sans plaisanter !

“ Dés le début, disait Zaroudny, nous entendions parler de deux choses : il fallait s'efforcer d'entretenir la combativité de l'armée et de hâter une paix fondée sur des principes démocratiques. Pour la paix, je ne sais si, pendant le mois et demi où j'ai été membre du Gouvernement provisoire, le Gouvernement provisoire a fait quoi que ce soit sous ce rapport. Je n'ai rien vu. ( Applaudissements, un voix dans la salle : “ On n'a rien fait ”, notent les Izvestia.) Lorsque, en qualité de membre du Gouvernement provisoire, je m’informais à ce sujet, je ne recevais pas de réponse... ”

C'est ainsi que parlait Zaroudny, d'après les officiels Izvestia. Et la conférence écoute en silence, tolère de tels aveux, n'interrompt pas l'orateur, ne suspend pas la sé­ance, ne bondit pas pour chasser Kérenski et le gouvernement ! Allons donc ! Ces “ démocrates révolutionnaires ” soutiennent Kérenski de toutes leurs forces !

Très bien, messieurs, mais en quoi alors la conception du “ démocrate révolutionnaire ” se distingue t elle de la conception du larbin et du goujat ?

Que les goujats soient capables de rire aux éclats quand “ leur ” ministre, qui se distingue par une rare candeur, une rare stupidité, leur rapporte que Kérenski chasse les ministres (pour s'entendre avec les korniloviens à l'insu du peuple, “ sans témoins superflus ”), cela est naturel. Que les laquais se taisent quand “ leur ” ministre, qui semble prendre, au sérieux des phrases toutes faites sur la paix, sans comprendre leur hypocrisie, avoue que l’on ne répondait même pas à la question qu'il posait sur les mesures réelles prises en vue de la paix, cela n'a rien d'étonnant. Car il est d'usage que les laquais se fassent duper par le gouvernement. Mais où se trouve là dedans l'esprit révolutionnaire, où se trouve l'esprit démocratique ?

Qu'y aurait il d'étonnant s'il venait aux soldats et aux ouvriers révolutionnaires cette idée : “ Il serait bon que le plafond du théâtre Alexandra s'effondre et écrase toute cette bande d'âmes serviles qui peuvent se taire quand on leur déclare ouvertement que Kérenski et Cie les mènent par le bout du nez avec leurs bavardages sur la paix ; qui peuvent rire joyeusement quand leurs propres ministres leur disent plus clair que le jour que le chassé croisé ministériel est une comédie (qui couvre les transactions de Kérenski avec les korniloviens). Délivrez nous, seigneur, de nos amis, nous nous chargerons de nos ennemis ! Délivrez nous, seigneur, de ces prétendants à la direction de la révolution et de la démocratie et nous nous chargerons nous mêmes des Kérenski, des cadets et des korniloviens. ”

Et j'en arrive ici aux erreurs des bolchéviks. S'en tenir à des applaudissements et à des exclamations ironiques à un tel moment, c'est une faute évidente.

Le peuple est excédé des hésitations et des atermoiements. Le mécontentement devient de plus en plus manifeste. Une nouvelle révolution est en marche. Les démocrates réactionnaires, les Liber Dan, les Tsérétéli et consorts ont tout intérêt à fixer l'attention du peuple sur cette “ Conférence ” de comédie, à “ occuper ” le peuple avec cette comédie, à détacher les bolchéviks des masses en retenant les délégués bolchéviks à une occupation indigne telle que de rester à écouter les Zaroudny ! Et les Zaroudny sont encore plus sincères que d'autres !!

Les bolchéviks devaient partir en signe de protestation et, pour ne pas tomber dans le piège et contribuer à détourner par le moyen de la Conférence l'attention du peuple des questions sérieuses. Les bolchéviks devaient laisser un ou trois de leurs 136 députés comme “ agents de liaison ”, pour les communications téléphoniques sur le moment où prendraient fin les odieux bavardages et où on passerait au vote. Mais les bolchéviks ne devaient pas se laisser occuper par ces sottises évidentes, par cette duperie évidente du peuple qui avait pour but évident d'étouffer la révolution montante en l'amusant avec des hochets.

Les délégués bolchéviks devaient à 99/100 se rendre dans les usines et dans les casernes ; c'est là qu'aurait été la véritable place des délégués arrivés de tous les coins de la Russie et qui avaient vu après le discours de Zaroudny tout l'abîme de corruption où étaient tombés les socialistes révolutionnaires et les mencheviks. C'est là, plus près des masses, qu'il aurait fallu, dans des centaines et des milliers de réunions et d'entretiens, discuter les leçons de cette conférence de comédie qui de toute évidence a seulement servi à fournir des atermoiements au kornilovien Kérenski, qui de toute évidence a seulement servi à lui faciliter de nouvelles variantes pour le “ chassé croisé ministériel ”.

Les bolchéviks ont eu une attitude erronée vis à vis du parlementarisme, au moment des crises de révolution (et non pas “ de constitution ”), une attitude erronée à l'égard des socialistes révolutionnaires et des menchéviks.

On voit clairement comment cela s'est produit : avec l'aventure de Kornilov, l'histoire a opéré un tournant très brusque. Le parti a retardé sur le rythme incroyablement rapide de l'histoire à ce tournant. Le parti s'est laissé égarer pour un temps dans le piège des parlotes méprisables.

Il fallait réserver à ces parlotes un centième des forces et en consacrer 99/100 aux masses.

Il fallait, si ce tournant prescrivait de proposer un compromis aux socialistes révolutionnaires et aux menchéviks (et il me semble à moi qu'il le prescrivait), agir ouvertement, au grand jour, rapidement, pour tirer parti sur le champ du refus possible et vraisemblable des amis du bonapartiste Kérenski d'en venir à un compromis avec les bolchéviks.

Ce refus se trouvait déjà dans les articles du Diélo Naroda [9] et de la Rabotchaïa Gazéta [10], à la veille de la conférence. Il fallait de la façon la plus officielle, la plus déclarée, la plus claire, sans perdre une minute, dire aux masses : Messieurs les socialistes révolutionnaires et les menchéviks ont rejeté notre compromis , à bas les socialistes­-révolutionnaires et les mencheviks ! Devant un tel mot d'ordre dans les usines et dans les casernes, la conférence aurait pu “ rire ” des naïvetés d'un Zaroudny !

L'engouement suscité par la “ Conférence ” et par les circonstances qui l'entourent dépend visiblement de plusieurs facteurs. Ce fut une faute de la part du camarade Zinoviev d'écrire de façon équivoque (à tout le moins équivoque) sur la Commune; il ressortait que, après avoir été victorieuse à Pétrograd, la Commune pouvait essuyer une défaite, comme en France en 1871. C'est absolument faux. Victorieuse à Pétrograd, la Commune aurait vaincu aussi dans toute la Russie. C'était encore une faute de sa part d'écrire que les bolchéviks avaient bien fait de proposer la représentation proportionnelle au Présidium du Soviet de Pétrograd. Jamais prolétariat révolutionnaire ne fera rien de bon dans un Soviet, si l'on admet la représentation proportionnelle des messieurs Tsérétéli : les admettre, c'est se priver de la possibilité de travailler ; c'est ruiner le travail du Soviet. C'était une faute de la part du camarade Kaménev de prononcer à la Conférence son premier discours dans un esprit purement “ constitutionnel ” et de poser la question dérisoire de confiance ou de “ défiance ” vis à vis du gouvernement. S'il n'était pas possible de dire à cette réunion la vérité sur le kornilovien, vérité qui avait déjà été exprimée et dans le Rabotchi Pout [11] et le Social démocrate [12] de Moscou, pourquoi alors ne pas s'y référer et ne pas affirmer devant les masses que la Conférence ne voulait pas entendre la vérité au sujet du kornilovien Kérenski ?

C'était une faute de la part des délégations ouvrières de Pétrograd d'envoyer des orateurs à une conférence pareille, après le discours de Zaroudny, après les explications la situation. A quoi bon jeter des perles devant les amis de Kérenski ? A quoi bon attirer les forces prolétariennes à cette conférence de comédie ? Pourquoi n'aurait on pas dirigé ces délégations, tout à fait pacifiques et légales, sur les casernes et sur les usines les plus en retard ? Cela aurait été un million de fois plus utile, plus substantiel, plus sérieux, plus efficace que le voyage au théâtre Alexandra et les conversations avec les coopérateurs sympathisant, avec l'Edinstvo [13] et Kérenski.

Dix soldats ou dix ouvriers convaincus d'une usine arriérée valent mille fois plus qu'une centaine de délégués ramassés par les Liber Dan dans différentes délégations. Utiliser le parlementarisme   surtout en période révolutionnaire - ne consiste pas du tout à perdre un temps précieux avec les représentants de la pourriture, mais à instruire les masses en leur montrant un exemple de pourriture.

Pourquoi ces délégations prolétariennes n'“ utiliseraient ” elles pas la Conférence pour éditer et pour montrer dans les casernes et dans les usines, disons, deux affiches expliquant que la Conférence est une comédie ? Une affiche pourrait représenter Zaroudny en bonnet d'âne, dansant sur les tréteaux et chantant : “ Kérenski nous a destitués, Kérenski nous a restitués ”. Et autour de lui, Tsérétéli, Tchernov, Skobélev, le coopérateur bras dessus, bras dessous avec Liber et Dan   tous se tordant de rire. Légende : “ ils sont gais ”.

Deuxième affiche. Le même Zaroudny devant le même public déclare : “ Depuis un mois et demi, j'interroge sur la paix. Je n'ai pas reçu de réponse. ” Le public se tait, les personnages expriment le “ sérieux gouvernemental ”. Tsérétéli est particulièrement sérieux, et il écrit à l'insu des autres dans son calepin : “ Quel nigaud ce Zaroudny ! Un tel imbécile devrait charrier du fumier et non pas être ministre ! Il défend la coalition, et il l'égorge mieux que cent bolchéviks ! Il a été ministre et n'a pas appris à parler en ministre : ayant suivi sans relâche pendant un mois et demi l'extension de la campagne en faveur de la paix, je suis convaincu du succès final de cette campagne précisément sous le régime de la coalition en liaison avec les hautes idées de la conférence de Stockholm, etc., etc. Alors, la même Rousskaïa Volia [14] porterait Zaroudny aux nues comme champion “ de la révolution russe. ”


Notes

[1] La Conférence démocratique de Russie fut convoquée par le comité exécutif central des Soviets où prédominaient les menchéviks et les socialistes révolutionnaires, sous prétexte de régler la question du pouvoir, le vrai but étant de trouver un dérivatif à la poussée révolutionnaire grandissante. Fixée au 12 (25) septembre, elle fut ajournée et se tint à Pétrograd du 14 au 22 septembre (27 septembre 5 octobre) 1917 avec plus de 1 500 participants. Les leaders menchéviks et s. r. firent tout le possible pour réduire le nombre de représentants des ouvriers et des paysans au profit des organisations petites bourgeoises et bourgeoises, qui s’y trouvèrent ainsi en majorité.

Le C.C. du P.O.S.D.(b.)R., à sa séance du 3 (16) septembre, décida de prendre part à la Conférence, et envoya aux organisations de base du Parti une circulaire indiquant qu'il fallait “ réunir tous les efforts afin d'assurer la présence à la Conférence du groupe le plus nombreux et le plus uni possible ”. En acceptant de participer à la Conférence, les bolchéviks voulaient en utiliser la tribune pour mettre en accusation les menchéviks et les s. r.

Dans sa lettre au Comité central, aux comités de Pétrograd et de Moscou du P.O.S.D.(b)R., intitulée “ les bolcheviks, doivent prendre le pouvoir ” et dans la lettre au Comité central “ Le marxisme et l'insurrection ”, Lénine détermina l'attitude des bolchéviks à l'égard de la Conférence démocratique.

La Conférence décida de former un Préparlement (Conseil provisoire de la République), qui devait donner l'impression que le régime parlementaire était instauré en Russie. Or, selon l'arrêté adopté par le Gouvernement provisoire lui même, le Préparlement ne devait jouer qu'un rôle consultatif A la réunion des bolchéviks participants à la Conférence démocratique, convoquée par le Comité central du Parti, il fut décidé par 77 voix contre 50 de prendre part au Préparlement.

Dans ses articles “ Les champions de la fraude et les erreurs des bolchéviks ”, “ Notes d'un publiciste ”, “ Les erreurs de notre Parti ” et “ La crise est mûre ”, Lénine critiqua les erreurs tactiques commises par les bolchéviks vis à vis de la Conférence démocratique : il exigea que les bolchéviks quittent le Préparlement, en soulignant la nécessité de concentrer tous les efforts sur la préparation de l'insurrection, contra la position défendue par Kaménev et autres qui préconisaient la participation. Le 7 (20) octobre, le jour de l'ouverture du Préparlement, les bolchéviks donnèrent lecture d'une déclaration et quittèrent le Préparlement.

[2] Les Liber Dan, appelation ironique donnée aux leaders menchéviks Liber et Dan et à leurs partisans, après la parution de l'article de Démian Bedny “ Liber Dan ”, dans le n° 141 du journal bolchévik de Moscou Social Démocrate, du 25 août (7 septembre) 1917.

[3] Edinstvo ” [L'Unité], quotidien qui parut à Pétrograd de mars à novembre 1917, ainsi qu'en décembre 1917 et en janvier 1918 sous un autre nom. Son rédacteur en chef était Georges Plékhanov. Ce journal rassemblait l'extrême droite des menchéviks jusqu'auboutistes et soutenait sans réserve le Gouvernement provisoire bourgeois. Il menait une lutte acharnée contre le Parti bolchévik.

[4 Le “ Dien ” [Le Jour], quotidien d'orientation libérale bourgeoise, fut publié à Pétersbourg à partir de 1912, avec la participation des menchéviks liquidateurs, qui s'assurèrent le contrôle total de sa rédaction après février 1917. Interdit par le Comité militaire révolutionnaire auprès du Soviet de Pétrograd le 26 octobre (8 novembre) 1917.

[5] Cadets, membres du parti constitutionnel démocrate (K.-D.), principal parti de la bourgeoisie monarchiste libérale en Russie. Le parti fut fondé en octobre 1905 ; il comprenait des représentants de la bourgeoisie, des propriétaires fonciers et des intellectuels bourgeois. Milioukov, Mouromtsev, Maklakov, Chingarev, Strouvé étaient parmi leurs chefs de file. Pendant la première guerre mondiale, ils soutinrent acti­vement la politique extérieure annexionniste du gouvernement du tsar. Au cours de la révolution de février, ils essayèrent de sauver la monarchie. Occupant une situation prépondérante dans le Gouvernement provisoire bourgeois, les cadets menèrent une politique antipopulaire, contre révolutionnaire.

Après la victoire de la Révolution d'Octobre, les cadets furent des ennemis irréconciliables du pouvoir soviétique.

[6] Diélo Naroda ” [La Cause du peuple], organe du parti socialiste révolutionnaire ; parut quotidiennement à Pétrograd de mars 1917 à juillet 1918, en changeant plusieurs fois de titre. La publication de ce journal reprit en octobre 1918 à Samara (quatre numéros) et en mars 1919 à Moscou (10 numéros). Il fut interdit pour son activité contre révolutionnaire.

[7] Le 3 (16) juin 1907, le tsar publia un manifeste portant la dissolution de la II° Douma d'Etat et établissant une nouvelle loi électorale qui réduisait encore plus la représentation des ouvriers et des paysans, au profit des gros propriétaires fonciers et de la bourgeoisie commerciale et industrielle. Ce fut une violation grossière du Manifeste du 17 octobre 1905 et de la Loi fondamentale de 1906 qui stipulait que le Gouvernement n'avait pas le droit de promulguer des lois sans approbation préalable de la Douma d'Etat. Dans la III° Douma, élue d'après la nouvelle loi, qui se réunit le l° (14) novembre 1917, la majorité revenait aux Cent Noirs et aux octobristes.

[8]Izvestia ” du Soviet des députés ouvriers et soldats de Pétrograd, quotidien, parut à partir du 28 février (13 mars) 1917.

Après la formation, au I° Congrès des Soviets, du Comité exécutif central des Soviets des députés ouvriers et soldats, le journal en devint l'organe et parut à partir du I° (14) août 1917 (n° 132) sous le titre d'Izvestia du Comité exécutif central et du Soviet des députés ouvriers et soldats de Pétrograd. A partir du 29 septembre (12 octobre) (n° 184) il prend le titre d'Izvestia du Comité exécutif central des Soviets des députés ouvriers et soldats. Pendant ce temps, le journal se trouva entre les mains des menchéviks et des socialistes révolutionnaires.

Après le octobre, les Izvestia devinrent l'organe officiel du pouvoir des Soviets. En décembre 1922, après la formation de l'U.R.S.S., les Izvestia devinrent l’organe du Comité exécutif central de l'U.R.S.S. et du Comité exécutif central de Russie. Par une décision du Soviet suprême de l'U.R.S.S. en date du 24 janvier 1938, les Izvestia du Comité, exécutif central de l'U.R.S.S. et du Comité exécutif central de Russie furent réorganisés et à partir du 26 janvier 1938 ont commencé à paraître sous la titre d'Izvestia des Soviets des députés des travailleurs.

[9] Diélo Naroda ” [La Cause du peuple], organe du parti socia1iste révolutionnaire ; parut quotidiennement à Pétrograd de mars 1917 à juillet 1918, en changeant plusieurs fois de titre. La publication de ce journal reprit en octobre 1918 à Samara (quatre numéros) et en mars 1919 à Moscou (10 numéros). Il fut interdit pour son activité contre révolutionnaire.

[10] La “ Rabotchaïa Gazéta ” [Le Journal des ouvriers], quotidien des menchéviks, parut à Pétrograd du 7 (20) mars au 30 novembre (13 décembre) 1917. Depuis le 30 août (12 septembre), organe du C,C. menchévik. Le journal soutenait le gouvernement provisoire bourgeois, accueillit avec hostilité la Révolution d'Octobre et l'instauration du pouvoir des Soviets.

[11] Le “ Rabotchi Pout [La Voie ouvrière], organe central du Parti bolchévik ; quotidien, parut du 3 (16) septembre au 2 octobre (8 novembre) 1917 à la place de la Pravda interdite par le Gouvernement provisoire. A partir du 27 octobre (9 novembre) reprit le titre antérieur de Pravda.

[12] Le “ Social Démocrate ”, quotidien, organe du Bureau régional de Moscou, du comité de Moscou et aussi, plus tard, du comité de district de Moscou du Parti bolchévik. Partit de mars 1917 à mars 1918 ; par suite du transfert à Moscou du Gouvernement soviétique et du Comité central du Parti, le journal fusionna avec la Pravda.

[13] Edinstvo ” [L'Unité], quotidien qui parut à Pétrograd de mars à novembre 1917, ainsi qu'on décembre 1917 et en janvier 1918 sous un autre nom. Son rédacteur en chef était Georges Plékhanov. Ce journal rassemblait l'extrême droite des menchéviks jusqu'auboutistes et soutenait sans réserve le Gouvernement provisoire bourgeois. Il menait une lutte acharnée contre le Parti bolchévik.

[14] La “ Rousskaïa Volia ” [La Volonté russe], quotidien bourgeois, fondé par le ministre tsariste de l'Intérieur, Protopopov, et existant grâce aux subsides des grandes banques ; parut à Pétrograd à partir de décembre 1916. Après la révolution de février 1917, mena une campagne de calomnies contre les bolchéviks. Lénine l’appelait une des journaux bourgeois les plus infâmes. Interdit par le Comité militaire révolutionnaire le 25 ocotobre (7 novembre) 1917.


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