1979 |
« En fait, les idées de base du marxisme sont extrêmement simples. Elles permettent de comprendre, comme aucune autre théorie, la société dans laquelle nous vivons. Elles expliquent les crises économiques, pourquoi il y a tant de pauvreté au milieu de l’abondance, les coups d’États et les dictatures militaires, pourquoi les merveilleuses innovations technologiques envoient des millions de personnes au chômage, pourquoi les « démocraties » soutiennent les tortionnaires. » |
En Grande-Bretagne, durant ce siècle, la plupart des travailleurs se sont tournés vers le Parti Travailliste et le parlement pour changer la société. Une large minorité a soutenu les idées réactionnaires de la droite. Les révolutionnaires n’ont été en général qu’un petit nombre. Cette indifférence ou même opposition des travailleurs au socialisme révolutionnaire n'est pas vraiment surprenante. Nous avons tous grandi dans une société capitaliste où il est considéré comme acquis que tout le monde est égoïste, où on nous répète sans arrêt dans les journaux ou à la télévision que seule une minorité privilégiée a les capacités pour prendre en main les postes clés de l’économie et de l’État, où la masse des travailleurs apprend dès le premier jour d’école à obéir aux ordres donnés par « ceux qui savent », les « autorités ».
Comme Marx le signalait, les idées dominantes sont celles de la classe dominante, et un grand nombre de travailleurs les accepte.
Pourtant, malgré cela, continuellement dans l’histoire du capitalisme, des mouvements révolutionnaires ont secoué les pays les uns après les autres : en France en 1871, en Russie en 1917, en Allemagne et en Hongrie en 1919, en Italie en 1920, en Espagne et en France en 1936, en Hongrie en 1956, en France en 1968, au Chili en 1972-73, au Portugal en 1975, en Iran en 1979, en Pologne en 1980.
L’explication de ses mouvements réside dans la nature même du capitalisme. Le capitalisme est un système qui entre constamment en crise. À partir d’un moment, il ne peut plus assurer le plein emploi, il ne peut promettre la prospérité pour tous, ni même nous assurer un niveau de vie convenable. Mais durant les phases d'expansion les travailleurs attendent toutes ces choses. Donc, par exemple, dans les années 1950 début 1960, les travailleurs espéraient un plein emploi permanent, une « couverture sociale » et un graduel mais réel rehaussement du niveau de vie. Par contraste, sur les 25 dernières années, les gouvernements successifs laissé le chômage toucher jusqu’à 4 millions de personnes, réduit la sécurité sociale en lambeaux, et ont essayé de diminuer le niveau de vie.
Parce que nous sommes habitués à accepter beaucoup d’idées capitalistes, nous acceptons certaines de ces attaques. Mais inévitablement, le point où les travailleurs n’en peuvent plus est atteint. Soudainement, souvent quand personne ne s’y attend, leur colère explose et ils agissent contre leur patron ou le gouvernement. Peut-être se mettent-ils en grève ou alors organisent une manifestation.
Quand cela arrive, qu’ils le veuillent ou non, les travailleurs commencent à faire des choses qui contredisent toutes les idées capitalistes qu’ils avaient acceptées jusqu’à présent. Ils agissent en solidarité avec d’autres, en tant que classe par leur opposition aux représentants de la classe capitaliste.
Les idées du socialisme révolutionnaire qu’ils avaient l’habitude de rejeter commencent alors à correspondre à ce qu’ils sont en train de faire. Une partie au moins de ces travailleurs prennent ces idées au sérieux pourvu qu’elles soient accessibles. L’échelle que cela prend dépend de l’échelle du conflit, pas des idées qui sont dans la tête des travailleurs. Le capitalisme les pousse au conflit même s’ils ont des idées pro-capitalistes. La lutte leur fait remettre en question ces idées. Le pouvoir capitaliste réside sur deux bases - le contrôle des moyens de productions et le contrôle de l’État. Un authentique mouvement révolutionnaire commence au milieu de la masse des travailleurs lorsque les luttes pour leurs intérêts économiques immédiats les conduisent à l’affrontement avec les deux bases du règne capitaliste. Prenons par exemple un groupe de travailleurs qui ont été employés dans la même usine pendant des années. Le train-train quotidien de leur vie est réglé par leur travail. Un jour l’employeur annonce qu’il va fermer l’usine. Même ceux qui votaient à droite dans l’usine sont horrifiés et veulent faire quelque chose. En désespoir, ils décident que la seule façon de continuer à vivre la même vie que le capitalisme leur a appris à espérer est d’occuper l’usine - s’attaquer au contrôle qu’à l’employeur sur les moyens de productions. Ils peuvent même rapidement en arriver à combattre l’État lorsque le patron appellera la police pour récupérer « sa » propriété. S’ils veulent avoir la moindre de chance de garder leur emploi, les travailleurs devront se confronter à la police, à l’État, aussi bien qu’au patron.
Ainsi le capitalisme crée lui-même les conditions de conflits de classes qui ouvrent l’esprit des travailleurs à des idées à l’opposé de celles que le système leur a appris. Cela explique pourquoi l’histoire du capitalisme est marquée par de périodiques poussées de sentiments révolutionnaires parmi des millions de travailleurs, même si la plupart du temps, la majorité des travailleurs accepte les idées que le système développe.
Un dernier point. L’un des plus gros obstacles au développement des idées révolutionnaires parmi les travailleurs est le sentiment que ce n’est pas la peine de faire quoique ce soit parce que les autres travailleurs ne les soutiendront jamais. Quand ils découvrent que d’autres se mettent en lutte, ils sortent de leur propre apathie. Dans la même veine, les gens qui pensent qu’en tant que travailleurs ils sont incapables de gérer la société, soudainement apprennent qu’il en est autrement lorsqu’ils découvrent qu’au cours des luttes de masses contre le système, ils prennent part à la gestion de cette société. A cause de cela, une fois qu’un mouvement révolutionnaire démarre, il peut faire boule de neige à une vitesse surprenante.