1971

"L'histoire du K.P.D. (...) n'est pas l'épopée en noir et blanc du combat mené par les justes contre les méchants, opportunistes de droite ou sectaires de gauche. (...) Elle représente un moment dans la lutte du mouvement ouvrier allemand pour sa conscience et son existence et ne peut être comprise en dehors de la crise de la social-démocratie, longtemps larvée et sous-jacente, manifeste et publique à partir de 1914."


Révolution en Allemagne

Pierre Broué

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De la conquête des masses à la défaite sans combat


XXXVII: Une situation pré-révolutionnaire sans précédent

La crise ouverte en Allemagne par l'occupation de la Ruhr a bien été la plus profonde qu'ait jamais connu pays capitaliste avancé : misère généralisée dans le cadre d'un Etat fondé sur la production industrielle la plus moderne, paupérisation absolue de la presque totalité de la population laborieuse, ruine de la petite bourgeoisie, abolition de tous les privilèges, sauf ceux des détenteurs de capitaux et de moyens de production, triomphe de la spéculation, de la corruption, de la prostitution, dissolution de tous les garde-fous sociaux, de toutes les idéologies démocratiques, dérision de toutes les valeurs dites morales, effroyable bilan de faillite en un mot, revers d'un siècle de développement foudroyant et de brillantes conquêtes du capitalisme.

L'inflation galopante.

Le trait le plus spectaculaire de la crise de 1923 est l'inflation monétaire. Le phénomène n'est pas nouveau : elle remonte aux lendemains immédiats de la guerre, et a été une première fois jugulée en 1919. A partir de 1921, la chute du mark est apparemment au centre de la stratégie de la bourgeoisie allemande : renouvelant d'anciens calculs, persuadée que la crise monétaire est entièrement commandée par le déficit des exportations, elle pense qu'une nouvelle chute du mark réduirait ses charges, faciliterait l'exportation, encouragerait donc la production et permettrait les conditions d'une reprise économique. Les grands industriels proposent de rétablir une situation monétaire normale en substituant à celui de l'Etat leur propre crédit, mais demandent en même temps des gages. Or aucun gouvernement ne peut sans risques les leur accorder tant qu'il existe une classe ouvrière organisée, et chaque fois les ministres social-démocrates font obstacle aux velléités de leurs partenaires bourgeois d'accepter les propositions de Hugenberg et de Stinnes. II semble bien qu'à partir de novembre 1921, les magnats de l'industrie allemande se décident pour la politique du pire ; l'inflation galopante annulera la dette allemande, mettra l'Etat à genoux devant eux, épuisera les travailleurs et laissera les seuls grands capitalistes maîtres du jeu. La chute du mark, constante en 1922, devient foudroyante à partir de l'occupation de la Ruhr, encore qu'il soit difficile ici de faire la part de l'augmentation des charges du trésor, des effets de la panique et des conséquences d'une politique concertée.

Le dollar valait 1 000 marks en avril 1922, 2 000 en octobre, 6 000 en novembre de la même année. Le 4 janvier 1923, il est coté à 8 000, le 10 à 10 000, le 15 à 56 000 marks [1]. A partir de ce moment-là, la courbe s'accentue de façon vertigineuse, avec des paliers plus ou moins éphémères, des coups de frein, des reculs spasmodiques suivis de brutales accélérations. Le dollar est coté à 96 000 marks le 17 mai 1923, autour de 200 000 le 10 juillet [2], 400 000 le 23 juillet, 1 000 000 le 28 juillet [3]. Il dépasse 2 000 000 le 7 août, est à 6 500 000 le 9 août [4], un peu moins de 20 000 000 le 5 septembre, 46 000 000 le 6 et 60 000 000 le 7 septembre [5]. Le 20 septembre, il vaut 325 000 000 de marks [6]. En une année, le mark a vu sa valeur divisée par 162 500! A ce niveau, les chiffres perdent leur sens. Il y a au 1° janvier 1923, 1 654 000 000 de marks en circulation ; au 15 août, la seule Reichsbank a émis des billets pour 116 402 548 057 000 de marks [7]. La planche à billets fonctionne sans trêve : il faut faire appel à des imprimeries privées qui fabriquent des coupures de 1, 2, 5, 10 millions de marks d'abord [8], puis de 50 et 100 millions [9].

La hausse des prix suit la même courbe. Un œuf coûte 300 marks le 3 février 1923, 420 le 5 [10], 3 400 le 10 juillet, 4 400 le 11 juillet [11], 7 000 le 27 juillet, 12 000 le 5 août [12], 30 000 le 8 août [13]. Ensuite, les commerçants doivent, pour suivre l'effondrement de la monnaie, monter les prix de jour en jour puis d'heure en heure, et les grands magasins paient des employés qui ajoutent simplement des zéros aux prix marqués : ils sont rarement en avance, le plus souvent en retard sur l'évolution réelle. En fait, les seules véritables transactions se font sur la base de l'or et des devises, dollar de préférence. Le mark-papier ne sert plus pratiquement qu'à payer les salaires, pour lesquels il a cours forcé.

Conséquences économiques et sociales.

La machine se grippe peu à peu, irrésistiblement. La Reichsbank n'accorde plus de crédit que sur des valeurs stables, mais continue de se faire rembourser en papiers sans valeur, belle affaire pour les spéculateurs qui en ont les moyens. Le taux d'intérêt atteint des chiffres astronomiques, 100 % pour un prêt de vingt-quatre heures, 400 % pour un mois, 5 000 % pour un an, et l'on peut d'ailleurs se demander si celui qui prête pour plus de vingt-quatre heures a toute sa raison. En fait, aucun détenteur de capitaux ne veut plus avoir en marks-papier que ses dettes. Le paysan refuse de vendre les produits de sa récolte. Les boutiques sont vides, les marchés déserts. La crise revêt la forme d'un véritable « blocus intérieur ». Les gens des villes organisent des razzias dans les campagnes, attaquent les fermes, pillent les granges.

Les valeurs réelles, immeubles, marchandises diverses, objets précieux, sont à la base de fortunes immenses et de réussites aussi insolentes que rapides. On les achète parfois pour des sommes fabuleuses en chiffres, dérisoires en réalité. Celui qui n'en détient pas n'a guère de chance d'en acquérir. Celui qui en a peu, ou d'indivisibles, risque fort de les perdre. Mais celui qui en possède suffisamment est sûr de les décupler, de les centupler. Commerçants grossistes, industriels, grands propriétaires, saisis d'une frénésie d'achat, acquièrent tout ce qu'ils peuvent. Stinnes s'empare, dit-on, de quelque 1 300 entreprises dans les secteurs d'activité les plus divers et s'avoue incapable de faire le point de ses propres affaires. Les industries exportatrices réalisent des bénéfices fabuleux : d'une part, la faiblesse des loyers et des salaires, la ruine des obligations, leur permettent de proposer des prix de revient défiant toute concurrence et, d'autre part, elles se font payer en devises. Les grosses affaires déposent des capitaux — en devises — à l'étranger, fondent des sociétés en Suisse, en Hollande ou en Amérique latine pour abriter leurs avoirs, créent avec des prête-noms des sociétés intermédiaires qui leur permettent de tourner la loi sur les exportations de capitaux. Bref, les grands capitalistes réalisent leurs bénéfices en dollars ou en or mais paient leurs dettes, leurs impôts, les salaires en papier et font des affaires colossales.

La petite bourgeoisie, en revanche, est complètement dépouillée. Rentiers, pensionnés, retraités, possesseurs de revenus fixes se trouvent du jour au lendemain dans la misère. Un retraité moyen touche à Berlin en juillet une pension de 10 800 marks, ce qui lui permet de s'offrir deux voyages en tramway s'il est prudent et les effectue le jour de sa paie [14], Les propriétaires d'immeubles voient le montant de leurs loyers réduit à presque rien. Quand ils n'ont plus d'autres ressources, ils vendent. Des bandes de trafiquants s'abattent ainsi sur les immeubles qu'elles achètent à vil prix pour quelques kilos de marks-papier. Les employés, qui sont payés au mois, connaissent un sort proche de celui des pensionnés ou titulaires de revenus fixes : même si leurs salaires suivent vaille que vaille la hausse des prix, c'est avec un retard minimal d'un mois dans le meilleur des cas, ce qui signifie une amputation de leur salaire réel pouvant aller de 50 à 90 %.

Les ouvriers, parce qu'ils sont payés à la semaine, sont relativement privilégiés : le décalage entre la hausse et l'« ajustement » est pour eux moins important. Il est pourtant considérable dans certaines périodes. Un ouvrier de la métallurgie qui gagnait 3 000 marks à la fin de 1922 en touche 500 000 en mars 1923, 4 000 000 en juillet [15]. Si l'on convertit ces marks en dollars, on constate que son salaire est tombé de 30 dollars à 25, puis à 14, en l'espace de six mois. Selon les indices officiels, les salaires à cette date sont 3 300 fois supérieurs à ceux de 1914, mais les prix le sont 12 000 fois : le pouvoir d'achat théorique — car les magasins sont le plus souvent vides — serait donc pour l'ouvrier le quart de ce qu'il était avant guerre [16]. Au début d'août, les salaires sont 87 000 fois et les prix 286 000 fois plus élevés que ceux de 1914 [17]. Pour la semaine du 27 juillet au 2 août, l'indice du coût de la vie est évalué, pour un ménage ouvrier avec deux enfants, à 5 158 912 marks par semaine, soit le salaire mensuel du père, à condition toutefois que cette semaine soit la dernière [18]… En octobre, un mineur doit travailler une heure pour acheter un œuf, quinze jours pour une paire de brodequins [19]. Or le chômage, insignifiant dans les premiers mois de 1923, s'étend : on compte dans les chômeurs totaux, en septembre, 7,06 % des métallos, 4,53 % des ouvriers du textile, 12,9 % du livre, 12,6 % de la confection, les taux de chômage partiel dans ces différentes professions étant respectivement de 16,58, 36,19, 32,09 et 57,98% [20]. Le nombre des sans-abri ne cesse d'augmenter et les asiles de nuit sont bondés [21]. Les « attentats à la propriété »  se multiplient. Les suicides atteignent des chiffres-records [22]. Dans la plupart des grandes villes, les transports urbains sont supprimés, faute de clients. Pour la même raison, au début de septembre, tous les bains-douches de Berlin sont fermés [23].

L'écrasante majorité de la population allemande est ainsi déclassée, non seulement prolétarisée, mais sous-prolétarisée.

Les conséquences politiques.

L'inflation, qui nivelle par le bas les conditions de vie des travailleurs, anéantit l'aristocratie ouvrière, réduit les spécialistes les mieux payés au niveau des manœuvres. Il n'y a plus de différenciations de salaires entre professions ou à l'intérieur entre qualifications, mais seulement une masse uniformément misérable. Les syndicats sont en pleine décomposition : les millions de marks que paient encore des millions d'ouvriers syndiqués ne font qu'entasser dans leurs caisses des tonnes de papier sans valeur. Les permanents sont réduits à la condition de clochards, les caisses de solidarité vides de toutes « valeurs réelles ». Les journaux se vendent jusqu'à plusieurs dizaines de millions de marks l'exemplaire, mais le papier qui sert à les imprimer s'achète en or. On doit, faute de ressources, renoncer à tenir les congrès. Bulletins, journaux, revues, disparaissent : ainsi Die Neue Zeit, en qui s'incarnait toute une période de l'histoire du socialisme [24]. La pratique syndicale traditionnelle de la social-démocratie est vidée de tout contenu. Le syndicalisme est impuissant, les conventions collectives dérisoires. Les travailleurs quittent les syndicats et tournent souvent leur colère contre eux, leur reprochent leur passivité, parfois leur complicité. L'effondrement de l'appareil des syndicats et de la social-démocratie est parallèle à celui de l'Etat : que deviennent les notions de propriété, d'ordre et de légalité? Comment, dans un tel abîme, justifier un attachement aux institutions parlementaires, au droit de vote, au suffrage universel ? Ni la police, ni l'armée ne sont exemptes de ce mal. Un monde meurt. Tous les éléments qui, une année auparavant encore, servaient de base à une analyse de la société allemande sont aujourd'hui anéantis.

Malgré les coups portés à la base matérielle de son appareil, le parti social-démocrate n'est pas encore frappé à mort. Mais ses jours sont comptés. Déjà, contre la droite pour qui, de toute façon, la « révolution bolcheviste » serait pire que la misère qui étreint les travailleurs allemands, et qui s'apprête à offrir une fois de plus ses services contre elle, des résistances s'organisent, et une gauche se dresse, encore confuse. A sa tête, des hommes de plusieurs générations, les « socialistes de 1918 », comme Erich Zeigner, rejoignant des anciens comme Dissmann et Paul Levi lui-même. La minorité tient des réunions fractionnelles, se manifeste publiquement, et Paul Levi déclare, par exemple :

« La question est posée à la social-démocratie allemande : dictature du prolétariat ou dictature des autres. (...) La dictature du prolétariat est nécessaire. Il faut marcher avec les communistes ! » [25].

C'est précisément autour du problème du front unique que les divergences se manifestent au sein de la social-démocratie : le mouvement est plus vigoureux en Saxe et en Thuringe, où il est animé notamment par quelques cadres syndicaux solidement implantés, mais il se manifeste partout. Les communistes voient là le début de la rupture des masses ouvrières avec la socialdémocratie qu'ils attendent depuis des années. Dès le mois de juin, Zinoviev souligne :

« La nouveauté de ce phénomène consiste en ce que la majorité des ouvriers organisés d'Europe occidentale ne sont plus au fond de l'âme avec la social-démocratie, quoiqu'ils lui soient encore officiellement attachés. L'âme des ouvriers social-démocrates est maintenant davantage avec nous ; elle échappe aux social-démocrates et se rapproche de nous » [26].

Même pour qui ne croit pas, avec Zinoviev, que « la liaison des grandes masses ouvrières avec la social-démocratie ne tient plus qu'à un fil » [27], les progrès des communistes ne sont pas niables. Arthur Rosenberg, pourtant peu enclin à partager a posteriori les illusions lyriques de ses anciens camarades, écrira :

« A aucun moment les aspirations révolutionnaires n'ont été aussi profondes qu'en Allemagne pendant l'été 1923 » [28].

Fait significatif : ni les partis bourgeois, ni les social-démocrates qui font du bulletin de vote la base du système politique, ne songent, devant l'ampleur de la catastrophe économique et sociale, à revenir devant les électeurs. Une seule élection, tenue pendant la période de la crise, permet de mesurer les progrès de l'influence communiste : celle du Landtag de la région rurale du Mecklembourg-Strelitz, en juillet 1923. En 1920, les partis bourgeois avaient obtenu 18 000 voix : ils n'en rassemblent que 11 000. Les social-démocrates, malgré la réunification intervenue entre-temps avec les indépendants, tombent de 23 000 à 12 800. Enfin, alors que les indépendants avaient recueilli en 1920 2 257 voix — qu'on peut considérer comme celles de l'« extrême-gauche », à cette date —, les communistes qui se présentent pour la première fois dans une région, où ils ne sont pas implantés, en obtiennent 10 853, soit un cinquième des votants [29].

Les chiffres des effectifs du parti et des organisations qu'il contrôle que nous possédons sont significatifs. Les Jeunesses communistes, qui étaient 30 000 à l'automne précédent, dépassent les 70 000 membres répartis dans cinq cents organisations [30] et réunissent dans leurs « rassemblements » et leurs « marches » plusieurs centaines de milliers de jeunes [31]. Le district de l'Erzgebirge-Vogtland, autour de Chemnitz, qui comptait en septembre 1922, selon R. Wagner, 15 394 militants, en compte 25 117 en septembre 1923, gain qui s'est accompagné de la création de 92 nouveaux groupes locaux [32]. Le district de Berlin a recruté 8 000 militants, celui de Halle 5 000, celui de la Ruhr 3 000, celui de Thuringe 2 000 [33]. Les effectifs du parti à Brême ont doublé [34] et le district de Rhénanie moyenne a gagné en neuf mois 1 200 militants [35].

Ces progrès numériques se sont accompagnés de nouveaux efforts d'organisation. Au printemps, le parti s'est résolument orienté vers les usines, et a adopté des formes nouvelles susceptibles d'y favoriser sa pénétration et son implantation. Un nouveau département a été créé auprès de la centrale, celui des « cellules d'usine» (Betriebszellen), qui doit en systématiser la création et les substituer partout aux « fractions communistes d'entreprise ». Le bulletin Der Parteiarbeiter donne sur ce plan informations et directives. Dans le district de Chemnitz, la réorganisation du parti sur cette nouvelle base est décidée par le congrès des 8 et 9 septembre [36].

Compte tenu de la situation économique, les progrès de la presse communiste sont considérables. Au mois de juillet, Die Rote Fahne tire à 60 000 exemplaires, surclassant de beaucoup le Vorwärts [37]. Le Hamburger Volkszeitung dépasse les 35 000 exemplaires dès juin [38].

Mais la progression des communistes se mesure mieux dans les liens entretenus par l'appareil du parti avec les organisations de masse. Entre juillet et octobre, le nombre des « fractions communistes », à l'intérieur des syndicats réformistes, passe de 4 000 à 6 000 [39]. Il faut changer de méthodes d'organisation, car le département syndical qu'anime Fritz Heckert ne peut plus à lui seul assurer une coordination convenable : à partir de juillet, le parti crée les « cartels rouges », qui regroupent sur le plan local les dirigeants des fractions communistes dans les syndicats réformistes et les militants communistes responsables dans tous les syndicats. Il existe 1 100 de ces cartels en juillet et 2 100 en octobre, date à laquelle le département syndical entretient des rapports avec des fractions dans 3 460 localités [40]. A l'exécutif élargi de juin, Jacob Walcher estime à 2 433 000 le nombre d'ouvriers influencés et directement placés sous l'autorité de militants communistes dans les syndicats [41]. Fritz Heckert évaluera de son côté à 30 ou 35 % la proportion des travailleurs organisés influencés à cette date par le parti, ce qui correspond au chiffre de 2 500 000 [42]. Le syndicat du bâtiment compte 551 000 membres pour 749 centres de paiement des cotisations : les communistes y ont 525 fractions, et la majorité dans 65 groupes locaux organisant 67 200 travailleurs. Ils sont à peu près à égalité avec les réformistes dans 230 groupes locaux groupant 331 000 travailleurs. Au total, dans le bâtiment, Walcher estime à 260 000 le nombre de travailleurs qui suivent les communistes. Le syndicat des métallos (D.M.V.) est un véritable bastion de l'opposition communiste dans les syndicats. En juin, Walcher signale que, dans ce syndicat de 1 600 000 membres, avec 750 centres de paiement de cotisation, il y a 500 fractions communistes [43]. Le K.P.D. a conquis la majorité dans un certain nombre de localités aussi importantes que Stuttgart, Halle, Merseburg, Iéna, Suhl, Solingen, Remscheid, etc., groupant 260 000 syndiqués. Dans 26 centres rassemblant 500 000 travailleurs, ils s'estiment à égalité d'influence avec les réformistes et, dans l'ensemble, évaluent à 720 000 le nombre de métallos qui les suivent dans les syndicats. La progression communiste apparaîtra avec éclat lors des élections pour le congrès national du D.M.V. prévu pour juillet, où les listes soutenues par le K.P.D. l'emportent aux élections par tendances dans les principaux centres industriels, obtenant le tiers des mandats et la majorité absolue des voix. A Berlin, ils recueillent 54 000 voix contre 22 000 aux listes des candidats social-démocrates [44], à Halle, 2 000 contre 500 [45]. En juin, Jakob Walcher, qui ne sous-estime pas la puissance de l'emprise réformiste dans les syndicats, affirme cependant :

« Nous sommes en bonne voie pour nous emparer des syndicats sur le terrain de l'organisation » [46].

Le mouvement des conseils d'usine (Betriebsräte) se développe à un rythme extrêmement rapide pendant l'année 1923, favorisé tant par l'action militante des communistes que par la décomposition et l'attentisme des syndicats réformistes. Organismes très souples, dirigés par des ouvriers du rang, sans « permanents », plus proches de la vieille tradition social-démocrate des « hommes de confiance dans les entreprises » que des fonctionnaires de l'appareil syndical, ils attirent sur eux l'attention d'une importante fraction de la classe ouvrière et cumulent finalement des fonctions traditionnellement dévolues aux syndicats avec d'autres, plus proprement politiques : à partir de novembre 1922, c'est en partie à travers les conseils d'usine et à leurs congrès aux divers échelons que se développent les campagnes du parti communiste. Ce dernier se targue de détenir la majorité dans 2 000 conseils d'usine, certains fort importants comme celui des Leuna-Werke, où le communiste Bernhard Koenen obtient 60 % des voix des 12 000 travailleurs [47]. Le congrès des conseils d'usine qui déclenche en août la grève contre Cuno se dit représentatif, directement ou non, de quelque 20 000 conseils [48]. Le président du comité des quinze, le comité d'action des conseils d'usine du Reich, est un serrurier de trente-cinq ans, Hermann Grothe, ancien membre du cercle des délégués révolutionnaires, spartakiste en 1917, pendant plusieurs années animateur des comités de chômeurs. Il est membre du K.P.D. et de la gauche berlinoise. Le mouvement des conseils d'usine « révolutionnaires » — c'est-à-dire dirigés par les militants communistes — tend à adopter le même modèle d'organisation : à la base, dans chaque entreprise, il est formé de deux conseils, celui des ouvriers (Arbeiterrat) et celui des employés (Angestelltenrat), le premier ayant voix prépondérante. Ils s'organisent par industrie et par ville, mais, au cours de l'année, créent leur organisation par districts et par régions. Zinoviev écrira en octobre, sur la base des renseignements qui lui viennent d'Allemagne :

« Les comités d'usine participent déjà en Allemagne au règlement de questions aussi capitales que celles du ravitaillement, des salaires, des combustibles, de l'armement des travailleurs. Ils deviennent le levier principal de la révolution qui mûrit sous nos yeux » [49].

 C'est également sous l'égide et à l'initiative des conseils d'usine animés par les communistes que se multiplient les comités de contrôle (Kontrolausschüsse), qui s'assignent comme tâche de contrôler les prix des vivres, les loyers, de combattre la spéculation, le trafic et la disette. Formés d'ouvriers, comprenant des ouvrières et des ménagères [50], ils associent parfois à leur activité des petits commerçants ou artisans [51]. Leur réseau s'efforce de mobiliser dans une action permanente, par une propagande et une agitation incessantes, les couches laborieuses et en particulier les femmes.

La plus remarquable des créations des communistes de l'époque est cependant l'organisation des « centuries prolétariennes » (Proletarische Hundertschaften). Depuis 1918, la nécessité de « l'armement du prolétariat » a toujours été présente à l'esprit des dirigeants du parti. Relancé au cours de la campagne qui suit l'assassinat de Rathenau, le mot d'ordre de l'organisation de l'autodéfense ouvrière commence à se concrétiser à partir de l'occupation de la Ruhr : dans la Ruhr même, où l'expulsion des forces de police allemandes et l'infiltration continue des hommes des corps francs en font pour tous les travailleurs une nécessité aveuglante, puis dans le reste du pays. En Allemagne centrale, Klassenkampf, de Halle, lance le premier appel à la formation de groupes ouvriers d'auto-défense [52] ; ils entreront dans la réalité avec l'appel du congrès régional des conseils d'usine, le 11 mars. Mais il existe déjà à cette date des centuries prolétariennes dans d'autres localités : à Chemnitz, où dix d'entre elles sont entrées en action, le 9 mars, pour interdire une réunion nationaliste [53], à Gera où quatre de ces unités défilent le 4 mars, imitées, à Zella-Mehlis, le 11 mars, par 4 000 hommes des centuries prolétariennes de Thuringe méridionale [54]. En quelques semaines, le mouvement s'étend à toute l'Allemagne, et, le 1° mai, à Berlin, le traditionnel défilé est ouvert par les centuries prolétariennes, 25 000 hommes au brassard rouge, véritables milices ouvrières [55].

Le K.P.D. accorde une attention extrême aux centuries prolétariennes, dont la création et l'organisation pratique sont contrôlées par une commission spéciale de trois membres qui deviendra bientôt le conseil militaire du parti, sous la direction d'Ernst Schneller [56]. Celui-ci est tenu à prendre certaines précautions : les ministres de l'intérieur de différents Etats ont en effet imité leur collègue prussien Severing, qui a interdit les centuries dès le 13 mai [57] — en même temps qu'une organisation paramilitaire d'extrême-droite [58]. Elles ne se développeront finalement sur une large échelle qu'en Thuringe et en Saxe, où elles bénéficient de la protection officielle et même de crédits alloués par les gouvernements social-démocrates de gauche. Paul Böttcher, au mois de juin, les présente en ces termes :

« Il ne s'agit pas d'un jeu militaire. Nos centuries n'ont pas d'objectif militaire. (...) En cas de provocation ou d'attentat terroriste réactionnaire, elles doivent être prêtes à réagir sur-le-champ. (...) La question de leur armement ne se pose pas encore : sa solution dépend de la résolution et de la force que manifestera le mouvement. (...) Agir autrement serait vouloir armer le prolétariat avant qu'il soit effectivement entré dans la lutte pour le pouvoir. Les centuries ne peuvent avoir aucune tâche militaire avant que les conditions élémentaires soient réalisées dans les usines » [59].

Désireux de faire des centuries prolétariennes des « organes du front unique », les communistes s'efforcent d'y entraîner avec eux des militants social-démocrates ou syndicalistes sans parti. Ils se heurtent naturellement dans cette voie aux dirigeants social-démocrates, et même à l'opposition de certains des leurs, qui veulent voir en elles, selon l'expression de Böttcher, « des troupes armées pour la conquête du pouvoir ». Aussi presse et congrès répètent-ils à l'envi l'opposition du K.P.D. à la création de « centuries de parti » [60].

Nouvelle explosion nationaliste.

Les progrès des communistes sont évidents, mais difficilement mesurables. La progression des nationalistes d'extrême-droite est beaucoup plus spectaculaire. Son caractère original est une coloration nouvelle, populaire, ou, pour mieux dire, plébéienne. Le noyau de leurs organisations reste le même qu'au lendemain de la guerre : ce sont les bagarreurs des corps francs, aventuriers exaltés, xénophobes, antisémites, bêtes de proie incapables de vivre sans uniforme, sans armes, sans violence, les têtes brûlées et les désespérés, tristes produits de quatre années de guerre et d'un long dressage. Mais, à partir de 1923, le mouvement nationaliste change de visage : avec Adolf Hitler et les nationaux-socialistes commence l'ère des démagogues et de l'action de masse substituée à celle des commandos.

L'Allemagne de 1923 est pour eux le terrain idéal. Aux millions de petits bourgeois déclassés, aux prolétaires souffrants, ils désignent les responsables : les capitalistes de l'Entente, les étrangers, les juifs, les marxistes, les « criminels de novembre » qui ont « poignardé dans le dos la glorieuse armée invaincue », les « politiciens », les « bonzes » des syndicats et partis ouvriers qui abusent les travailleurs et se servent de leur formidable organisation pour les paralyser et les livrer pieds et poings liés à leurs ennemis. Depuis le début de la crise, la passivité du gouvernement Cuno offre une cible commode : c'est là le gouvernement parlementaire, la démocratie, la République, l'impuissance et les divisions, en définitive la trahison. L'Allemagne trahie est devenue la « nation-prolétaire », humiliée, bafouée, piétinée par la faute de ceux qui l'ont dirigée, depuis la défaite qu'ils ont désirée et provoquée par soif du pouvoir. Il lui faut, pour sortir de l'abîme, un gouvernement fort et une volonté unique, la « dictature » d'un « Chef » (Führer), une volonté allemande, une idéologie allemande, une discipline militaire, la force, la violence salvatrice et purificatrice.

Hitler fait ajouter au titre de la minuscule organisation à laquelle il adhère en 1920 l'étiquette « national-socialiste », qui va donner au nationalisme allemand le caractère proprement fasciste de mouvement de masses. La crise de 1923 lui offre un terrain idéal. Personne ne peut plus, ouvertement du moins, se proclamer partisan ou défenseur du régime parlementaire ou républicain, ou du système capitaliste : il a donc l'occasion de concrétiser sa tactique en mots d'ordre, de fourbir la technique de sa propagande et de son action. Il recrute dans les générations d'après guerre étudiants, chômeurs, petits bourgeois qui arrivent à la vie d'adulte dans un monde sans espoir. Les reîtres qui, deux ans auparavant, après avoir été les « sauveurs », inquiétaient les bourgeois qui espéraient une reprise des affaires, redeviennent l'ultime réserve des possédants, la seule force susceptible de s'opposer aux communistes dans la rue, les écoles, les usines même. Le « national-socialisme » opposé au « bolchevisme », au « communisme international », dans une Allemagne prolétarisée à l'extrême : c'est là la défense des classes dirigeantes depuis le début du siècle. Elle leur pose un dilemme dont elles s'évaderont à la fin de 1923, pour le retrouver, sous forme impérative, entre 1930 et 1933.

A la fin de 1922, le parti national-socialiste compte 15 000 membres, et ses troupes de choc, les S.A., 6 000. Au début de 1923, grâce aux efforts d'un ancien des corps francs, officier de la Reichswehr, le capitaine Roehm, qui lui apporte le soutien de la Reichswehr en Bavière, il est en mesure de conclure un pacte avec les autres organisations nationalistes bavaroises. Le commandement des S.A. est confié à un héros de l'aviation allemande pendant la guerre, le capitaine Hermann Gœring. Les progrès de l'organisation sont foudroyants dans le sud, où elle bénéficie de l'appui des autorités et d'abondants subsides. Le 1° mai, 10 000 hommes en armes défilent près de Munich. Le 1° septembre, ils sont 70 000 à Nuremberg, passés en revue par Hitler et Ludendorff. L'exemple fasciste les inspire : on parle de « marche sur Berlin », et Hitler proclame, le 12 septembre : « Le Parlement de novembre touche à sa fin ! L'édifice chancelle ! La charpente craque ! Il n'y a plus qu'une alternative : la croix gammée ou l'étoile soviétique, le despotisme universel de l'Internationale ou le Saint-Empire de la nation germanique. » Réunions, meetings, défilés se succèdent. Le 25 septembre, Adolf Hitler devient le chef de la « Ligue de combat » : son parti, membre de cette coalition des groupes d'extrême-droite, compte 50 000 membres et des S.A. armées jusqu'aux dents.

Ce ne sont pas les seules formations paramilitaires. Avec la caution de la Reichswehr et les subsides des magnats de l'industrie lourde, un officier, le commandant Buchrucker, ancien membre de l'organisation terroriste Orgesch, a constitué, à partir de 1921, dans les principales garnisons de Brandebourg, des unités de cadres dotées d'un armement considérable, mais dont les troupes sont formées par des volontaires accomplissant de brèves périodes d'entraînement. Cette « Reichswehr noire » est, en principe, illégale. C'est, en réalité, une formation semi-officielle, comptant une vingtaine de milliers d'hommes bien armés, des unités spécialisées, un matériel moderne. Leur état d'esprit est le même que celui des corps francs dont ils sont les héritiers directs : ils brûlent d'impatience en attendant le signal de l'attaque pour la « dictature militaire » qui doit libérer l'Allemagne du joug de « l'étranger ».

Les communistes face aux nationalistes.

Depuis la fin de 1922, les communistes ont commence a s'inquiéter du développement du mouvement nationaliste en général et des progrès du parti nazi en particulier. Début décembre, Karl Becker a lancé de Moscou un premier cri d'alarme : le fascisme, qui vient de l'emporter en Italie, est également possible en Allemagne. Dans ce pays hautement industrialisé, il ne dispose encore que d'une base sociale trop étroite, et le grand capital va s'efforcer d'obtenir en outre « la neutralisation d'une grande partie du prolétariat ». Mais le fascisme constituera un danger d'autant plus réel que les déceptions provoquées par la social-démocratie plongeront des couches ouvrières dans la passivité : seul le succès d'une politique de front unique peut le tuer dans l'œuf [61]. Quelques semaines plus tard, Hans Tittel consacre un article au parti ouvrier national-socialiste, dont il constate les progrès dans le sud : financé par d'importants groupes capitalistes, ce parti cherche à se concilier les sympathies des masses populaires apolitiques. Il est pangermaniste et antisémite, utilise la démagogie contre le système parlementaire et les « bonzes » des partis et syndicats. Il recrute abondamment dans la classe moyenne et dispose d'une organisation paramilitaire solide. Tittel souligne la nécessité d'organiser la résistance prolétarienne armée à ce « parti déterminé, pourvu d'argent, militarisé, assuré de la sympathie des classes dirigeantes » [62].

La crise accentue ces progrès de façon spectaculaire. Des nazis, connus pour tels, viennent d'être élus membres de conseils d'usine, à Berlin et en Haute-Silésie. Böttcher affirme : « Le fascisme pousse ses racines dans la classe ouvrière. » Les communistes doivent comprendre que la force armée ne suffit plus pour combattre le nationalisme sous sa forme nouvelle [63].

Le fait est que les formes aiguës de la crise économique et sociale sont en train de créer une situation nouvelle. Le fascisme en Allemagne se recrute une base dans la petite bourgeoisie qui se débat contre la menace de prolétarisation. Les communistes en prennent vite conscience. Dès le 25 mars, dans un article intitulé « Allemagne impuissante », Radek note que les communistes ont jusque-là par trop négligé de « combattre au nom de tout le peuple », et en particulier au nom des couches sociales non prolétariennes que la crise du capitalisme est en train de broyer. Cette négligence explique selon lui le passage dans le camp de l'extrême-droite de couches qui n'auraient pourtant désormais rien à perdre à une révolution prolétarienne [64]. Au lendemain du compromis de Moscou, l'exécutif souligne l'importance de cette question en écrivant :

« Le parti communiste allemand doit faire comprendre clairement aux masses nationalistes de la petite bourgeoisie et des intellectuels que seule la classe ouvrière, une fois sa victoire acquise, sera capable de défendre le territoire allemand, les trésors de la culture allemande, l'avenir de la nation » [65].

Le 17 mai, une résolution du comité central [66] invite les communistes à se préoccuper d'arracher au fascisme les masses petites bourgeoises exaltées par le nationalisme :

« Nous devons aller vers les masses souffrantes, égarées, enragées de la petite bourgeoisie prolétarisée, et leur dire toute la vérité ; leur dire qu'elles ne peuvent se défendre, elle et l'avenir de l'Allemagne, que si elles s'allient avec le prolétariat pour la victoire sur la bourgeoisie. Le chemin de la victoire sur Poincaré et sur Loucheur passe d'abord par la victoire sur Stinnes et sur Krupp » [67].

A la fin de mai, commentant l'appel lancé par Lütterbeck aux autorités françaises d'occupation, le K.P.D. s'adresse aux « masses petites-bourgeoises inspirées par le nationalisme », aux fonctionnaires et intellectuels [68] :

« Qu'avez-vous l'intention de faire contre un gouvernement qui ose, avec le cynisme d'un courtisan, réclamer ouvertement aux généraux français la permission de massacrer ses frères allemands ? Nous sommes convaincus que les masses nationalistes du peuple sont en grande majorité composées de personnes aux convictions honnêtes et sincères, mais égarées et qui ne savent pas que l'Entente n'est pas leur unique ennemi » [69].

Ces appels ne rencontrent aucun écho à droite, à l'exception de commentaires favorables au « sens national » des communiste, dans la revue d'intellectuels nationalistes Gewissen. Ils annoncent pourtant une politique appelée à faire sensation.

C'est en effet le danger fasciste qui est au centre des discussions de juin à l'exécutif élargi de l'Internationale, et non pas le problème de la lutte pour le pouvoir en Allemagne. Au cours de son rapport introductif, le 12, Zinoviev se contente de noter le, progrès du fascisme, de se féliciter de l'action commune entreprise par les P.C. de France et d'Allemagne, et ne consacre qu'une ou deux minutes à la situation allemande, se contentant d'insister sur la nécessité d'élargir le mot d'ordre de « gouvernement ouvrier » en « gouvernement ouvrier et paysan » [70]. Böttcher intervient seulement pour souligner les succès remportés en Allemagne grâce à la tactique du front unique, et notamment ce qu'il considère comme « la scission idéologique de la social-démocratie ». Il insiste sur le fait que « le gouvernement ouvrier peut naître des institutions démocratiques existantes », affirmant que les communistes doivent « envisager la possibilité d'un gouvernement ouvrier, coalition révolutionnaire avec la social-démocratie et les syndicats (...) soutenue principalement par des organismes de classes extraparlementaires » [71].

Radek laisse de côté ces questions rebattues pour s'attacher à souligner l'importance de la « question nationale » en Allemagne :

 « II est significatif qu'un journal national-socialiste s'élève violemment contre les soupçons dont les communistes sont l'objet : il le, signale comme un parti combatif qui devient de plus en plus national-bolcheviste. Le national-bolchevisme signifiait en 1920 une tentation faite en faveur de certains généraux ; aujourd'hui, il traduit le sentiment unanime que le salut est entre les mains du parti communiste. Nous sommes seuls capables de trouver une issue à la situation actuelle de l'Allemagne. Mettre la nation au premier plan, c'est en Allemagne comme dans les colonies, faire acte révolutionnaire » [72].

Dans sa réponse, Zinoviev lui fait écho, assurant que l'article de Gewissen constitue « le plus grand des compliments » et qu'il « prouve que le parti ne comprend pas son caractère de classe dans un sens corporatif » [73].

Le 15 juin, Radek présente un rapport sur la situation internationale au cours des six mois écoulés.

« La classe ouvrière allemande et avec elle la révolution allemande sont menacées. (...) La misère des ouvriers allemands est si profonde que la consigne : « Ne vous laissez pas provoquer », n'a plus d'effet, et que la classe ouvrière allemande va devoir combattre » [74].

C'est « une passe difficile », car « le prolétariat allemand devra faire face à la fois au fascisme allemand et à l'impérialisme français ». La discussion, cette fois, s'engage franchement. Neurath s'en prend au fameux article de Thalheimer selon lequel la bourgeoisie allemande serait révolutionnaire à l'extérieur, au moins momentanément, malgré elle [75]. Pour lui,

« il faut renverser la bourgeoisie allemande, établir un gouvernement ouvrier et paysan. (...) C'est de cette manière qu'il est possible d'amener au communisme les éléments petits-bourgeois, (qui) ne trouveront pas cette voie si nous faisons concurrence aux nationalistes » [76].

Böttcher répond que le K.P.D. s'est montré « le chef révolutionnaire de cette classe qui est seule capable de réaliser l'indépendance nationale ». Suivre la politique préconisée par Neurath aboutirait à « donner un immense essor au fascisme » [77] Hoernle prend la défense de Radek :

« Pour renverser le gouvernement de Cuno, le parti a besoin des masses et doit tenir compte de leur idéologie »,

et il prône un « internationalisme vivant » au lieu d'un « internationalisme intransigeant » [78].

Radek, dans sa réponse, souligne le caractère original de la situation allemande : « la défaite d'une grande nation industrielle rejetée au rang d'une colonie ».

« Les masses petites-bourgeoises et les intellectuels et techniciens qui joueront un grand rôle dans la révolution, sont à l'égard du capitalisme qui les déclasse dans une position d'antagonisme national. (...) Si nous voulons être un parti ouvrier capable d'entreprendre la lutte pour le pouvoir, nous devons trouver la voie qui nous rapprochera de ces masses, et nous la trouverons, non pas en redoutant nos responsabilités, mais en affirmant que seule la classe ouvrière peut sauver la nation » [79].

Après ces escarmouches, c'est seulement le 20 juin, au travers du débat sur le fascisme, que la nouvelle ligne apparaît en pleine clarté. Clara Zetkin, malade, portée à bras d'hommes à la tribune, présente le rapport. Elle souligne que les communistes n'ont pas su jusqu'à présent analyser le fascisme, qu'ils ont tenu plus ou moins pour une des variantes de la terreur blanche :

« Le fascisme n'est pas la réponse de la bourgeoisie à une attaque du prolétariat, c'est le châtiment qui s'abat sur le prolétariat pour n'avoir pas continué la révolution commencée en Russie » [80].

Elle voit dans le fascisme l'expression de la décadence de l'économie capitaliste et le symptôme de la décomposition de l'Etat bourgeois. Il a recruté d'abord parmi les anciens militaires et les classes moyennes prolétarisées. Ses bases reposent dans la déception provoquée par l'échec du socialisme, y compris chez des ouvriers qui désespèrent de l'avenir de leur propre classe. Tel quel, il est un instrument de la bourgeoisie, caractérisé par un programme d'apparence révolutionnaire, adapté au sentiment brut des masses, et par l'emploi systématique de la force. L'erreur des communistes italiens a été de n'y voir qu'un mouvement terroriste d'inspiration militaire sans comprendre sa signification sociale. La lutte contre le fascisme doit, bien sûr, être menée sur le plan militaire, mais il ne suffit pas d'opposer les centuries prolétariennes aux sections d'assaut. Pour vaincre définitivement le fascisme, il faudra gagner ou neutraliser une partie de ses troupes, les éléments déçus par les socialistes, et comprendre qu'elles veulent et sortir de la misère et s'ouvrir des perspectives nouvelles et exaltantes.

C'est au cours de la discussion du rapport de Clara Zetkin que Radek prononce son célèbre discours sur Schlageter :

« Durant tout le discours de notre camarade Zetkin, (...) j'étais obsédé par le nom de Schlageter et son sort tragique. Nous devons nous souvenir de lui, ici, où nous prenons position politiquement contre le fascisme. Le destin de ce martyr du nationalisme allemand ne doit pas être passé sous silence, ni honoré d'un mot en passant. Car il a beaucoup à nous apprendre, à nous et au peuple allemand. Nous ne sommes pas des romantiques sentimentaux qui oublient leur haine devant un cadavre, ni des diplomates qui disent que, devant une tombe, il faut se taire ou décerner des louanges. Schlageter, le vaillant soldat de la contre-révolution, mérite, de notre part à nous, soldats de la révolution, un hommage sincère. (...) Si ceux des fascistes allemands qui veulent loyalement servir leur peuple ne comprennent pas le sens de la destinée de Schlageter, alors celui-ci est bien mort en vain, et ils peuvent écrire sur sa tombe : Le pèlerin du néant ! » [81].

Rappelant la vie et la mort de Schlageter, Radek s'adresse aux fascistes :

« Quiconque tâchera, à la suite des spéculateurs, des rois du fer et du charbon, de réduire en esclavage le peuple allemand, de le précipiter dans des aventures, se heurtera à la résistance des ouvriers communistes. Ils répondront à la violence par la violence. Nous combattrons par tous les moyens ceux qui, par incompréhension, s'allieront aux mercenaires du capital. Cependant, nous croyons que la grande majorité des masses qui sont agitées de sentiments nationalistes appartient, non au camp du capital, mais au camp du travail. Nous voulons chercher et trouver la route pour atteindre ces masses, et nous y arriverons. Nous ferons tout pour que des hommes qui étaient prêts, comme Schlageter, à donner leur vie pour une cause commune, ne deviennent pas des pèlerins du néant, mais les pèlerins d'un avenir meilleur pour l'humanité tout entière, pour qu'ils ne répandent pas leur sang généreux pour le profit des barons du fer et du charbon, mais pour la cause du grand peuple travailleur allemand, qui est un membre de la famille des peuples luttant pour leur libération » [82].

La « ligne Schlageter ».

C'est à partir de ce discours que le parti communiste allemand adopte ce qu'il est convenu d'appeler la « ligne Schlageter ». Radek la développe à nouveau dans plusieurs articles, où il faut beaucoup de myopie — ou de mauvaise foi — pour découvrir une volonté de collusion avec le nazisme [83]. Le 7 juillet, par exemple, il écrit dans Die Rote Fahne :

« C'est le devoir des communistes allemands de lutter les armes à la main, si nécessaire, contre l'insurrection fasciste, qui serait une calamité pour la classe ouvrière et pour l'Allemagne. Mais, en même temps, c'est leur devoir de tout faire pour convaincre les éléments petits-bourgeois du fascisme qui luttent contre la paupérisation que le communisme n'est pas leur ennemi, mais l'étoile qui leur montre le chemin de la victoire. (...) Il est ridicule de croire que l'on pourra battre le fascisme seulement les armes à la main. (...) Le socialisme ne fut jamais uniquement la lutte pour le morceau de pain des ouvriers. Il a toujours voulu être un flambeau lumineux pour tous les misérables. (...) Un des plus grands crimes de la social·démocratie consiste en ce qu'elle a détruit toute foi dans le socialisme, toute confiance dans la force des masses populaires » [84].

Les communistes recherchent systématiquement la discussion et la confrontation publiques avec les nazis, particulièrement parmi les étudiants, qui constituent l'un des bastions du nazisme. La polémique — ou, si l'on préfère, le dialogue — se développe dans la presse. Le comte Reventlow réplique à Radek dans Reichswart et Paul Frölich lui répond ; Moller Van den Bruck s'adresse ensuite à Radek dans Das Gewissen, et Radek, à son tour, lui répond [85]. De cet échange, complété par des interventions ultérieures de Reventlow et de Radek, le parti communiste fait une brochure intitulée Schlageter : une discussion, qu'il s'efforce de diffuser systématiquement parmi les militants ou sympathisants nazis [86]. Sur le thème « Pour quoi Schlageter est-il mort? », des orateurs communistes s'adressent à des auditoires nationalistes, dans les universités, à Göttingen, Iéna, Berlin, où Ruth Fischer proclame :

 « Le géant qui libèrera l'Allemagne est là : c'est le prolétariat allemand, dont vous faites partie et sur lequel vous devez vous aligner » [87].

Le 2 août, Remmele s'adresse à Stuttgart à un meeting nazi. Le 10, toujours à Stuttgart, c'est un orateur nazi qui s'adresse à un auditoire communiste. Remmele apostrophe les nazis :

« On vous a dit autrefois que le communisme vous prendrait tout c'est le capitalisme qui vous a tout pris ! » [88].

Ces confrontations tournent souvent à l'avantage des communistes : le 14 août, les dirigeants nazis décident d'y mettre fin [89].

Parallèlement, les communistes multiplient les efforts de propagande en direction des couches sociales non prolétariennes atteintes par la crise, s'adressant notamment aux officiers et aux policiers. Pour toucher les intellectuels, ils ont fondé en mars la « Ligue des amis du secours ouvrier international », avec en tête d'affiche des personnalités du monde de la culture comme Maximilian Harden et Albert Einstein [90]. Die Rote Fahne consacre un éditorial à « La Paupérisation du prolétariat intellectuel » [91], un autre au « Destin de l'intelligentsia allemande », décrivant la misère des médecins, des avocats, des professeurs, des fonctionnaires :

« Sans la classe ouvrière allemande, l'intelligentsia allemande périra. Le destin de la classe ouvrière allemande est celui de l'intelligentsia allemande » [92].

Les résultats ne semblent pas avoir été très positifs et le parti communiste ne pénètre guère au-delà des limites de la classe ouvrière. En revanche, les risques que comporte la nouvelle tactique sont souvent exploités contre lui, notamment par ses adversaires social-démocrates. Les orateurs communistes se laissent parfois entraîner, par le désir de plaire à leurs auditoires, à leur faire, au moins dans le vocabulaire, de dangereuses concessions. Le parti social-démocrate essaie de retourner à son profit la ligne Schlageter en y dénonçant une collusion entre communistes en nazis. Vorwärts accuse Remmele d'avoir dit aux nazis, le 10 août, que les communistes préféraient s'allier avec eux qu'avec les social-démocrates, et qu'ils étaient prêts, si nécessaire, à s'allier aux assassins de Liebknecht et Rosa Luxemburg [93]. Le même journal accuse Ruth Fischer d'avoir tenu à Berlin des propos ouvertement antisémites [94]. Ainsi se dessine une légende encore vivace aujourd'hui. En France, Salomon Grumbach, connu pour ses positions « social-chauvines » en 1914-18, s'en fait le propagateur dans Le Populaire, jouant sur le nationalisme des ouvriers français pour les dresser contre les communistes allemands et français. Cette campagne porte ses fruits et explique au moins en partie l'isolement du parti communiste français au sein de la classe ouvrière dans sa campagne de solidarité avec les travailleurs allemands. Ainsi que l'attestent les documents de la correspondance Humbert-Droz [95], elle entraîne également beaucoup d'hésitations dans les rangs mêmes du parti communiste français [96].

En réalité pourtant, la « ligne Schlageter », acceptée sans résistance apparente par tous les communistes allemands — la gauche comme la droite —, répondait à des besoins révélés par une analyse dont l'histoire devait démontrer la justesse, même si son application a laissé à désirer. Aucun des dirigeants allemands de l'époque ne le dissimule et Paul Böttcher l'explique clairement :

« A mesure que le mouvement fasciste se développe en Allemagne, notre parti doit réviser sa position à son égard. Tant qu'il en était seulement à la phase des formations militaires, la défense de la classe ouvrière consistait à opposer la violence prolétarienne à la violence réactionnaire. La formation d'organismes de défense était à la base de la propagande communiste. Il est devenu clair qu'elle ne suffit plus à combattre le fascisme, mouvement politique à contenu social. Nous devons le combattre aussi dans le domaine idéologique, tout d'abord en lui opposant nos moyens d'enrayer la ruine nationale et l'esclavage économique, ensuite en soulignant son rôle d'instrument du capital » [97].

Au milieu de 1923, la « ligne Schlageter » n'est que l'un des moyens de cette politique de « conquête des masses » que les communistes jugeaient la condition préalable de la lutte révolutionnaire pour le pouvoir. Dans un article intitulé « La Course à l'abîme », Heinrich Brandler résume la politique et les perspectives de son parti à cette époque, précisant la place que peuvent y occuper les bastions de Saxe et de Thuringe :

« La débâcle de l'économie allemande et de l'Etat a créé des situations très particulières, comme en Saxe et en Thuringe, où la bourgeoisie n'est plus assez forte pour interdire la formation d'organes de lutte, des comités de contrôle et des centuries prolétariennes, et où le prolétariat, parce qu'il est isolé au milieu de l'Allemagne bourgeoise, ne peut pas écraser complètement la bourgeoisie. (...) Le plan de la bourgeoisie est de faire dégénérer les luttes économiques de la classe ouvrière en luttes politiques, afin de pouvoir, comme en 1919, écraser le mouvement prolétarien. C'est le devoir du parti communiste de déjouer cette manœuvre et, en cas de grève générale des mineurs et des cheminots, ou en cas d'attaque fasciste, de créer un mouvement uni ayant des revendications précises, celles qui sont formulées dans le programme du congrès des conseils d'usine » [98].

Ainsi, en cette fin du mois de juin 1923, tout en étant convaincus que la situation ouverte en Allemagne par la crise mène inéluctablement à la révolution, les dirigeants communistes allemands pensent qu'ils disposent d'un délai suffisant pour renforcer leur influence dans le prolétariat et autour de lui. Sur cette ligne, ils ont le soutien total de l'exécutif de l'Internationale. Au cours de la session de l'exécutif élargi de juin, personne ne pose la conquête du pouvoir en Allemagne comme une tâche immédiate, et Zinoviev déclare :

« L'Allemagne est à la veille de la révolution. Cela ne signifie pas que la révolution y viendra dans un mois ou dans un an. Il faudra peut-être plus de temps » [99].

Notes

[1] Corr. int., n° 13, 14 février 1923, p. 83.

[2] Ibidem, n° 56, 13 juillet 1923, p. 415. Les cotes réelles sont 266 000 à Dantzig, 276 000 à New York, 187 000 seulement à Berlin.

[3] Ibidem, n° 61, 31 juillet 1923, p. 456.

[4] Ibidem, n° 64, 15 août 1923, p. 478.

[5] Ibidem, n° 71, 8 septembre 1923. p. 535.

[6] Ibidem, n° 77, 28 septembre 1923, p. 582.

[7] Ibidem, n° 70, 5 septembre 1923, p. 528.

[8] Ibidem, n° 61, 31 juillet 1923, p. 456.  

[9] Ibidem, n° 64. 15 août 1923. p. 478.

[10] Ibidem, n° 12, 9 février 1923, p. 75.

[11] Ibidem, n° 56, 13 juillet 1923, p. 415.

[12] Ibidem, n° 63, 7 août 1923, p. 470.

[13] Ibidem, n° 64, p. 478.

[14] Ibidem, n° 64, 15 août 1923,  p. 478.

[15] Ibidem, n° 61, 31 juillet 1923, p. 456.

[16] Georges Castellan, L'Allemagne de Weimar, p. 156.

[17] Corr. int., n° 64, p. 478.

[18] Ibidem, n° 63, 7 août 1923, p. 471.

[19] Ibidem, n° 83, 19 octobre 1923, p. 630.

[20] Ibidem, n° 77, 28 septembre 1923, p. 582.

[21] Ibidem, n° 12, 9 février 1923, p. 75 ; 40 000 sans-abri de plus à Berlin en janvier 1923 qu'en 1922.

[22] 2700 attentats à la propriété, 150 suicides à Berlin en juin, Corr. int., n° 61, p. 456.

[23] Corr int., n° 70, 5 septembre 1923, p. 528.

[24] Le dernier numéro de la revue paraît avec la date du 23 août 1923.

[25] Cité dans Corr. int., n° 74, 18 septembre 1923, p. 560.

[26] Zinoviev, « Un fait nouveau dans le mouvement ouvrier international », Corr. int., n° 40, 8 juin 1923, p. 337. Zinoviev donne comme exemple le fait que certaines manifestations communistes ont rassemblédeux ou trois fois plus de gens que le parti n'en compte.

[27] Ibidem, p. 338.

[28] A. Rosenberg, Enstehung und Geschichte der Weimarer Republik. p.405

[29] Ibidem, p. 407 ; Corr. Int., n° 56, 13 juillet 1923, p. 415.

[30] From Third to Fourth : a Report on the Activities of the Y.C.I., p. 39.

[31] M. Uhlemann, Arbeiterjugend gegen Poincaré und Cuno, pp. 39, 130 sq.

[32] R. Wagner. « Zur Frage der Massenkämpfe in Sachsen im Frühjahr und Sommer 1923 », ZfG, 1956, n° 2, p. 256. Les chiffres correspondants retenus par H. Weber sont sensiblement différents mais témoignent d'un progrès identique : 19 432 et 30 584 (op cit., p. 373).

[33] Ibidem, pp. 369, 370, 374, 376.

[34] Ibidem, p. 50.

[35] Die Rote Fahne, 11 août 1923.

[36] Der Kämpfer, 11 septembre 1923, cité par R. Wagner, op. cit., p.256.

[37] Corr. int., n° 56, 13 juillet 1923, p. 414.

[38] I.M.L.-Z.P.A., 12/36, p. 170. Rapport n° 92 du Commissaire du Reich à l'ordre public, juin 1923 cité par Habedank, Zur Geschichte des Hamburger Aufstandes, 1923, p. 75.

[39] Ibidem, p. 69.

[40] Ibidem.

[41] Protokoll der Konferenz der Erweiterten Exekutive ... , p. 196.

[42] Bericht XI..., p. 358.

[43] Walcher, dans Protokoll .. (n. 6), p. 195.

[44] Bericht IX ... , p. 97.

[45] Ersil, Aktionseinheit stürzt Cuno, p. 149.

[46] Protokoll..., Erwriterten Exekutive .. , p. 196.

[47] Ersil, op. cit., p. 75.

[48] Ibidem. p. 245.

[49] Corr. int., n° 87, 2 novembre 1923, p. 662.

[50] Voir chap. XXVII.

[51] Krusch, op. cit., p. 136.

[52] Klassenkampf, 28 février 1923.

[53] Gast « Die proletarischen Hundertschaften als organe der Einheitsfront im Jahre 1923 », ZfG, n° 3, 1956, pp. 447-448 ; Der Kämpfer, 10 mars 1923.

[54] Ibidem, p. 448 ; Der Kämpfer, 15 mars 1923.

[55] Ersil, op. cit., p. 95.

[56] Gast, op. cit., p. 457 ; Davidovich, Revoljutsionii Krisis 1923 g. v Germanii i Gamburgskoe Vosstanie, p. 133.

[57] Ersil, op cit., p. 98.

[58] Mujbegović, op. cit., p. 384.

[59] Corr. int., n° 49, 19 juin 1923, p. 362.

[60] Ibidem.

[61] Karl Becker, dans le Bolchevik, article reproduit dans Corr. int., n° 95, 9 décembre 1922, pp. 720-721.

[62] Corr. int., n° 101, 30 décembre 1922, p. 763.

[63] Böttcher, Corr. int., n° 49, 19 juin 1923, p. 362.

[64] Die Rote Fahne, 25 mars 1923.

[65] Die Rote Fahne, 13 mai 1923 ; Dok. u. Mat., VII/2, p. 307.

[66] Die Rote Fahne, 18 mai 1923 ; Dok. u. Mat., VII/2, pp. 315-324.

[67] Ibidem, p. 322.

[68] Die Rote Fahne, 29 mai 1923 ; Dok. u. Mat, VII/2, pp. 333-336.

[69] Ibidem, p. 335.

[70] Protokoll der Konferenz der Erweiterten Exekutive der K.I., Moscou, 12-23 juin 1923, p. 35.

[71] Ibidem, p. 55.

[72] Ibidem, pp. 66-67.

[73] Ibidem, p. 101.

[74] Ibidem, p. 127.

[75] Voir chap. XXXIII.

[76] Ibidem, p. 132.

[77] Ibidem.  p. 134.

[78] Ibidem, p. 137.

[79] Ibidem, pp. 147-148.

[80] Ibidem, p. 205.

[81] Ibidem, p. 240. Voir chap. XXXV, note 24.

[82] Ibidem, p. 244.

[83] La source de cette interprétation se trouve dans la campagne de la presse française à cette époque. Le livre de Ruth Fischer a beaucoup contribué àl'accréditer.

[84] Die Rote Fahne, 27 juillet 1923.

[85] Voir notamment Reventlow, « Mit Radek ». Reichswart, 30 juin 1923, Möller Van den Bruck, « Der Wanderer ins Nichts » et « Wirklichkeit », Das Gewissen, 30 juillet 1923, Radek, « Dem Gewissen zur Antwort », Die Rote Fahne, 10 juillet 1923, « Kommunismus und deutsche nationalistische Bewegung », ibidem, 16-18 août 1923, « Die Voraussetzung des Bündnisses mit Sowjetrussland », ibidem,2 septembre.

[86] Karl Radek, Paul Frölich. Graf Ernst Reventlow, Möller Van den Bruck, Schlageter : Eine Auseinandersetzung (Berlin, 1923, 60 p.).

[87] Die Rote Fahne, 29 juillet 1923.

[88] Cité par Albert. Bulletin communiste, n° 41, 11 octobre 1923. p. 625.

[89] Völkische Beobachter. 14 août 1923, cité, ibidem.

[90] Angress, op. cit., p.346.

[91] Die Rote Fahne, 22 juillet 1923.

[92] Ibidem, 26 juillet 1923.

[93] Wenzel, op. cit., p. 116, n. 21 ; Angress, op. cit., p. 341, n. 66.

[94] Vorwärts (22 août 1923) accuse Ruth Fischer d'avoir proclamé que « tous ceux qui dénoncent le capital juif » sont « déjà, sans le savoir, des combattants de classe (Klassenkampfer) » et de s'être écriée : « Oui, pendez les capitalistes juifs aux réverbères (...) mais (...) que pensez-vous des grands capitalistes, les Stinnes ... ? » Ainsi que le notent Wenzel (op. cit., p. 118) et Angress (op. cit., p. 340, n. 62), Ruth Fischer n'adressa aucun rectificatif à Die Rote Fahne, alors qu'elle devait le faire huit jours plus tard à propos d'un point mineur où le Vorwärts avait déformé ses paroles. Plus de vingt ans après, elle écrit : « Je dis que le communisme était pour combattre les capitalistes juifs seulement si tous les capitalistes, juifs ou non, étaient l'objet de la même attaque » (op. cit., p. 283, n. 16).

[95] Lettres de J. Humbert-Droz à Zinoviev, L'Œil de Moscou à Paris, datées du 14 juin, du 6, 20 et 22 septembre (pp. 191-199).

[96] Humbert-Droz écrit à Zinoviev, le 29 septembre 1923, que « Monatte par exemple, était persuadé que le parti allemand s'engageait dans la voie des socialistes de 1914 » (ibidem. p. 198). Alfred Rosmer, sans contester l'analyse de Radek, qu'il semble plutôt approuver, écrit néanmoins à propos du discours sur Schlageter : « L'incroyable déclamation de Radek n'était pas faite pour faciliter la tâche des militants ouvriers qui avaient orienté exactement leur activité. Par contre, elle aida grandement les chefs social- démocrates, qui demeuraient passifs devant les progrès des nationaux-socialistes et étaient heureux d'avoir un prétexte — qui semblait excellent — pour dénoncer « la collusion des chefs communistes et fascistes » (Moscou sous Lénine, p, 270).

[97] Corr. int., n° 49, 19 juin 1923, p. 362.

[98] Ibidem, p. 359.

[99] Traduit après le compte rendu en russe, p. 103, et cité par E. H. Carr, p. 178. Le texte allemand est différent : « Le K.P,D. est un parti de classe, mais au sens où doit l'être un parti révolutionnaire à la veille d'une révolution. Il peut se produire encore des épisodes, mais l'issue du combat ne fait aucun doute » (Protokoll der Konferenz der Erweiterten Exekutive…, p. 101).


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