1957

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! – LA LUTTE de CLASSE n° 10 [a]


LA LUTTE DE CLASSE

Barta

19 mars 1957


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ANNIVERSAIRE

Il y a tout juste un an l'Assemblée Nationale votait par 455 voix contre 76 la "loi du 18 mars 1956" qui accordait les pleins pouvoirs à Guy Mollet.

André Stil dans l'Humanité du 15/3/56 commentait ainsi ce vote sous le titre "Leçon d'une victoire" :

"Dans les usines, partout dans le pays l'action unie pour la paix en Algérie connaît un nouveau départ, après le vote de la confiance au gouvernement Guy Mollet.... Depuis, ils (socialistes et communistes) n'ont cessé de se rapprocher. Ils se retrouvent maintenant de plus en plus dans l'action, et le vote de notre parti pour le gouvernement Guy Mollet crée maintenant les meilleurs conditions pour de nouveaux progrès dans ce sens".

Et cela n'a effectivement pas traîné. Quelques semaines plus tard, les disponibles étaient rappelés et envoyés avec le contingent en Algérie. La "pacification commençait". La loi sur les pouvoirs spéciaux donnait une existence légale aux camps de concentration en Algérie. La même loi donnait au gouvernement la possibilité de prélever sur les finances de l'Etat les sommes nécessaires à la mobilisation. C'est cette loi qui a permis au gouvernement d'envoyer 350.000 jeunes gens se battre là-bas soi-disant pour la patrie alors qu'ils vont mourir pour les capitalistes et les banquiers comme le disait Anatole France dans les mêmes circonstances.

C'est cette loi qui a permis au gouvernement Mollet d'amener l'économie au bord de la crise par l'augmentation croissante des dépenses de l'Etat.

André Stil pourrait se vanter et écrire pour ce premier anniversaire après les leçons, le bilan d'une telle victoire. Le fait que Stil ait, après Mollet, parlé de victoire au sujet de ce vote montre dans quel camp sont en réalité les dirigeants de ces partis dits ouvriers qui se nomment eux-mêmes sans aucune pudeur "communiste ou socialiste".

Leur victoire car il y a peut-être une victoire dans ces circonstances, ce n'était pas une victoire des travailleurs, cela en était une contre eux.

Ce qu'aucun gouvernement dit de droite n'avait pu faire depuis, dix ans pour la guerre d'Indochine, mobiliser le contingent,  un gouvernement socialiste soutenu par les communistes l'avait réalisé, Stil pouvait crier victoire.

Mais ce genre de victoire obtenu par la trahison se paye toujours dans l'histoire, Le bilan à ce premier anniversaire n'est gère plus favorable pour eux.

Oui, ils ont envoyé les jeunes travailleurs français se battre là-bas.

Oui, ils ont pu imposer au pays les charges financières de cette guerre. Mais ils se retrouvent au bout d'un an dans une situation pire. Cette révolte qu'une simple opération de police devait mater, Lacoste est obligé d'admettre officiellement, en plein conseil des ministres, après un an de guerre à outrance, qu'il s'agit d'une révolution mettant en mouvement contre l'oppression française toutes les couches et toutes les classes de la société algérienne. Oui, ils ont remporté une victoire contre les travailleurs français mais il sont en passe d'être vaincus par ceux d'Algérie. Et là, les Mollet et les Stil sont impuissants à trahir. ils peuvent peut-être encore tromper les travailleurs français mais les Algériens, ce n'est pas possible. Les précédents massacres en Algérie datent de 1945 alors que socialistes et communistes étaient au gouvernement.

Vaincus en Algérie, il leur faudra présenter la note à la population française. Il y a le déficit du budget à payer et lorsque la répression en Algérie aura complètement séparée celle-ci de la France alors que les deux économies sont cependant dépendantes, il y aura aussi une facture à faire acquitter par le pays. Et là nous verrons si les bulletins de victoire peuvent faire accepter aux travailleurs français la crise, les impôts supplémentaires, la hausse des prix ou le chômage.


DEUX TACTIQUES, UN SEUL BUT

Lorsque Guy Mollet il pris la présidence du Conseil au début de 1956, le programme politique qui avait fait l'enjeu de la campagne électorale comportait 2 points essentiels : fin de la guerre d'Algérie, développement d'une politique sociale. La guerre d'Algérie s'est intensifiée. Le ministre des Affaires économiques et financières Paul Ramadier a dû lancer un emprunt indexé sur les valeurs boursières qui lui a rapporté 320 milliards mais que l'Etat devra rembourser avec les intérêts. La crise de Suez est venue aggraver l'hémorragie des finances publiques. Sur le plan social, le gouvernement s'est borné à augmenter la retraite des vieux travailleurs les plus défavorisés de 31.000 francs par an et pour cela a rançonné les automobilistes.

La brillante politique du gouvernement capitaliste a direction "socialiste" nous a conduit au bord de l'abîme. Les caisses de l'Etat sont vides et il faut trouver de l'argent !

C'est bien entendu dans les poches des travailleurs que l'Etat et le Patronat entendent le trouver.

Après M.Villiers, président du C.N.P.F. qui s'est élevé contre le blocage des prix c'est au tour de Paul Reynaud de partir en guerre. Et il s'y connaît. Selon M.Paul Reynaud, l'inflation qui se développe actuellement résulte des faits suivants :

le déficit des finances publiques, le rapatriement des capitaux d'Indochine et d'Afrique du Nord, les dépenses militaires en Afrique du Nord, la hausse des salaires, le financement de la construction et la "psychose de dépenses qui s'est emparée des Français."

Pour Paul Reynaud, il n'est évidemment pas question de réduire les dépenses de l'Etat ni le budget de guerre ou de contrôler les capitaux qui ont ramené en France les fruits de leur pillage pour s'accaparer à prix d'or une partie du revenu national et notamment des villas et appartements. Le financement de la construction, Paul Reynaud serait évidemment prêt à le sacrifier mais ce qu'il demande avant tout c'est de faire payer les travailleurs : "Si M.Ramadier estime que l'application de l'Échelle mobile entraînerait des catastrophes en chaîne qu'attend-il pour demander au Parlement de réformer ce système ?"

Comme cela est simple, les prix augmentent, d'un trait de plume rayons la loi sur l'Echelle Mobile. Mais pourquoi M. Paul Reynaud demande-t-il le déblocage des prix ? Ne sont-ils pas effectivement débloqués ? Toutes les dérogations, détaxations et subventions n'ont-elles pas été accordées ? Tout récemment le prix de l'acier vient d'être augmenté de 5% et les industriels sont autorisés a répercuter cette hausse dans leurs prix.

Le prix de l'aluminium qui va augmenter de 2% va lui aussi être une occasion de majorer les prix.

Et en quoi l'Echelle Mobile peut-elle donc gêner Monsieur Paul Reynaud ? M.Ramadier n'a-t-il pas su en limiter les effets par des tripatouillages qui arrangent autrement mieux les affaires des capitalistes que les aboiements hargneux de Paul Reynaud. D'ailleurs M. Ramadier s'apprête à donner d'autres gages. Dès maintenant il préconise une politique d'austérité pour les travailleurs évidemment. Pour cela, il a plus d'un tour dans son sac. Que ce soit par l'augmentation réelle des prix alors que l'indice officiel reste bloqué, que ce soit par une diminution da salaire touché par le travailleur mais retourné à l'Etat sous forme d'impôts ; que ce soit par des restrictions "justifiées" par le manque de devises (essence) ; que ce soit par la limitation du crédit qui fera renoncer plus d'un travailleur à l'achat d'un réfrigérateur, d'un scooter, etc... Monsieur Ramadier fera tout son possible pour restreindre la consommation des travailleurs tout en essayant d'exiger d'eux une plus forte production.

Mais si les méthodes de Paul Reynaud sont périmées, celles de Monsieur Ramadier ne seront pas éternelles.

Tôt ou tard les travailleurs sauront y mettre un terme.


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[a] Cette série de La Lutte de Classe, bulletin ronéotypé, a été éditée par le groupe Voix Ouvrière.
Barta collabora à sa rédaction. Les articles qui lui sont attribués avec certitude sont signalés par un [*].


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