1956

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! – LA LUTTE de CLASSE n° 2 [a]


LA LUTTE DE CLASSE

Barta

2 décembre 1956


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LES TACHES IMMEDIATES

Par la faute de la politique capitaliste et impérialiste de nos dirigeants, nous voici à nouveau plongés dans une situation qui a de graves répercussions sur le niveau de vie des travailleurs. Hausse des prix, difficulté de se procurer certaines denrées de première nécessité, restrictions en vue, rationnement de l'essence, menace de chômage, tels sont les premiers détails de la note à payer par la grande majorité de la population, après le "coup de Suez".

Mais les travailleurs ne peuvent accepter passivement de faire les frais de la politique capitaliste et colonialiste qui, mise en sourdine par la fin des hostilités en Indochine, a été reprise à fond avec la guerre d'Algérie. La classe ouvrière, qui par de longues luttes grévistes depuis 1947 a réussi, sinon à reconquérir son niveau de vie d'avant-guerre, du moins à arracher aux capitalistes une stabilisation de son niveau de vie, peut faire que ce soient les profits et les sur-profits des banques et des trusts qui paient les pots cassés.

C'est maintenant sur trois fronts que les travailleurs auront à mener simultanément leurs luttes pour se défendre avec succès dans la période qui vient.

– A L'INTERIEUR DE L'USINE :

Pas de licenciement et maintien intégral du salaire en cas de réduction des heures de travail. Le travailleur doit gagner en 40 heures le salaire qu'il gagnait jusqu' à maintenant au prix d'heures supplémentaires. Car les heures supplémentaires ne constituent nullement, comme la bourgeoisie voudrait le faire croire, un gain supplémentaire, mais un effort supplémentaire du travailleur qui ne peut autrement gagner un salaire décent.

Relèvement (prévu par la loi sur l'Echelle Mobile) du salaire minimum vital en fonction de l'augmentation réelle du coût de la vie et non en fonction de l'indice des 213 articles falsifié par l' Etat. Application de l'Echelle Mobile à tous les salaires.

– LUTTE CONTRE LES SPECULATEURS

En effet, une expérience de 10 ans montre que les agents de l'Etat ne sont pas au service d'une juste répartition des ressources, mais s'emploient à "organiser" la disette pour empocher les masses de bouger. Le seul moyen d'empocher certains produits de "disparaître" pour réapparaître au marché noir est que les travailleurs s'occupent eux-mêmes de la lutte contre les spéculateurs. Du fait même de son rôle dans la production, la manutention, etc..., la classe ouvrière est à même de connaître tous les mouvements ou stocks de marchandises.

Que les travailleurs rendent publics et dénoncent tous les transports ou les concentrations de produits de première nécessité dont ils ont connaissance, aux sections, fédérations et centrales syndicales, qui auront ainsi à faire la preuve qu'elles sont capables de généraliser et coordonner cette lutte, et les spéculateurs capitalistes auront alors à compter avec toute la population et non avec une police "compréhensive".

– CONTRE LA GUERRE EN AFRIQUE DU NORD

Le retrait du corps expéditionnaire d'Algérie, le respect du droit des peuples d'Afrique du Nord à disposer d'eux-mêmes, viennent en tête de toutes revendications, car cette guerre en est arrivée à un point où sa poursuite entraîne automatiquement une forte baisse du niveau de vie de la classe ouvrière métropolitaine.


[*]

NI FOUS, NI BETES

Devant la situation catastrophique qui a suivi immédiatement l'intervention en Egypte, la tentation est grande de considérer les actuels dirigeants et ministres comme incapables de mener une politique cohérente. Poujade, qui veut nous donner en sa personne un surhomme capable de tout résoudre, les a même traités de cinglés.

La réalité est autre. La réalité est que la bourgeoisie française mène, par différents moyens et par divers hommes politiques, une offensive continue contre les masses populaires de la métropole et de son empire colonial. Les dirigeants comme Mollet, par exemple, ne peuvent pas empêcher la crise où les convulsions de l'économie capitaliste précipitent la bourgeoisie française, mais il peut la faire accepter à la population travailleuse et lui en faire supporter le poids.

Dans les années qui ont suivi la fin de la guerre, la bourgeoisie française a guerroyé d'un bout à l'autre du monde pour reconquérir son empire chancelant ; elle a remonté toute son industrie ; elle a commencé la guerre d'Indochine. Cela au prix de sacrifices terribles imposés au prolétariat français qui, trois ans après la "libération", connaissait encore les restrictions. Sacrifices qu'il n'accepte, pour une large part, que parce que la bourgeoisie française s'est cachée derrière quelques ministres "socialistes" et "communistes" qui, en échange de leurs fauteuils se sont servi des appareils politiques et syndicaux dont ils disposaient, pour imputer aux ravages de la guerre passée la responsabilité des ruines dues à l'intervention en Indochine, en paralysant ainsi la défense ouvrière.

Ainsi grâce au gouvernement PC-PS-MRP, au "retroussez-vos-manches" et au "produire d'abord", la bourgeoisie française a pu se relever de ses ruines sur le dos des masses laborieuses et lancer le pays dans la guerre d'Indochine. Elle ne l'a pas gagnée, cela n'a pas dépendu d'elle, mais elle en a tiré profit au maximum.

En 47, la vague de grèves dont le départ échappa au contrôle de la CGT, obligea les ministres "communistes", devenus inutiles à la bourgeoisie, à quitter le gouvernement. La guerre froide entre bloc russe et occidentaux les empêcha d'y rentrer depuis. Mais les socialistes ou même les radicaux jouèrent le même rôle à chaque fois qu'il fut nécessaire d'endormir la bonne foi et la confiance des masses.

En 54, l'armée française était pratiquement anéantie à Dien Bien Phu. Le gouvernement français demanda aux USA d'intervenir. Ceux-ci refusèrent. Il ne restait qu'à céder ou envoyer le contingent, mesure impopulaire que Bidault n'aurait pu faire admettre par l'opinion. Alors Mendès France, connu pour son opposition à la guerre d'Indochine, accéda au gouvernement. Il proposa au Viet Minh un armistice dans les quinze jours, sinon il envoyait le contingent. Il n'eut pas à le faire parce que  entre-temps le Viet Minh avait cédé, mais son rôle s'inscrivait dans la même continuité.

Cette année, au lendemain des élections, la guerre se développant en Algérie, l'appel des disponibles fut nécessaire pour sauver les dividendes de nos exploiteurs. C'est un gouvernement Mollet-Mendès France qui s'en chargea. La mesure prise, et acceptée par les masses, Mendès France devenu inutile passa lui-même dans la "réserve" et démissionna pour sauvegarder sa popularité et pouvoir resservir une autre fois. Ainsi font nos gouvernants, qui défendent au moyen de personnalités ou d'équipes différentes, une seule et même politique : celle de la bourgeoisie française.


Note

[a] Cette série de La Lutte de Classe, bulletin ronéotypé, a été éditée par le groupe Voix Ouvrière.
Barta collabora à sa rédaction. Les articles qui lui sont attribués avec certitude sont signalés par un [*].


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