1950

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
ORGANE DE L'UNION COMMUNISTE (Trotskyste)
Nouvelle série – N°3

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La Lutte de Classes

Barta

26 janvier 1950


IL FAUT EN FINIR AVEC LA SALE GUERRE ET SES SALES AFFAIRES

L'affaire des généraux Revers-Mast révèle une fois de plus le vrai visage de la guerre d'Indochine. Sur le dos des masses, à qui on impose peines et misères pour obtenir les centaines de milliards qu'elle nécessite, une minorité, celle qui dirige et qui occupe les plus hautes places, fait des affaires, trafique, conspire et s'enrichit. Si l'opposition de la classe ouvrière française à la guerre impérialiste n'avait pas déjà été dans ses meilleures traditions, à elle seule cette nouvelle preuve de la pourriture capitaliste suffirait à donner raison aux ouvriers qui, en ce moment, associent à leur lutte économique la revendication de la cessation des fabrications de guerre, et qui s'opposent au transport de matériel et de troupes pour l'Indochine.

Plus que jamais les masses travailleuses veulent la paix, la paix dans le monde entier, la paix en Indochine pour commencer ; réaliser celle-ci, quel meilleur moyen d'assurer l'autre ?

Cependant, malgré le désir de paix des travailleurs, les mouvements de lutte contre la guerre sont dispersés et partiels. L'opposition organisée par le P.C.F. et la C.G.T. à Marseille n'a réussi qu'à retarder d'un jour le départ d'un navire ; et même si les journaux n'avaient pas pu faire état du manque d'unanimité entre les ouvriers de Cherbourg pour une action du même ordre, il ne fait pas de doute que le rythme de la préparation à la guerre est plus intense que celui de l'opposition à la guerre, que dans la lutte des forces de guerre contre les forces de paix, ces dernières ont provisoirement le désavantage.

Pourquoi la paix semble-t-elle plus éloignée que jamais dans cette guerre d'Indochine qui dure depuis 1945 ? Pourquoi menace-t-elle d'être un simple prélude à la 3° guerre impérialiste mondiale ? Pourquoi cette faiblesse des forces de la paix, alors que plus que jamais les masses travailleuses sont remplies de haine contre le sang versé inutilement et contre les forbans capitalistes qui en profitent ?

C'est parce que les organisations ouvrières P.C.F. et C.G.T., qui appellent aujourd'hui les travailleurs à empêcher le transport d'armes et de troupes en Indochine, n'ont pris cette position que TRES RECEMMENT, il y a à peine quelques mois. Et cela ne suffit pas pour faire oublier aux travailleurs que pendant de longues années ils ont été les complices de cette guerre, au déclenchement de laquelle ils ont aidé. N'est-ce pas le "camarade" Billoux, ministre de la Production, qui poussait à la fabrication d'armements ; n'est-ce pas le "camarade" Tillon qui déployait son zèle en tant que ministre de l'Aviation, quand les dirigeants P.C.F. collaboraient au gouvernement De Gaulle ? N'est-ce pas les chefs de la C.G.T. qui, malgré cette guerre, poussaient à la production et s'opposaient aux revendications ? N'est-ce pas les députés staliniens qui votaient à l'unanimité, avec les autres députés du Parlement, les crédits de guerre, en trahison ouverte de tous les principes et de toutes les traditions de l'opposition parlementaire révolutionnaire à la guerre ? N'est-ce pas les dirigeants P.C.F. et C.G.T. qui prétendaient que l'Indochine devait rester dans "l'Union française" (sic), pour que d'autres - les U.S.A. - ne s'en emparent pas ?

C'est cette longue complicité dans la guerre d'Indochine des dirigeants P.C.F. et C.G.T. qui fait que l'écrasante majorité des travailleurs accueille avec une profonde méfiance leurs appels à une action pratique contre cette guerre. Or, la lutte pratique contre la guerre, autrement dure que la lutte revendicative, ne peut réussir que si les masses travailleuses ont pleine confiance dans les organisations qui les dirigent.

Cependant, malgré les trahisons des dirigeants P.C.F., C.G.T. et socialistes, les travailleurs ne peuvent pas rester passifs devant la guerre d'Indochine et les préparatifs d'une nouvelle guerre mondiale. Ils ne peuvent pas ne pas s'opposer à la guerre, car une nouvelle guerre serait la destruction de l'humanité. Ils doivent s'opposer toujours davantage au transport et à la fabrication d'armes de tout genre et à la poursuite de la guerre d'Indochine.

Mais pour que leur lutte ne soit pas inutile ou détournée de ses buts, il faut aussi que les travailleurs conscients rompent avec les dirigeants staliniens et socialistes, qui les ont trahis, et s'unissent dans un Parti révolutionnaire honnête, complètement indépendant de tous les Etats policiers qui dominent le monde aujourd'hui.

Ce Parti ne peut être qu'un Parti trotskyste, car le trotskisme c'est la seule doctrine fidèle à l'internationalisme prolétarien et la seule capable de mener victorieusement les masses à la conquête du Pain, de la Liberté et de la Paix.


INTENSIFIONS LA LUTTE POUR LES 3.000 FRS. POUR TOUS !

La lutte pour "les 3.000 frs." ne cesse de s'intensifier. Toujours plus nombreuses sont les catégories d'ouvriers qui montrent leur volonté de lutte soit par des grèves, soit par des débrayages, comme, par exemple, dans les transports parisiens. Car le coût de la vie continue à monter. La hausse des tarifs du chemin de fer et bientôt celle du métro (qui intéresse le 1/5° de la population parisienne) sont de nouvelles charges pour les masses travailleuses. Les loyers, la vague de froid et la cherté de certaines denrées essentielles comme la viande, les condamnent à de plus grandes privations en ces mois d'hiver.

Mais Bidault, aux ordres de la droite, pose à "l'homme fort" et dit toujours "non" à cette revendication essentielle, avec l'appui des ministres et des députés socialistes qui se livrent au petit jeu parlementaire pour tromper les salariés.

Sous quel prétexte ? La liberté des salaires, paraît-il, sera votée à la fin du mois. C'est seulement dans le cas contraire que M. Bidault envisage de "reconsidérer" la question. Accorder les 3.000 fr. dès maintenant ce serait "préjuger" des conventions collectives dans le sens de la hausse", explique-t-il.

M. Bidault montre ainsi le bout de son oreille d'exploiteur. Mais pourquoi donc les travailleurs ont-ils réclamé le retour aux conventions collectives sinon pour obtenir une hausse des salaires ? Supprimer le blocage des salaires sans les augmenter et même en les abaissant sous l'effet du chômage ou du lock-out (chômage artificiellement provoqué) ce n'est pas un avantage qu'on offre aux travailleurs. C'est une attaque contre eux.

Les travailleurs exigent les 3.000 frs. par mois et pour tous avec effet rétroactif à partir du 1er décembre parce qu'ils veulent que leurs salaires soient augmentés. Non seulement en raison de la hausse incessante des prix, mais aussi et surtout parce que leur force de travail leur est payée à moins de la moitié par rapport au premier trimestre de 1939.

L'argument du vote rapide des conventions collectives n'est qu'une tromperie. Même si celles-ci étaient votées à la fin du mois, les négociations entre patrons et ouvriers ne peuvent aboutir ni rapidement, ni partout à la fois. Elles dureront, selon les branches d'industries, de longs mois. Comment les travailleurs arriveront-ils à tenir avec leurs salaires actuels sinon au dépens de leur santé et de celle de leur famille ? Partout, à l'exemple du métro, il faut, par des meetings et des débrayages, renforcer la bataille des 3.000 fr. pour tous et des conventions collectives pour un salaire meilleur.

LA LUTTE


LE PLAT DE LENTILLES DES SOCIAL-DEMOCRATES

Les dirigeants F.O. se souviennent-ils d'avoir appelé les travailleurs à la grève du 25 novembre dernier ? Se souviennent-ils d'avoir exhorté les salariés à montrer au gouvernement et aux capitalistes que la classe ouvrière était résolue à se battre pour l'amélioration des salaires toujours davantage rognés par la hausse des prix ? Se souviennent-ils que l'empressement des travailleurs à lutter ensemble a obligé toutes les organisations syndicales à se mettre d'accord pour cette journée ? Ces questions s'imposent, aujourd'hui que le gouvernement continue à refuser les 3.000 frs., qu'il réduit le minimum vital de 12.500 à 9.500 fr., que les patrons lock-outent les travailleurs - aujourd'hui que la classe ouvrière a donc bien plus de raisons qu'avant le 25 novembre de s'unir dans la lutte.

Car les dirigeants F.O. se taisent maintenant sur cette question et sur leurs appels d'avant le 25 novembre. Et leur silence les accuse d'autant plus que le succès de ce mouvement d'avertissement est une garantie de réussite pour la préparation d'une véritable grève générale.

Quelle est l'explication de ces attitudes différentes de F.O., avant et après le 25 novembre ? Elle n'est pas difficile à trouver. Il y avait évidemment, d'un côté, le fait que le mécontentement grandissant des salariés menaçait alors d'éclater en un mouvement revendicatif d'envergure, dont seule la C.G.T. aurait bénéficié si F.O. n'avait pas pris une initiative dans ce sens. Mais l'empressement que mit le comité directeur du P.S. (S.F.I.O.), dont les principaux dirigeants étaient au gouvernement, à approuver cette grève, une grève dirigée contre le gouvernement dont ils faisaient partie, et dans laquelle la C.G.T. devait inévitablement jouer le principal rôle, prouve que l'initiative prise par F.O. débordait le cadre syndical et était intimement liée à la situation politique d'alors.

Quelle était la situation politique dans les semaines qui précédèrent le 25 novembre ? Les radicaux, principaux porte-parole actuels du grand capital et centre de toutes les combinaisons gouvernementales depuis le succès du R.P.F. aux élections municipales et au Conseil de la République, croyaient que la bourgeoisie était suffisamment forte pour en finir avec la politique de petites concessions et de marchandages vis-à-vis de la classe ouvrière, ils croyaient le moment venu d'en finir avec le droit de grève, et par voie de conséquence, il leur fallait se débarrasser des socialistes, dont la collaboration et l'influence sur certaines couches ouvrières étaient à ce prix. Ils découvrirent donc brusquement que "rien de bon" ne pouvait être fait avec les dirigeants S.F.I.O. Par une série de crises gouvernementales (Queuille, Moch, Mayer), ils étaient prêts à provoquer la dissolution du Parlement et les élections au scrutin majoritaire ; celles-ci auraient réduit la représentation légale du P.C.F. à peu de chose, sans rapport avec le nombre de voix recueillies ; en même temps, du fait de désistements réciproques, la collaboration avec De Gaulle devenait inévitable. Les radicaux "de droite" auraient ainsi fait d'une pierre deux coups : en même temps qu'ils se débarrassaient des socialistes, ils amenaient De Gaulle au pouvoir non pas comme leur maître, mais "domestiqué".

C'est cette menace de voir perdre leurs postes qui a poussé les leaders S.F.I.O. et F.O., pour se montrer indispensables à la bourgeoisie, à s'appuyer sur les ouvriers et à aider au déclenchement de la grève générale du 25 novembre. Et la bourgeoisie en a compris la leçon.

Elle a compris qu'elle ne liquiderait pas sans une résistance ouvrière acharnée les droits démocratiques des travailleurs et leur lutte pour un meilleur salaire. Elle a compris que la classe ouvrière unie dans la lutte est trop forte pour qu'on en vienne à bout simplement au moyen des C.R.S. et de la police. Elle a compris qu'il fallait encore manoeuvrer et diviser les travailleurs de France. Voilà pourquoi la collaboration avec les socialistes a été maintenue et pourquoi Bidault, qui devait subir le sort de ses prédécesseurs immédiats, a obtenu un vote de confiance sur le budget. Car, en échange de leurs portefeuilles - autrement dit pour un plat de lentilles - les ministres socialistes et leurs frères jumeaux de la direction de Force Ouvrière restent plus sages que des chiens dans leurs niches, se taisant malgré l'offensive que continuent à subir les ouvriers !

Mais la bourgeoisie n'en poursuit pas moins, par d'autres moyens, l'exécution de son plan. Puisque les ouvriers sont encore capables de se battre, et même de bien se battre, il lui faut les vaincre sur leur propre terrain. Pour cela, elle dispose d'un instrument tout prêt ; les bandes de De Gaulle qu'on a lâchées, avec la complicité de la police, contre Ivry, le 15 janvier, et qui viennent de renouveler leur petite "incursion dominicale" à Aubervilliers. Si les fascistes arrivent à se rendre maîtres de la rue, à briser le moral et la combativité des travailleurs, alors la bourgeoisie pourra suspendre légalement leurs droits démocratiques.

La gravité de l'attitude des leaders socialistes et F.O. ne doit pas échapper aux militants honnêtes du Parti socialiste et de Force Ouvrière. La grève du 25 novembre n'a été possible que parce que l'appel a été lancé et par F.O. et par la C.G.T. Sans une entente entre ces deux organisations pour une lutte commune, aucun mouvement ne peut réussir. Car la C.G.T., elle non plus, n'a pas la confiance de la majorité décisive de la classe ouvrière. Tous les mouvements que celle-ci a essayé de déclencher depuis novembre-décembre 1947 l'ont amplement prouvé.

Nous tirons le signal d'alarme. Seule l'intervention immédiate des ouvriers socialistes et communistes, C.G.T. et F.O., inorganisés et de toutes tendances, peut faire changer d'attitude les directions politiques et syndicales ouvrières. En les obligeant à mener une politique conforme aux intérêts des travailleurs, la classe ouvrière de France gagnera la bataille que les capitalistes sont en train de lui livrer.

A. MATHIEU


Fondé en octobre 1942
Rédaction et Administration : écrire à J. Ramboz
7, impasse du Rouet,Paris (14ème)


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