1943

LA LUTTE de CLASSES  – n° 15
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Organe du Groupe Communiste (IVème Internationale)


LA LUTTE de CLASSES  –  n° 15

Barta

12 juillet 1943


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"La bourgeoisie abuse les peuples en jetant sur le brigandage impérialiste le voile de l'ancienne idéologie de la "guerre nationale". Le prolétariat démasque ce mensonge en proclamant la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile". (Lénine)

 


CONTRE LA GUERRE IMPERIALISTE, VIVE LA GUERRE CIVILE !

Les nouvelles opérations entamées par l'impérialisme allemand à l'Est et le débarquement des impérialistes alliés en Sicile, étreignent à nouveau l'Europe dans un étau de feu et de sang. Que d'épreuves ont dû subir les masses prolétariennes et les peuples européens depuis 1939, pour que la perspective d'une Europe à nouveau champ de bataille, puisse leur apparaître comme l'unique solution, comme une perspective de "libération". Combien grands ont été les crimes de l'impérialisme allemand, soutenu par les bourgeoisies des pays occupés, pour que les masses désespérées, trompées par les agents impérialistes alliés (et par les partis "communistes"), se résignent à une telle perspective de "libération".

Même si tout se passait suivant le programme des impérialistes alliés, même si toutes leurs entreprises contre l'impérialisme allemand réussissaient, un sort terrible attend le prolétariat et les masses populaires d'Europe. Nous ne pouvons nous attendre à un effondrement brusque des armées de l'impérialisme allemand, tant que les soldats allemands seront entre l'enclume hitlérienne et le marteau allié. Sans perspective de révolution prolétarienne qui leur donnerait l'appui des masses prolétariennes d'Europe contre leur propre bourgeoisie allemande, ils seront obligés de tenir bon, tant qu'ils auront à leur disposition les ressources accumulées par l'impérialisme allemand pendant la période de succès de 1936 à 1942. La "délivrance" impérialiste de l'Europe nécessitera une lutte longue, acharnée et provoquerait les mêmes destructions et les mêmes déserts que la guerre en a provoqué en URSS. Les villes de France et d'Europe subiront, comme en Italie et en Allemagne, des bombardements toujours plus destructeurs. En serons-nous consolés si Radio-Londres nous explique que "mourir sous les bombes alliées, c'est la plus belle de toutes les morts" ? Accompagnée sur les arrières par de véritables guerres civiles entre les partisans armés de l'impérialisme allemand, appuyés sur l'Etat collaborationniste respectif, et les partisans armés de la "libération", la guerre n'épargnera aux masses civiles aucune des souffrances que la guerre impérialiste inflige sur les champs de bataille aux combattants. En un mot, les impérialistes qui nous apportent le même joug que nous fait subir l'impérialisme allemand uni aux capitalistes français ne peuvent le faire que par notre aide décisive, que par le sang que nous aurons versé pour eux.


Les perspectives mirobolantes des alliés pour "après la victoire" sont illustrées on ne peut mieux par l'entente Giraud-Roosevelt en vertu de laquelle Roosevelt s'engage à armer 300.000 soldats de l'impérialisme français à condition que cette armée continue à se battre pour la défense des intérêts impérialistes en Extrême-Orient.

Comprenant que les alliés ne représentent pas un moindre mal, le prolétariat peut renverser la situation et transformer le lent étranglement des masses par la guerre impérialiste, en une lutte pour des objectifs propres, prolétariens, en une lutte pour la révolution socialiste.

Dans le tumulte des événements militaires qui viennent il est décisif pour l'issue du conflit et pour le sort des peuples que le prolétariat garde une conscience de classe et qu'il intervienne dans la lutte sous son propre drapeau. Il doit opposer aux différents drapeaux des exploiteurs (le drapeau à la croix gammée, le drapeau tricolore, etc...) le drapeau des exploités du monde entier, LE DRAPEAU ROUGE.

Si les ouvriers se laissent guider dans les mois qui viennent par la pensée socialiste, ils peuvent trouver des armes et des alliés chez le soldat revêtu de l'uniforme allemand, qui, à une certaine étape des hostilités, se trouvera forcément en lutte directe contre son propre état-major impérialiste, contre ses propres officiers. Il ne faut plus que, comme en juin 1940, les ouvriers restent le jouet des événements, et que la cause des exploités soit oubliée. Il ne faut surtout pas que le prolétariat commette le crime de repousser éventuellement une alliance révolutionnaire avec nos frères allemands ouvriers et paysans et participe à la chasse aux "Boches".

La tâche historique de la classe ouvrière en Europe dans la période qui s'ouvre, c'est de mettre à profit les embarras et les défaites militaires de l'impérialisme allemand pour réaliser l'armement du prolétariat, couvrir le pays de ses organes de classe, former des Conseils (Soviets) ouvriers et paysans, conquérir les libertés démocratiques (droit de réunion, de presse, amnistie politique, droit de grève, etc...), créer un gouvernement ouvrier et paysan appuyé sur les Conseils par une politique de classe et d'union avec tous les exploités d'Europe. Cette lutte, c'est la lutte pour les Etats-Unis socialistes d'Europe, qui seule peut arrêter la décadence du continent et sa transformation en une sphère d'influence américaine.

Il y a dans le passé révolutionnaire du prolétariat français suffisamment de traditions pour nous donner l'espoir que tel sera le comportement de la classe ouvrière française dans les commotions militaires et sociales qui approchent.


"Aux manœuvres de la bourgeoisie pour diviser et désunir les ouvriers au moyen d'hypocrites appels à la "défense nationale" les ouvriers conscients répondront par des efforts toujours nouveaux et répétés pour créer l'unité des ouvriers de toutes les nations dans la lutte contre la domination de la bourgeoisie de toutes nations". (Lénine)

 


SOCIALISME DE CLASSE ET "SOCIALISME" GOUVERNEMENTAL

Les aspirations de l'humanité pour un ordre social harmonieux, basé sur la fraternité de tous et assurant à tous une vie digne et la participation à tous les biens économiques produits par le génie de l'homme, se sont cristallisées au XIXème siècle dans le socialisme. Aux yeux des masses opprimées, socialisme est devenu le synonyme d'une société humaine nouvelle appelée à remplacer l'actuelle société de classe, la société capitaliste.

Tant que l'humanité put faire des progrès sur des bases capitalistes, non d'ailleurs sans infliger de très grandes souffrances aux masses, la bourgeoisie défendit ouvertement le capitalisme et condamna le socialisme comme une idéologie d'esclaves.

Seulement, avec le capitalisme impérialiste (grandes banques, monopoles), le système bourgeois est entré définitivement dans une phase d'impasses et de décadence. Dans cette dernière phase du capitalisme de misère et de guerres, le socialisme devint véritablement la seule solution non seulement pour améliorer la vie humaine, mais avant tout pour empêcher l'humanité de périr.

Dans ces conditions, la défense ouverte du système capitaliste devint de plus en plus difficile pour les hommes politiques au service de la bourgeoisie. Et l'on vit peu à peu des partis bourgeois d'extrême-droite s'intituler "socialistes", des hommes d'Etat bourgeois mettre en avant des plans "socialistes" pour la reconstruction de la société.

Le trait commun de tous ces prétendus "socialistes" et qui montre qu'ils sont les défenseurs des capitalistes, c'est qu'ils prétendent construire leur "socialisme" ou imposer des réformes "socialistes" sur la base de la propriété privée des moyens de production, c'est-à-dire en maintenant le système capitaliste. Nous avons pu expérimenter en quoi consiste le "socialisme" des partis fascistes qui ne se privent pas de faire de la démagogie contre tel ou tel capitaliste, pour d'autant mieux sauver les autres et détourner la colère des masses. Quant aux plans des aristocrates anglais, ministres de Sa majesté, et des apôtres de la "démocratie" genre Roosevelt, ils prétendent "améliorer" les rapports entre les exploiteurs et les exploités. En fait, il s'agit d'un ensemble de mesures ou de concessions idéologiques destiné à masquer la lutte des classes, à voiler les contradictions de la société qui sans cela deviendraient intolérables, à égarer l'esprit des ouvriers et à retarder la formation de leur conscience de classe – c'est-à-dire la juste connaissance des rapports sociaux et de la mission historique du prolétariat. En fait il s'agit de créer une arène où l'énergie ouvrière cesse d'être dangereuse pour la domination bourgeoise, où elle va se perdre dans les procédures comme un fleuve dans le désert. Tels sont par exemple l'arbitrage obligatoire (qui implique un terrain commun entre patrons et ouvriers), le "socialisme municipal", les mesures (vacances, assurances, etc...) destinées à sauvegarder la force de travail des ouvriers, source de richesse pour le capitaliste.

Mais malgré tout ce "socialisme" bourgeois, la lutte des classes gagne en acuité et en profondeur et la condition ouvrière, loin de s'améliorer, empire chaque jour. La bourgeoisie n'arrive pas à adoucir son exploitation brutale de la classe ouvrière et sa domination politique dictatoriale et sanglante. Et les différents "plans" disparaissent sans laisser de trace, ce qui reste, c'est le matraquage des grévistes, la mobilisation des ouvriers. Le "socialisme national" de la bourgeoisie c'est un royaume "qui n'est pas de ce monde" et qui sert seulement à détourner les ouvriers de leur mission historique socialiste.

Seul le prolétariat peut réaliser le socialisme. La société capitaliste, basée sur la production de marchandises (où le travailleur lui-même est une marchandise) aboutit automatiquement à la monopolisation de tous les moyens de production dont dépend la vie de la société : usines, bâtiments, le sol et le sous-sol sont entre les mains d'un petit nombre de capitalistes. Seul le prolétariat, qui ne possède rien, est capable, politiquement et économiquement, d'exproprier la classe capitaliste, et de s'emparer des leviers de commande de l'économie, c'est-à-dire des banques, des industries-clé, etc...

Mais à une époque où les forces productives étouffent dans le cadre "national" créé par le capitalisme à ses débuts, cette expropriation n'est pas possible à l'intérieur d'un seul pays. En Europe, cette expropriation n'est possible que dans le cadre de plusieurs pays capitalistes avancés, France, Allemagne, Italie, les Balkans, etc. pratiquement dans le cadre européen ; c'est précisément ce qui est formulé dans les "Etats-Unis socialistes d'Europe". Ainsi compris, le socialisme conduit vers de nouvelles formes, supérieures, de société, où les besoins légitimes et les aspirations progressives des travailleurs de chaque nationalité seront pour la première fois satisfaits dans l'unité internationale, après l'abolition des barrières nationales actuelles.

A l'anarchie capitaliste, basée sur "l'initiative" (c'est-à-dire sur le profit) du capitaliste individuel, succédera la production socialiste, basée sur le plan, qui assurera la marche de la production des biens, ainsi que celle de leur répartition, suivant les intérêts des véritables producteurs, les ouvriers et les paysans.

Politiquement, socialisme signifie avant tout l'éveil à la conscience de leur rôle historique des larges masses exploitées – notamment des couches les plus défavorisées : femmes et jeunes. C'est leur irruption violente sur la scène politique, la prise de leurs destinées en leurs propres mains.

Cela exige le bouleversement jusqu'au fondement (c'est-à-dire jusqu'à la structure économique, jusqu'aux rapports de propriété) de la vieille société de classes. Cela exige la destruction complète du vieil Etat, qui est le "talon de fer" que la bourgeoisie fait peser sur le prolétariat. Cela exige, contre les tentatives désespérées de la bourgeoisie de rétablir sa dictature, la construction d'un nouvel appareil d'Etat, outil de la domination de la majorité contre la minorité exploitrice hier encore, dictature impitoyable pour les oppresseurs – plus large démocratie possible pour les opprimés.

Ces conditions, le prolétariat les réalise au moyen de sa dictature, du POUVOIR DES SOVIETS.

L'instrument de cette dictature, du réveil des travailleurs, c'est le Parti révolutionnaire, groupant les éléments les plus conscients, les plus dévoués, les plus résolus de la classe ouvrière. Il la représente en entier, car à travers les flux et les reflux de la lutte sociale, il en exprime les intérêts permanents. Il est l'outil, l'arme intelligente par quoi la théorie marxiste passe dans la vie, rendant capable la transformation du monde. Tel fut le Parti de Lénine, puisant sa discipline dans le dévouement à la révolution, dans les rapports étroits avec le prolétariat et des larges masses exploitées, dans la claire vision des buts à atteindre. La tâche qui se pose devant les ouvriers d'avant-garde aujourd'hui, sur tous les champs de bataille, c'est de construire un tel Parti. De leur réussite ou de leur échec dépend leur sort dans les prochaines décades.


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