MIA

George Buchanan

(1854-1924)

George Buchanan
Diplomate britannique, ambassadeur en Russie pendant la révolution de 1917.
Le protecteur et inspirateur de Kérensky, Buchanan, a eu l'imprudence de nous raconter dans ses Mémoires ce que furent pour lui et ses pareils la guerre et la révolution. Bien des mois après Octobre, Buchanan décrivait dans les termes suivants l'année russe 1916 --terrible année de défaites de l'armée tsariste, de désarroi économique, année où l'on faisait partout la queue pour se ravitailler, année pendant laquelle les gouvernants jouèrent à saute-mouton, sous le commandement de Raspoutine :

«Dans une des plus charmantes villas que nous visitâmes (Buchanan parle de son voyage en Crimée, en 1916), nous ne fûmes pas seulement accueillis avec le pain et le sel présentés sur un plat d'argent, mais, lors de notre départ, nous trouvâmes dans l'automobile des douzaines de bouteilles de vieux bourgogne dont je célébrai les mérites en le dégustant à déjeuner. Il est infiniment triste de jeter un regard en arrière sur ces jours heureux (!), perdus à tout jamais, et de songer à la misère et aux souffrances dont a été fait le sort de personnes qui nous avaient reçus avec tant d'amabilité et d'hospitalité.»

Buchanan n'envisage pas ici les souffrances des soldats dans les tranchées et des mères affamées qui prenaient leur tour aux portes des boutiques; il parle des souffrances des anciens propriétaires de délicieuses villas, il regrette pour eux les plateaux d'argent et les fins bourgognes. Quand on lit des lignes aussi sereinement impudentes, on se dit : non, ce n'est pas à tort que la révolution d'Octobre est venue au monde ! Ce n'est pas à tort qu'elle a balayé non seulement les Romanov, mais un Buchanan et un Kérensky !

Trotsky, Ma vie, 1930




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